Enfin, nouveau, façon de parler…
On ne savait pas s’il aurait un goût de fraise ou de banane, mais ce qu’on savait, c’est qu’on nous prenait pour des poires. En ce mois de novembre 2010, à l’approche du troisième jeudi, jour du beaujolais pour certains, nous avons eu le deuxième week-end. Avec ce que le président Sarkozy avait annoncé depuis juin : le remaniement.
Samedi soir, vers 19h30, juste à temps pour bousculer les journaux télévisés et (tant qu’à faire) brouiller l'écoute des épousailles lyonnaises entre Les Verts et Europe écologie, l’Elysée annonçait avoir accepté la démission du Premier ministre. Pour nommer dimanche 14 novembre au matin… François Fillon. Et dimanche soir, en plein pendant le journal télévisé, le porte-parole de la présidence de la République est venu annoncer la composition du gouvernement.
Trente membres en tout : deux ministres d’Etat (M. Alain Juppé, à la Défense et aux Anciens combattants, et Mme Michèle Alliot-Marie, aux Affaires étrangères et européennes), vingt ministres, et huit secrétaires d’Etat.
Présente au gouvernement depuis 2002, Michèle Alliot-Marie enchaîne donc quatre ministères régaliens (Défense de 2002 à 2007, Intérieur sous Fillon I, Justice sous Fillon II et maintenant Quai d’Orsay) et devient la doyenne du gouvernement, tandis que son compagnon, Patrick Ollier, y fait une entrée peu discrète à un poste pourtant fort peu en vue : ministre des relations avec le Parlement. Alors que deux hommes médiatiques, MM. Borloo et Kouchner (à qui l’on reprochait parfois leur vie privée proche des médias, le premier étant l’époux de Béatrice Schönberg, le second le compagnon de Christine Ockrent), s'en vont, voilà maintenant un couple au gouvernement.
Bonne nouvelle : l’intitulé du ministère de l’«Identité nationale» n’existe plus. La pétition pour la suppression du ministère demeure d’actualité. On ne sait en effet pas encore les contours du ministère qu’aura à gérer Brice Hortefeux, dont l’intitulé était dimanche soir «ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration». Le mot «immigration» demeure. Comme demeurera la campagne présidentielle de 2007, clôturée par ce discours prononcé à Bercy par… François Fillon. On n’est pas non plus à l’abri d’un réaménagement : il y en a eu douze de juillet 2007 (soit une fois le gouvernement d’après législatives installé) à juillet 2010. Douze réajustements ministériels en trois ans sans que jamais le mot de remaniement ne soit prononcé.
Parmi les douze remaniements (qui ne disaient pas leur nom) en trois ans, celui du 18 mars 2008 (pourtant ample) a été quelque peu oublié de certaines mémoires. Il attribuait notamment à Eric Besson le développement de l’économie numérique. Dans le gouvernement appelé à se réunir mercredi 17 pour son premier Conseil des ministres, Eric Besson sera, auprès de Mme Christine Lagarde, «chargé de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique». En clair : après avoir chassé les Roms au point de faire réagir le commissaire européen Thomas Hammarberg, le transfuge du PS aura en charge les CD-Roms. Mais de façon industrielle. Car la prospective dont il devait s’occuper voici deux ans (qui était passée depuis entre les mains de Nathalie Kosciusko-Morizet) est désormais absente de l’organigramme. On ne regarde plus vers le futur…
En matière de santé, c’est un retour en arrière aussi, avec la nomination de Mme Nora Berra comme «secrétaire d’Etat auprès du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, chargée de la Santé». Même pas un rang de ministre. C’est en fait M. Xavier Bertrand qui devient ministre du travail, de l’emploi et de la santé, et qui s’adjoint une secrétaire d’Etat pour traiter de la Santé. Comme lorsque, sous la fin de Jean-Pierre Raffarin, la France avait un ministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale (avec Jean-Louis Borloo), un autre de la Santé, de la Famille et de la Solidarité (avec Philippe Douste-Blazy) et divers secrétariats d’Etat, dont celui de l’assurance maladie entre les mains de Xavier Bertrand. Ce fut la mise en place des vignettes et autres forfaitures forfaitaires.
Dans la série «recyclage», notons que, sur trente ministres et secrétaires d’Etat (hors François Fillon), dix conservent leur ministère (avec parfois une légère modification, comme Brice Hortefeux qui récupère l’Immigration ou Luc Chatel qui perd le porte-parolat) et onze changent de poste, comme Chantal Jouanno, promue de secrétaire d'Etat à l'écologie à ministre des sports, ou Michel Mercier, qui quitte l'aménagement du territoire pour la justice.
A force d'entendre parler de Alain Juppé, qui s'était annoncé au gouvernement avant même l'officialisation du remaniement, ce dernier s'est retrouvé propulsé Premier ministre sur Libération, qui se répète après cette Une de juin 2009
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Deux tiers des ministres (et secrétaires d’Etat) sont donc d’anciens ministres. Mais ce n’est pas tout : parmi les neuf qui font leur entrée, trois ont déjà été ministres. Il s’agit de Alain Juppé et Xavier Bertrand côté hommes, Marie-Anne Montchamp, côté femmes. Le premier, ministre express de l’écologie du premier gouvernement Fillon (un mois durant), viendra, en tant que ministre d’Etat en charge de la Défense, occuper son sixième fauteuil au Conseil des ministres depuis 1986. L’encore patron de l’UMP (apparemment plus pour très longtemps) viendra pour la cinquième fois depuis 2004, en fait pour un quatrième fauteuil, puisqu’il a été par deux fois ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité. Il est, cette fois, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé… car Eric Woerth, pourtant soutenu ouvertement ces derniers mois, a été simplement débarqué.
