L’instauration récente par le gouvernement des deux fichiers policiers Edvige (pour Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale) et Cristina (pour Centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux) est présentée comme un toilettage des fichiers antérieurs des Renseignements généraux (RG) et de la direction de la surveillance du territoire (DST), à l’occasion de la récente réforme des services de renseignement. Mais, comme souvent, les modifications ont été plus profondes et étendent le spectre des informations collectées et des catégories de personnes concernées.
Dans Edvige, seraient recueillis les opinions, les fréquentations, les revenus, le patrimoine, mais aussi la sexualité ou les maladies des personnes « ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif », tout comme celles des individus « susceptibles de porter atteinte à l’ordre public », même s’ils ont 13 ans.
La collecte d’informations sur des individus ayant certains types de comportements (délictueux ou pas) et la constitution de « profils-types » sont vues comme des manières d’anticiper les dangers. D’où la fuite en avant vers la mise en place de bases de données les plus importantes possible, dans lesquelles on pourra trier, isoler, filtrer les groupes ou individus susceptibles d’avoir commis tel ou tel acte.
L’émotion suscitée depuis quelques jours par Edvige tranche avec la relative indifférence qui régnait en France, jusqu’ici, en matière d’atteintes à la vie privée. Dans d’autres pays européens, l’opinion publique se montre depuis longtemps beaucoup plus sensible à ces questions. La technologie jouant un rôle de plus en plus grand dans ces atteintes aux libertés, les hackers sont particulièrement bien placés pour les déjouer. Cela les amène – en Allemagne, notamment – à jouer un rôle politique de premier plan, comme le montre Jean-Marc Manach dans Le Monde diplomatique de septembre (« Les “bidouilleurs” de la société de l’information »). Quant à la vidéosurveillance, considérée comme la panacée en matière de sécurité, un récent rapport britannique a démontré sa totale inefficacité (« Sous l’œil myope des caméras », par Noé Le Blanc, également dans le numéro de septembre).
Source : La Valise diplomatique du 10 septembre
⇒ Le papa d’Edvige et de Cristina s’appelle Nicolas (Ligue des Droits de l’Homme)
⇒ Les tentacules du systèmes Schengen (Le Monde diplomatique, mars 2003)
⇒ Qui a peur de Big Brother (Le Monde diplomatique, août 2004)
⇒ Ces industries florissantes de la peur permanente (Le Monde diplomatique, août 2005)
⇒ Les mineurs, du soupçon à l’accusation (Le Monde diplomatique, avril 2007)
⇒ A qui appartient votre ADN ? (Le Monde diplomatique, juin 2008)
⇒ Jean-Luc Romero et Corinne Lepage contre Edvige
⇒ Café-débat, après-demain, dans le 14e, en présence de diverses personnalités, dont deux étaient invitées le 8 septembre sur France 2.
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