Les contrôles d’identité effectués par les policiers à
Paris se fondent essentiellement sur l’ethnicité et le style de vêtements et non
pas sur la base d'un comportement suspect, indique un rapport publié par l'Open Society Justice Initiative, et intitulé « A Study of Stop-and-Search
Practices in Paris » (traduit en français par « Police et minorités
visibles : les contrôles d’identité à Paris »).
Cette étude a été réalisée par
Fabien Jobard (chercheur au Centre national de la recherche scientifique de Paris, CNRS) et
René Lévy (Directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit
et les institutions pénales, CESDIP, et directeur de recherches au CNRS) et présente « des
données uniques sur plus de 500 contrôles de police effectués dans cinq sites
parisiens dans et autour de la Gare du Nord et de la station Châtelet-Les
Halles ». En clair : cette étude n'a pas été réalisée dans des cités dites
« sensibles », même si Fabien Jobard a déjà travaillé sur « la racaille en politique », mais dans des lieux de passage. Ils
étaient aidés de « onze observateurs », est-il indiqué en page 7 du
rapport.
Selon
Rachel Neild, de l’Open Society Justice Initiative (OSJI), « cette étude apporte
pour la première fois en France des données quantitatives établissant
l’existence du profilage racial, confirmant des décennies de rapports
anecdotiques ». Ce que l’on appelle plus prosaïquement le contrôle au faciès,
interdit par le législateur (profilage racial est une terminologie européenne couramment admise). L’article premier de la Constitution stipule
notamment que la France « assure l’égalité devant la loi de tous les
citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », et le principe de l’égalité de traitement a été traduit dans le droit européen à l’été
2000.
Il
n’existe pas de preuves que ce type de profilage racial soit utile à la lutte
contre la criminalité, indique l’OSJI.
Cette
étude, menée d’octobre 2007 à mai 2008, a confirmé ce dont on se doutait :
les noirs (d’origine subsaharienne ou antillaise) ont davantage de risques de
se faire contrôler que les blancs. Dans des proportions qui varient entre 3,3
et 11,5 fois plus, selon les sites d’observation. Les personnes de type
maghrébin (classées « Arabes ») courent dans cette étude entre 1,8 et
14,8 fois plus de risques de contrôle policier ou douanier que les blancs sur
les sites retenus.
Les
jeunes aussi
« Les
jeunes français d’origine immigrée se plaignent depuis longtemps d’être les
cibles de contrôles d’identité répétés et stigmatisant. Notre étude non
seulement question l’efficacité de ce types de contrôles d’identité, mais aussi
précise que ces pratiques policières peuvent entraîner des conflits et un
niveau accrus d’agressivité entre la police et les groupes visés », a déclaré Mme Neild.
Certains types vestimentaires
sont aussi ciblés. Bien que les personnes portant des vêtements aujourd’hui
associés à différentes « cultures jeunes » françaises (hip-hop, tecktonic, punk, gothique, etc.) ne forment que 10% de la
population disponible, elles constituent ainsi jusque 47% des contrôles
policiers. Il ressort de l’étude que l’apparence vestimentaire des jeunes est
aussi prédictive du contrôle d’identité que l’apparence raciale. L’étude montre
une forte relation entre le fait d’être contrôlé par la police, l’origine
apparente de la personne contrôlée et le style de vêtements portés : deux tiers
des individus habillés « jeunes » relèvent de minorités visibles.
Aussi, il est probable que les
policiers considèrent le fait d’appartenir à une minorité visible et de porter
des vêtements typiquement jeunes comme étroitement liés à une propension à
commettre des infractions ou des crimes, appelant ainsi un contrôle d’identité.
Le
rapport fournit un certain nombre pistes de réformes pour les contrôles
d’identité à Paris, y compris des idées de modifications des lois et des
pratiques qui permettent actuellement le contrôle au faciès :
è une interdiction explicite de la discrimination par la
police ;
è le renforcement de l’existence de « raisons plausibles de soupçonner »
comme seules justifications des contrôles d’identité ;
è l’enregistrement et l’analyse systématique des contrôles
d’identité, afin de vérifier leur effet et de promouvoir de meilleures
pratiques.
« Cette
confirmation statistique de contrôle au faciès doit inciter les autorités
politiques et institutions policières en France à mettre un terme aux
contrôles discriminatoires,
améliorer les relations police-publique et accroître l’efficacité des contrôles
identité », a déclaré Mme Neild.
« Je
sais que vous êtes aimés des Français. Soyez fiers de votre uniforme. Soyez
fiers de votre métier. Soyez fiers de ce vous faites et soyez très rigoureux
sur l'application des règles déontologiques, les deux. Vous serez respectés
parce que vous êtes respectables », a dit le 14 jancier depuis Orléans le
président Sarkozy aux « acteurs de la sécurité » dans ce discours. Celui qui a été par deux fois ministre de l’Intérieur et qui est à
l’origine du rétablissement du plan Vigipirate en 2005 pourrait revoir son
discours pour les prochains vœux.
Pour
accéder au texte intégral du rapport, en anglais ou en français, cliquer ici, puis sur l’un des liens en haut à droite.
L’Open Society Justice Initiative
est le programme opérationnel de l’Open Society Institute (OSI ou fondation Soros), dont le président-fondateur est le milliardaire (et philanthrope) américain George Soros. Il préconise une réforme juridique fondée sur les droits et
s’attache à renforcer les connaissances et les capacités juridiques dans le
monde entier. L'institut est basé à New York. Ses
bureaux sont implantés à Abuja, Brussels, Budapest, Londres, New York, et Washington
DC.
F. A.
èLa discrimination dans le droit pénal français. Les activités policières ou
judiciaires n’y sont pas explicites.
è Un reportage vidéo dénonçant des consignes de contrôle (France 3, juin 2008)
è Le sujet publié le 29 juin dans le Ney York Times fait allusion à la nomination de Yazid
Sabeg par Nicolas Sarkozy en décembre dernier. Ce dernier avait lancé en mars un comité de mesure de la diversité, qui avait été controversé.
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