Outre le danger que représente un gouvernement Likoud pour toute perspective de processus de paix avec les Palestiniens ou pour le système social (ou ce qu’il en reste), il y a la perspective cauchemardesque de voir un ministre de l’éducation du parti Shas. Ces dernières attaques du rabbin Yossef (dont il ne faut pas sous-estimer l’importance, même s’il est quasi sénile) ne font que renforcer ce cauchemar : voir un ministre Shas devenir ministre de l’éducation et supprimer, ou en tout cas tenter de le faire, car il y aurait de fortes résistances, tout l’aspect universaliste du système éducatif israélien.
Dans sa drasha (sorte de sermon) hebdomadaire, le rabbin Ovadia Yossef a dit que le système éducatif laïque ne savait rien, « ni le shabbat, ni les fêtes », et n’enseignait rien d’autre que « des bêtises ». Il a trouvé malheureux les pauvres gens qui plaçaient leurs enfants dans le système éducatif laïque. Car « qu’y enseigne-t-on ? L’histoire et toutes sortes de bêtises sur les Nations du monde [1], c’est tout. »
Youli Tamir, ministre de l’éducation, a réagi vivement aux propos du rabbin Yossef, en exigeant qu’il s’excuse publiquement. Elle a ajouté que le sermon du rabbin était « méchant, sans fondement et offensant pour les dizaines de milliers de fonctionnaires qui accomplissent leur tâche difficile avec conscience. »
Le député (ex-travailliste, pressenti pour rejoindre le nouveau parti de gauche) a lui aussi réagi en déclarant : « Nous ne laisserons pas le Shas faire des enseignants d’Israël un punching-ball dans la campagne électorale. » Il a ajouté que le fait que le parti Shas revendique le ministère de l’éducation prouvait « la dangerosité d’un gouvernement dirigé par Netanyahou (leader du Likoud), qui a refusé de rendre publiques les promesses faites au Shas pour qu’il rejoigne son éventuelle coalition gouvernementale. »
Il y a 15 jours, le rabbin Yossef et Eli Yishaï, président du parti Shas, se sont fixé un objectif de 18 sièges pour leur parti aux prochaines élections de février (actuellement, le Shas dispose de 12 sièges à la Knesset).
« Que voulons-nous faire concernant le ministère de l’éducation ? » a demandé Yishaï en parlant de ses objectifs pour la prochaine mandature. Nous voulons « enseigner le judaïsme, la tradition, la bar-mitsva, le shabbat, le respect des parents, bref, tout ce que notre maître Yossef nous enseigne tous les jours. »
Yishaï s’en est également pris à tous les autres partis politiques qui ont été responsables du ministère de l’éducation en disant : « Chaque année, l’usage de drogues et la violence augmentent chez les jeunes, et le niveau d’éducation baisse. » [2]
Source : Ha’Aretz du 23 novembre, photo Emil Salman
Article original (en anglais) à lire ici ; traduction Gérard Eizenberg pour La Paix maintenant
[1] Nations du monde ("oumot ha’olam" en hébreu) a fini par prendre un sens péjoratif chez certains religieux ultra-orthodoxes qui pensent que l’étude ne doit concerner que les textes et la tradition. Tout intérêt pour l’histoire des autres peuples, pour la philosophie ou la littérature, par exemple, peut être considéré comme universaliste et par conséquent impie (note du traducteur).
[2] Argument récurrent des religieux à l’égard des laïques en Israël, comme partout ailleurs (« la religion préserve des turpitudes morales »). Il y aurait un article à faire sur les violences domestiques dans les milieux ultra-orthodoxes, à l’égard des femmes en particulier, ainsi que sur les abus sexuels ou sur l’usage de drogues (note du traducteur).
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