La scène avait circulé sur Internet
Deux policiers soupçonnés d'avoir porté des coups sur un jeune homme de 20 ans mardi dernier à Montfermeil (Seine-Saint-Denis) ont été placés mardi en garde à vue dans les locaux de l'Inspection générale des services (IGS de Paris, compétente pour les départements de la petite couronne), indique-t-on ce mardi de source judiciaire. Une vidéo avait été faite par « l'œil des Bosquets », remise à la police, et un montage avait largement été diffusé sur Internet.
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Dans un entretien accordé à Paris Obs, Ladj Ly (ci-contre), le réalisateur de la vidéo qui a tout déclenché, expliquait que, s'il n'avait pas filmé la révolte de l'hiver 2005, il aurait sans doute été du côté des casseurs. Par la suite, il a joué dans Sheitan notre voisin Vincent Cassel et a connu une certaine forme de célébrité. Pas encore assez pour celui dont la première ambition (pour lui et sa famille) était l'an passé de quitter la cité où il a grandi pour rejoindre Montreuil
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Ces deux agents, tous deux affectés à Gagny, en Seine-Saint-Denis (un gardien de la paix de 26 ans et un sous-brigadier de 38 ans), sont suspectés d'être les policiers que l'on voit, dans une vidéo filmée par un témoin, asséner à Abdoulaye Fofana un coup de crosse de flash-ball et plusieurs coups de tonfa dans le hall de l’immeuble qu’il habite à la Cité des Bosquets.
Cette vidéo avait été versée dès la fin de semaine dernière à l'enquête confiée jeudi par le parquet de Bobigny à l'IGS et un montage avait été mis en ligne dimanche avec un sujet sur le site Internet d’informations Rue89.com. La vidéo originale avait été réalisée par Ladj Ly, un réalisateur du collectif Kourtrajme, domicilié aux Bosquets, qui filme depuis plusieurs années le quotidien des cités de Clichy et Montfermeil, et surnommé « l'œil des Bosquets »
Outre les deux policiers placés en garde à vue à 9h30 pour « violences par dépositaire de l'autorité publique avec arme », l'IGS doit entendre « une dizaine » de leurs collègues dans la journée.
Vers 22h00, les policiers avaient interpellé cet étudiant chez lui après des échauffourées dans le quartier entre des jeunes et la police, qui avait essuyé des jets de pierre. Ils le soupçonnaient d'être impliqué dans ces violences.
Abdoulaye Fofana, dont le casier judiciaire est vierge, s'est vu attribuer deux jours d'interruption totale de travail (ITT) et l'un des policiers, qui a eu le pouce cassé, un mois d'ITT, selon la source judiciaire. Selon son avocat Me Yassine Bouzrou, il a été frappé lorsque les policiers le descendaient menotté, dans l'escalier puis le hall de son immeuble. L'avocat, qui réclame l'ouverture d'une information judiciaire, a indiqué qu'il allait déposer plainte ce mardi au parquet de Bobigny pour « violences aggravées » sur Abdoulaye, sa mère (qui a un arrêt de six jours, donc supérieur à huit, en matière judiciaire) et une jeune nièce, blessée à la lèvre. Il visera aussi des faits de « menaces de mort » et « subornation de témoin » en raison des pressions rapportées par le jeune pendant sa garde à vue pour changer de version des faits.
Le jeune homme, qui a été convoqué hier à l'IGS, conteste être impliqué dans les jets de pierre contre les policiers, assurant qu'il regardait le match "amical" de football France-Tunisie en famille ; il fait partie de ceux qui doivent répondre de ce qui s'est passé lors de ce "fameux" match, le 10 décembre, devant le tribunal.
La description du lanceur de projectiles, porteur de baskets blanches, « ne correspond pas » à Abdoulaye dont les baskets sont « vertes et violettes avec un peu de blanc », selon Me Bouzrou.
F.A., avec AFP, photo Paris Obs/Archives
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