L’ADN d’un million de personnes enregistré en France
Le nombre de fichiers de police et de gendarmerie, estimé à 34 en 2006 et à 36 ou 37 selon les sources en mars 2008 est au moins de 44. C’est à ce total qu’est parvenue la « commission Bauer », qui a remis son volumineux rapport [145 pages à lire ici], avant-hier, à Michèle Alliot-Marie. Le criminologue Alain Bauer avait été de nouveau chargé par la ministre de réactiver sa commission après la rentrée scolaire et les remous suscités par le fichier Edvige, auquel finalement le ministre a renoncé… pour une version officiellement plus « soft ».
Parmi les fichiers « inconnus au bataillon », un tout récent Gesterex, pour « Gestion du terrorisme et des extrémistes à potentialité violente », dépendant de la Direction du Renseignement (Article 1 de l’arrêté du 27 juuin 2008, en remplacement des « Renseignements généraux ») de la Préfecture de Police de Paris (PP),… et classé « secret défense ».
Le fichier national des empreintes génétiques (Fnaeg), lui, ne cesse de s’enrichir, à raison de 25 000 saisies d'ADN par mois. D’ici un mois, il devrait atteindre le million d’individus. Bonne année ! S’il a prouvé son utilité dans certaines enquêtes, d’aucuns s’interrogent encore, dix ans après son lancement, sur son contrôle et sa situation à l’endroit des libertés publiques. On est certes bien loin (à population comparable) des quatre millions d’Outre-Manchots génétiquement fichés (dont 20 à 25 % d’innocents, victimes ou simples témoins), mais pour Michèle Alliot-Marie, ces fichiers « doivent être mieux expliqués. C’est la condition de leur acceptabilité ».
Alain Bauer préconise notamment le fichage des suspects selon dix types (méditerranéen et caucasien, africain/antillais, métis et autres, maghrébin, moyen-oriental, asiatique, indo-pakistanais, latino-américain, polynésien, mélanésien), ce qui correspond à une proposition faite… en 2006. Cette classification reprend en l'actualisant les « types » retenus dans le logiciel "Canonge", utilisé par les policiers pour le signalement des personnes recherchées et lui-même intégré dans le « système de traitement des infractions constatées » (Stic). Un parfait exemple de l’existence voici deux ans déjà de ce fichier se trouve dans ce sujet du Figaro Magazine (que l’on peut difficilement taxer d’être anti gouvernemental) sur les événements marseillais de fin octobre 2006, où des mineurs de 15 et 17 ans avaient été reconnus. Le groupe d’Alain Bauer préconise la suppression du type "gitan". SOS racisme, qui fait partie du groupe, a regretté « le maintien des catégories ethno-raciales (...) d'un autre âge ». De son côté, la Licra, également membre du groupe Bauer, qui avait réclamé « l'abandon de toute classification ethno-raciale », estime que « cette typologie est une déviance inquiétante en ce qui concerne le respect des libertés publiques ».
Parmi les vingt-six recommandations du rapport figure la nécessité de « mieux encadrer » les fichiers classés « secret défense », en créant une sorte de commission indépendante, présidée par un magistrat. Pour ce qui est du fichage des mineurs, la « commission Bauer » préconise de contrôler tous les deux ans la situation des mineurs fichés, puis de le faire à leur majorité.
La ministre a promis de faire savoir « d'ici à un mois » ce qu'elle retiendrait du rapport et a indiqué avoir pris contact avec la ministre de la Culture pour que la responsable des Archives nationales « étudie » la question de l'avenir de l'ex-fichier des Renseignements généraux : elle en attend des « propositions » pour distinguer les fiches devant être « détruites » et celles pouvant présenter un « intérêt historique ».
Sur les 21 membres du groupe du frère du président, cinq sont des représentants de deux ministères directement concernés (Intérieur et Justice) et les seize autres sont issus de la société civile (dont des syndicats de police), représentée entre autres par la Licra, SOS racisme, ou la Cnil. Michèle Alliot-Marie souhaite pérenniser le groupe…
Fabien Abitbol, photo Reuters
Les commentaires récents