Hier vers midi, la solution était trouvée pour la demi-douzaine d’élèves du lycée Lislet-Geoffroy qui souhaitaient garder leur foulard. Au rectorat, la députée Huguette Bello a été reçue par le directeur de cabinet Jean-Luc Nguyen-Phuoc : l’ambiance est à l’apaisement, après ce qui apparaît aussi comme un malentendu.
Jamais on n’aura autant parlé chiffons au rectorat de La Réunion. Hier vers midi, la solution était enfin trouvée pour la demi-douzaine d’élèves du lycée Lislet-Geoffroy (Saint-Denis) qui souhaitaient garder leur foulard. « Elles le porteront désormais en bandana et ne le revendiqueront pas comme religieux », annonçait Jean-Luc Nguyen-Phuoc, directeur de cabinet du recteur et ancien principal de collège. Justement, la semaine dernière, les lycéennes nouaient le foulard “en bandana”, c’est-à-dire sur la nuque (et non sous le menton). Et ce même carré de tissu leur avait été interdit, notamment en raison d’un malentendu : le “bandana”, c’est ce petit foulard imprimé qu’on peut porter sous forme de bandeau, sans couvrir les cheveux. De toute évidence, quand certains professeurs autorisaient le “bandana”, ils n’autorisaient pas le foulard islamique noué en arrière ! L’histoire serait drôle si on n’avait pas frôlé l’exclusion de plusieurs adolescentes du lycée. Hier au rectorat, la députée communiste Huguette Bello ne cachait pas son irritation.
« Personne ne force ces filles »
Dès le vote de la loi en 2004, l’actuelle maire de Saint-Paul avait expliqué que cette loi sur la « laïcité » lui semblait particulièrement dangereuse pour La Réunion. Il n’est donc pas surprenant qu’en rencontrant, hier, M. Nguyen-Phuoc, Mme Bello ait réitéré ses arguments : « Il y a des intégristes laïcs qui veulent appliquer la sharia de la laïcité. » Evoquant l’accueil officiel des nouveaux enseignants dans l’académie, chaque année, Mme Bello a insisté : de la même manière qu’on leur explique comment se protéger du chikungunya, il faut dire aux métropolitains que le foulard fait partie des costumes réunionnais. « Il ne faut pas que les gens qui arrivent, à chaque fois, remettent tout en cause. Je suis contre ce messianisme », tonnait la députée. Huguette Bello était accompagnée hier par plusieurs militantes de l’Union des femmes réunionnaises, dont Naznine Fazal. Musulmane d’origine malgache (comme plusieurs des lycéennes concernées par cette polémique), Mme Fazal a expliqué : « Personne ne force ces filles à porter le foulard. Avec cette affaire, on les a humiliées. Nous sommes venues ici pour défendre la femme. » Egalement dans la délégation, Abdoullah Mollan, président du conseil régional du culte musulman, se voulait apaisant. « La loi sur la laïcité préconise d’abord le dialogue et une application intelligente. Ces filles souhaitent garder les cheveux couverts ; c’est un choix personnel, sans contrainte ; c’est aussi une habitude culturelle, et pas seulement chez les chiites. Notre principale préoccupation, c’est que ces filles continuent une scolarité normale. » Apparemment, l’objectif est atteint : les adolescentes pourront toutes garder un foulard en classe, s’il n’est pas noué sous le menton, et s’il n’est pas revendiqué comme un symbole religieux. Un modèle de compromis pour notre casuistique moderne.
Véronique Hummel, pour le Journal de l’Ile de la Réunion
Autorité Que faudra-t-il inventer pour pimenter la prochaine rentrée ? Un débat sur la longueur maximale de la barbe, signe extérieur masculin islamique ? Ou une polémique sur la taille du poutou, rouge ou noir sur les fronts hindous ? Ou une réglementation sur la taille des médailles de baptême chrétien ? Lorsqu’une loi votée pour défendre les indispensables valeurs de respect et d’égalité devient seulement une obligation de montrer ses cheveux, il y a comme de l’égarement. Logique : si les professeurs métropolitains ont réclamé une loi sur la “laïcité”, c’est parce qu’ils n’avaient plus grand soutien hiérarchique face à l’agressivité des familles. La loi de mars 2004 a surtout servi à conforter leur autorité, régulièrement malmenée par des discours politiques qui dénigrent la fonction publique et cautionnent une scandaleuse paupérisation du métier d’enseignant. Un récent sondage TNS Sofres /Logica (1) pour France 2 et la presse quotidienne régionale indique que 63% des Français demandent davantage d’autorité à l’école. Or, les élèves réunionnais sont notoirement plus respectueux de l’autorité enseignante que la moyenne métropolitaine. Peut-être parce qu’ils vivent mieux certaines valeurs républicaines ? ————— (1) Enquête réalisée par téléphone, pour France 2 et la SPQR, les 2 et 3 septembre 2008, auprès d’un échantillon national de 1 000 personnes.
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