Quant à Marie-Anne Montchamp, elle a été par deux fois sous Jean-Pierre Raffarin secrétaire d’Etat en charge des Handicapés. Elue du Val-de-Marne, elle a été suspendue de l’UMP pour cause de dissidence et était une des plus ferventes députées villepinistes (lire à ce sujet cette analyse d’une ancienne assistante parlementaire). Etrangement, le communiqué de l’Elysée indique que Mme Montchamp est «secrétaire d’Etat auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale», mais ne précise pas ses attributions, contrairement aux autres secrétaires d’Etat. Elle sera remplacée à son poste de porte-parole de République solidaire (le mouvement villepiniste), indique un message sur le réseau social twitter.
Ce Fillon nouveau n’est donc pas si nouveau que cela, puisqu’il ne compte que six personnes n’ayant jamais siégé au gouvernement. Et, parmi ces six, on notera quelques têtes connues, pour ne pas dire «très» connues… Avec aux Transports Thierry Mariani, au Commerce, à l’Artisanat, aux PME, au Tourisme, aux Services, aux Professions libérales et à la Consommation (ouf !) Frédéric Lefebvre, aux Relations avec le parlement Patrick Ollier et à la Ville Maurice Leroy. Seuls sont un peu plus discrets (jusqu’à présent) le président de la Région Alsace Philippe Richert (nommé aux Collectivités territoriales) et la présidente de la Halde (depuis seulement avril dernier) Jeannette Bougrab, nommée à la Jeunesse et à la Vie associative. Parmi ces six nouveaux, Frédéric Lefebvre, qui s'était fait assez discret ces derniers jours, avait été «ministre virtuel» l'été 2009. C'est dire si son arrivée n'est pas une surprise…
Le Premier ministre n’a pas changé. Les grands ministères sont restés entre des mains connues (y compris la promotion de Michel Mercier), il n’y a pas eu de «virage social» ni de faveurs aux centristes, bien au contraire (encore moins d’«ouverture» tant prônée en 2007), et la société civile et la diversité sont réduites à une seule personne : Jeannette Bougrab, l’une des onze femmes d’un gouvernement de moins en moins paritaire.
Dans les anciens gouvernements Fillon, il y avait 33 à 38 membres, premier ministre inclus, et maximum 25% d’UMP (voir ici). Dans le nouveau, on compte 90% d’UMP, et plus de la moitié sont d’anciens du RPR. Ironie : François Baroin, toujours au Budget, hérite du porte-parolat. C'est avec ce poste de porte-parole qu'il était entré, jeune RPR, dans le premier gouvernement Juppé, en mai 1995.
Même dans les origines géographiques, ce gouvernement ne ressemble pas à grand chose. Au risque de faire du mauvais esprit, on pourra remarquer que cinq de ses membres sont nés à Neuilly-sur-Seine : Brice Hortefeux, Valérie Pécresse, Georges Tron, Bruno Le Maire et Frédéric Lefebvre. Cinq des trente membres du gouvernement sont originaires d’une ville représentant numériquement 1% de la population française, et dont le revenu fiscal par ménage figure dans les dix premiers de France. Une ville administrée, de 1983 à 2002, par Nicolas Sarkozy (voir ici la liste des maires de Neuilly depuis 1790).
Fraise, banane, poire… à trop avoir fait durer le suspense, le président Sarkozy aura livré un navet, rien de plus.
Fabien Abitbol, dessin de KAT, ill. : capture d’écran du site Internet de Libération annonçant le «gouvernement de Juppé»
La composition du gouvernement sur le site de l’Elysée
C'est précis, pointu et affuté.. Et voilà un avis complet...
Pour la liste complète du gouvernement, je vous recommande mon billet sur mon ReservoirBlog: Ce Que Je pense...voir lien sur le profil.. (@bembelly)...
Rédigé par : @bembelly | 15/11/2010 à 09h35
le fait d'être né à Neuilly n'est pas une référence significative, mes enfants ont failli y naître, j'y travaille depuis 15 ans et je ne suis pas riche.
hier aprem, j'ai regardé les chaines d'info en continu et je n'y ai vu qu'un morceau de reportage passé en boucle : une berline aux vîtres fumées suivie d'un monospace, précédée de 2 motards, le tout sortant de l'Elysée...
Comme ces enfants qui ont vu, le 11 septembre, ces avions s'écraser contre des tours et qui ont cru que 430 avions avaient percuté le wall trade center, j'ai cru que ce bal de voitures annonçait un événement...non.
Tout ça pour ça...
quelle déception !!
mais la déception est de mise ce soir car On ne peut pas forcer les gens à apprécier les choses...
Rédigé par : Valérie | 15/11/2010 à 18h30
Deux ministres condamnés par la justice dans ce "nouveau" gouvernement, Hortefeux et Juppé, moi, même si je ne suis pas concernée, ça me fait bizarre.
Et demain soir, les mécontents vont-il boycotter le laïus présidentiel ?
Chez nous, toujours pas de fumée blanche.
Rédigé par : Anne-Marie | 15/11/2010 à 19h12
quand il y aura la fumée blanche, ça sentira le sapin...
Rédigé par : Valérie | 16/11/2010 à 07h15