Le “retour volontaire” ne fait pas passer les Roms en rétention
Le rapport Cimade 2009 vient de paraître. 217 pages faisant le tour de la grosse vingtaine de centres de rétention administrative (CRA) de France et des cinq locaux de rétention administrative. Outre un historique de la Cimade et de la rétention en France, on y trouve également d’intéressants éléments statistiques…
Si ces derniers jours quelques médias ont mis l’accent —à juste titre— sur la rétention des enfants, en augmentation (318 en 2009, 165 en 2004) ou sur la durée moyenne (10,7 jours en sus de la garde à vue pour une personne seule, 5 jours pour une famille), peu ont divulgué les nationalités des étrangers retenus. Parmi eux, une majorité de ressortissants maghrébins et quelques européens (voir le tableau ci-contre).
«156 nationalités différentes ont transité par les centres de rétention», indique la Cimade en page 19, en publiant un tableau récapitulatif rassemblant les principales d’entre elles. «Bien évidemment, l’histoire de la France avec certains pays est aussi à l’origine d’un mouvement de population plus important. C’est pourquoi nous rencontrons toujours une forte proportion d’étrangers en provenance du Maghreb et des anciennes colonies d’Afrique orientale», commente la Cimade.
Les Algériens représentent 12,83% des retenus, les Marocains 12,22% et les Tunisiens 11,11%.
Pour ce qui concerne les étrangers européens, la Cimade a relevé que les ressortissants roumains représentaient 2,02% de la population totale. «Comme nous avons pu notamment le constater durant l’été 2010, commente-t-elle, le renvoi des Roumains, parmi lesquels nombre de Roms, se fait plus souvent via une procédure qualifiée de “retour volontaire” qui n’implique pas de passage dans les centres de rétention». Mais, à part les Roumains, la France éloigne très peu de communautaires. «Il est exceptionnel de constater la présence de Belges ou d’Anglais en rétention alors que près de 600 Roumains y ont été enfermés en 2009», lit-on dans cette fameuse page 19 sur les nationalités des retenus. Pour mémoire, en 2007, sur 23 150 expulsés, 2270 étaient Roumains et 810 Bulgares, dont une majorité de Roms, comme indiqué ici en août 2008. Depuis la circulaire DPM/DMI du 22 décembre 2006 (à télécharger ici), les Roumains et les Bulgares sont devenus la “variable d’ajustement” de la politique migratoire de la France. Les chiffres communiqués annuellement aux électeurs via la presse comportent plus ou moins 9 à 12% d’Européens communautaires faisant l’objet d’un traitement séparé décidé lorsque Nicolas Sarkozy était au ministère de l’Intérieur.
Concernant les Turcs (4,84%), les Chinois (3,96%) et les Indiens (4,79%), la Cimade écrit que leur présence «démontre une fois de plus que les mouvements migratoires se diversifient et ne sont pas seulement l’apanage des anciennes colonies».
Concernant les ressortissants afghans et irakiens, qui «quittent des pays en guerre pour trouver un refuge en Europe», l’organisme estime que «ces personnes sont emblématiques de la politique des autorités françaises qui persistent à les priver de liberté en sachant pertinemment que leur éloignement sera quasiment impossible et qu’il les exposerait à de très graves risques s’il devenait effectif».
La Cimade rappelle que, pour justifier un placement en rétention administrative (et donc une expulsion du territoire national), un étranger doit être sous le coup d’une mesure d’éloignement. «Plus rarement», celle-ci peut être prise par l’administration ou par une juridiction pénale, sanctionnant un délit ou un crime.
Les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) représentent plus de 70 % des mesures d’éloignement du territoire. Cette mesure sanctionne un simple séjour irrégulier en absence de tout autre délit. Parallèlement, les interdictions du territoire (qui assortissent une condamnation pénale pour séjour irrégulier ou pour d’autres délits) sont en constante diminution passant de 7,72% en 2006 à 5,17% en 2009.
Le rapport 2009 s’annonce comme «le dernier de la sorte» et ne se contente pas d’énumérer des chiffres. Les analyses qu'on y trouve permettent d’y voir plus clair sur la politique prise ces dernières années à l’endroit des étrangers en situation irrégulière, faisant parfois passer la rétention comme une «mesure punitive».
Fabien Abitbol
Pour télécharger le rapport 2009, cliquer ici puis descendre au bas de la page (4,9Mo).
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