Dans un communiqué daté du 29 juin, l’Union des Pharmaciens de la région parisienne (UPRP, qui fédère les officines de Paris et des trois départements de la Petite couronne) appelle ses adhérents à ne plus délivrer «jusqu’à nouvel ordre» d’alcool à 90°C. Des affichettes viennent d’être apposées en ce sens.
A l’origine de ce retrait affiché de l’alcool à 90°C, les pénalités infligées par les services douaniers à certains pharmaciens sur les trois dernières années d’exercice. Ainsi, Bercy veut appliquer un droit d’accise de 15€/litre vendu.
Paradoxe, car, comme le relevait le Journal international de médecine le 20 juin (ici en résumé en version gratuite) «il semble que les responsables des services des Douanes jugent que l’alcool pur vendu aux particuliers ne peut être exonéré de droit d’accise, un changement de position sur lequel les autorités sont demeurées discrètes. Cependant, pour les pharmaciens, cette évolution n’est pas sans conséquence. Ces derniers n’ont en effet pas l’autorisation de s’approvisionner en alcool ayant payé les droits d’accise».
Cette taxation de quinze euros, pour un produit vendu deux à quatre fois moins cher (4 à 8€/litre en fonction les officines) serait bien évidemment répercutée sur le prix de vente au détail… donc sur le patient/consommateur. Les pharmaciens qui ont eu un redressement sont en outre assez furieux de se voir ainsi réclamer des sommes sur trois ans par l’administration fiscale.
Un pharmacien n'est pas un tenancier de bistro
En Haute-Savoie, relevait Le Dauphiné le 22 juin, certaines pharmacies ont vendu jusqu’à 7700 litres d’alcool sur les trois ans de redressement, et le principal syndicat local de pharmaciens considère que «jusqu’à 250 litres par an, en flacons de 125 ou 250 ml […] cela répond à l’usage médical normal». Et, ajoute un bouilleur en commentant des soupçons de fraude au Génépi, «ce n’est pas avec de l’alcool à 90° acheté dans les pharmacies que l’on fait de la bonne gnôle».
Par ailleurs, le statut même de l’alcool à 90°C dans la pharmacopée semble être assez flou pour que ce produit ne soit pas l’objet d’une taxe.
Les pharmaciens franciliens de l’UPRP contestent «fermement» l’interprétation des douanes. «L’Article L5121-1 alinéa 4 du Code de la Santé Publique définit le P.O.D (Produit Officinal Divisé)», disent-ils, comme «toute drogue simple, tout produit chimique ou toute préparation stable décrite par la pharmacopée, préparés à l’avance par un établissement pharmaceutique et divisés soit par lui, soit par la pharmacie d’officine qui le met en vente, soit par une pharmacie à usage intérieur, telle que définie au chapitre VI du présent titre». Selon l’UPRP, «sans conteste les flacons d’alcool préparés à l’avance par une officine sont des P.O.D.».
Les pharmaciens relèvent aussi que l’Article L 5111-1 du même Code de la Santé publique précise: «On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales,…», et considèrent ainsi que l’alcool à 90°C est un médicament.
D’un point de vue fiscal, l’article 302-D bis de l’ordonnance n°2001-766 du 29/08/01 (à lire ici, au Titre III), déjà évoqué fin 2010 par le député UMP des Alpes-Maritimes Jean-Claude Guibal dans une question écrite, devrait exonérer de droits d’accise les pharmaciens qui vendent de l’alcool à 90°C.
En attendant, devant «des taxations de plus de 7000€» pour certains pharmaciens, d’autres de 2500€ pour des pharmaciens n’ayant vendu que 50 litres d’alcool, le mot d’ordre est d’expliquer aux clients des pharmacies la situation, pour «faire cesser cet abus administratif».
«De la réaction commune, dépend la réponse de l’administrateur des Douanes», estime l’UPRP, qui incite à ses adhérents à apposer dans les officines de Paris et des trois départements de la Petite couronne l’information ci-dessus.
Fabien Abitbol
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