Alors que les réclamations ont été multipliées par dix depuis 2007 dans le domaine de l’énergie, et qu’il n’y a pas de trêve hivernale pour les impayés en ce domaine, le ministre en charge de l’Energie, Eric Besson, a annoncé ce jeudi une baisse de la facture pour les bénéficiaires du Tarif première nécessité (TPN), également appelé «tarif social». Une baisse qui sera, en réalité, de moins de dix euros par an. Explications…
Par méconnaissance ou incompréhension de l’annonce gouvernementale, Relaxnews titre «Les ménages modestes paieront moins cher leur électricité à compter du 1er janvier» (lire par exemple sur le site de La République du Centre ou sur Comment ça marche). Le TPN n’a jamais rendu l’électricité moins chère. Mis en place réellement en 2005, il se compose de deux parties: une réduction sur l’abonnement, dont le pourcentage varie en fonction de la taille du foyer, et un abattement forfaitaire mensuel sur une part de la consommation.
Actuellement, le prix de l’abonnement est minoré de 30% pour un célibataire jusqu’à 50% pour une famille nombreuse. La différence est payée par une cotisation prélevée sur l’ensemble des factures EDF. Or Eric Besson souhaite que, dès le 1er janvier, cette fourchette passe de 40 à 60%. C’est tout. Rien de plus.
Si l’on regarde les tarifs d’abonnement, on voit qu’un compteur de 9kVA (la puissance maximale autorisée pour bénéficier du TPN) coûte 96,93€ par an. Un célibataire bénéficiant du TPN paierait donc à l’heure actuelle 67,85€/an, et à compter du 1er janvier 58,16€, soit une ristourne supplémentaire de 9,69€ par an, ou un euro par mois, pour les abonnés mensualisés. L’annonce de M. Besson, sur ce point, est plutôt faible.
Si l’économie annuelle, toujours pour une personne seule, avant l’annonce de M. Besson, peut atteindre 70€ par an —l'EDF annonce une moyenne de 77€— sur l’ensemble d'une facture (souvent de 400€ hors chauffage électrique), ce n’est qu’en comptant la prise en charge partielle de la consommation. Qui est (et restera) des «100 premiers kWh consommés chaque mois».
La dépêche AFP faisant cette annonce conclut par «Depuis le début de l'année, le nombre de foyers bénéficiaires du tarif social de l'électricité, qui était encore de 940.000 fin décembre 2009, a chuté à 625.000 (-33%) sans qu'on en connaisse la raison» (à relire ici). La raison est assez simple:
Le Décret n°2004-325 du 8 avril 2004 relatif à la tarification spéciale de l'électricité comme produit de première nécessité (version initiale ici), modifié le 15 août 2008, et dont la version en vigueur au 16 décembre 2010 (à lire ici) précise bien en son article 4 que «Les organismes d'assurance maladie communiquent aux distributeurs d'électricité ou à un organisme agissant pour leur compte les prénoms, noms et adresses de leurs ressortissants remplissant la condition de ressources prévue à l'article 1er ainsi que le nombre de personnes du foyer…». Et ce document EDF, daté de 2008, indique aux usagers concernés «vous n’avez pas à faire de démarche particulière » et «si vous êtes concerné […] vous avez dû recevoir une attestation à remplir et à renvoyer…». Le tout à une adresse correspondant à EDF, et non pas à la Sécurité sociale…
EDF ou la Sécu ?
Ainsi, depuis 2009, le demandeur qui appelle l’EDF (après une assez longue attente téléphonique) est-il renvoyé à sa caisse de Sécurité sociale, sans doute parce que l’employé de l’EDF se base sur les textes publiés au Journal officiel. A la Sécu, un agent, sans doute de bonne foi, lui conseille de se tourner vers l’EDF. Dans ces conditions pour le moins kafkaïennes, difficile de bénéficier, pour les nouveaux ayants-droit, du Tarif de première nécessité. Quant aux anciens qui souhaitent le renouveler (cette faculté n’est valable que pour douze mois, puisque soumise à un plafond de ressources), il semble qu’ils se heurtent au même mur.
Ne serait-il pas plus judicieux de charger les Caisses d’allocations familiales (CAF) d’expédier à tous les allocataires entrant a priori dans les critères les coordonnées d’un numéro unique EDF-Première nécessité? A partir de là, l’usager contactant ce numéro ferait vérifier par l’EDF si son compteur est bien à son nom et correspond bien aux puissances autorisées. L’EDF lui enverrait un formulaire à ses nom et adresse avec les références de son compteur, qu’il n’aurait plus qu’à faire valider par sa caisse de sécurité sociale (CPAM), seule agréée par la loi de 2004 à accorder le TPN.
Il y avait en septembre 2010 1,33 millions de bénéficiaires du RSA-socle (ex-RMI et API). Par définition, tous ont droit au Tarif de première nécessité, puisque son plafond est basé sur la Couverture maladie, légèrement supérieure à une fois et demie le RSA-socle. Sur les 438000 bénéficiaires du RSA-activité, certains rentrent aussi dans les critères EDF. Avec 940000 abonnés à l’EDF bénéficiant du TPN fin 2009, et seulement 625000 maintenant, on est loin, très loin, du compte.
L’«augmentation de l’abattement» annoncée par les médias ne sera qu’une baisse de 10% sur la part fixe de la facture annuelle (l’abonnement), celui-ci représentant, pour un foyer ordinaire (sans chauffage électrique même d’appoint) au maximum 20 à 30% de la facture globale. Une annonce de plus. Sans compter que cette dépense, il n’est pas inutile de le rappeler, n’est pas «une fleur» du gouvernement, mais une ristourne accordée par le fournisseur d’énergie qui se sert lui-même sur ce qu’il encaisse en facturant l’ensemble de ses clients.
Mise à jour du 16 décembre, 23h00. - Avec l’entée en vigueur de la loi Nome (nouvelle organisation du marché de l'électricité), Bertrand Lapostolet, de la fondation Abbé Pierre, co-auteur d'un rapport sur la précarité énergétique, n’est pas certain que cette petite baisse fasse une réelle économie (lire ici la dépêche Reuters de jeudi soir). Selon l’UFC-Que Choisir, les prix de l’électricité pourraient augmenter de 7 à 11% dès 2011, et de 21 à 28% d’ici à 2015.
Fabien Abitbol, illustration : copie d’écran du site Internet Bleu Ciel EDF
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