Nicolas Sarkozy, à défaut d'une prestation convaincante, s'est offert dimanche 21 septembre une tranche de publicité de trois-quarts d'heure sur France 2, après 20 heures.
Un retentissement jusqu'au Téléjournal local de Radio Canada à Québec pour le retour officiel de l'ancien président dans la politique française. Oui, sur la chaîne locale. C'est ainsi que le téléspectateur de la région de Québec a pu apprendre que son intervention avait duré 45 minutes, ce qui m'avait échappé lorsque je l'ai regardée en direct en début d'après-midi (heure locale) sur La Première, le canal ultramarin du service public audiovisuel français.
Et le journaliste du service public canadien, qui depuis Paris a livré un sujet de deux minutes 45 (à visionner ici), n'a pas manqué -outre la longueur de l'entretien- de relever d'une part que l'élection présidentielle n'avait lieu qu'en 2017, d'autre part que Nicolas Sarkozy était empêtré dans une série d'affaires judiciaires encore en cours (à ce propos, lire le résumé mis en ligne par Metronews trois heures avant l'intervention du president sorti en 2012).
On a pu entendre Nicolas Sarkozy dire du bien de Alain Juppé: autant dire qu'il lui savonnait la planche, en affirmant qu'il aurait besoin de lui (comme de François Fillon). "Partout où il passe, ses successeurs trépassent", écrivait en août 2008 Julien Martin, dans Rue89, rappelant la prise de la mairie de Neuilly au nez et à la barbe de Charles Pasqua en 1983, il y a plus de trente ans, l'année même où Jean-Marie Le Pen s'offrait son premier ancrage local, à Ménilmontant. Or, le déjà candidat Sarkozy, se présentant comme un rempart contre le Front national, a mis ce dimanche en avant parmi ses qualités ses 35 ans de vie publique. Comme si les Français espéraient la venue d'un homme providentiel revenu du diable vauvert.
On a pu entendre celui qui a instauré la droite décomplexée annoncer qu'il voulait un rassemblement transpartisan. Pourquoi donc, dans ce cas, briguer la tête du parti politique dont il a pris la tête il y a dix ans, le 28 novembre 2004, comme le rappelle sa biographie sur le site de l'ambassade de France à Londres.
Quant au fait de prendre la tête d'un parti, cela lui est interdit. Membre de droit du Conseil constitutionnel (où il lui est même arrivé de siéger, comme l'indiquait Le Monde en mars 2013 au cinquième paragraphe), il a interdiction d'occuper "tout poste de responsabilité ou de direction" dans un parti politique, comme l'indique l'article 2 du décret du 13 novembre 1959, signé du président De Gaulle et du Premier ministre Debré, père de l'actuel président du Conseil constitutionnel.
Ce texte, Nicolas Sarkozy a donc pour ambition de s'asseoir dessus. Comme il s'est offert ce dimanche une géante page de publicité de trois-quarts d'heure sur le service public, lui qui a voulu faire passer en force l'interdiction de la réclame après 20h sur le service public.
Ce fut une longue tranche d'un moyennement convainquant show TV, à la fin duquel on ne pouvait qu'avoir en tête Edgar Faure s'inspirant sans vergogne de Camille Desmoulins et lançant "Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent". Le 7 mai 2012, au lendemain de la victoire de François Hollande, Le Figaro titrait "Nicolas Sarkozy arrête définitivement la politique".
Fabien Abitbol (capture d'écran du Téléjournal Québec du dimanche 21 septembre, édition de 18 heures)
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