A l’occasion de l’anniversaire du Grenelle de l’environnement, le magazine « Terra Economica » dévoile la facture écologique du président de la République. Pour ses seuls voyages officiels, ce dernier a émis en 11 mois 7 061 tonnes de CO2. C’est autant que le total annuel des émissions de gaz à effet de serre de mille Français.
Un minimum de 7 061 tonnes équivalent CO2 : voici la quantité de gaz à effet de serre rejetée dans l’atmosphère par Nicolas Sarkozy au cours de ses déplacements officiels des onze derniers mois. C’est-à-dire depuis la signature du « Grenelle de l’environnement », le 26 octobre 2007, en présence du prix Nobel de la paix Al Gore.
Ce chiffre, que révèle Terra Economica, c’est en quelque sorte le « train de vie écologique » ou le « coût écologique » des déplacements officiels de Nicolas Sarkozy. 7 061 tonnes équivalent CO2 (dioxyde de carbone), c’est l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre totales annuelles - transport, logement, nourriture… - de 1 000 Français ordinaires, ou encore du village de Monbazillac (Dordogne).
Un troupeau de 823 vaches
C’est aussi l’équivalent des émissions d’une des voitures les plus économes du marché (de type Smart), qui aurait accompli – tenez-vous bien – 1 750 fois le tour de la Terre. Dans un registre plus bucolique, c’est, enfin, l’équivalent des émissions d’un troupeau de 823 vaches laitières du Nord-Bretagne pendant toute une année.
Précision : le renouvellement en cours de la flotte élyséenne, et le changement pour un avion long courrier plus lourd que l’avion présidentiel actuel, devrait avoir un impact à la hausse sur ces chiffres. Selon nos estimations, si Nicolas Sarkozy maintient le rythme de ses déplacements pour l’année à venir, ses émissions de gaz à effet de serre passeraient de 7 061 tonnes équivalent CO2 à 13 956 tonnes.
Mais revenons au chiffre des 11 mois passés. Pour atteindre le niveau de 7 061 tonnes - vertigineux mais pas forcément inexplicable compte tenu de la charge présidentielle - Nicolas Sarkozy a parcouru selon nos informations – forcément sous-évaluées - 301 236 kilomètres, soit une moyenne de plus de 900 km par jour. C’est 80 % de la distance de la Terre à la Lune. Précision : ce chiffre ne prend pas en compte les escapades privées de Nicolas Sarkozy et de la première Dame de France Carla Bruni, en Jordanie ou en Egypte par exemple.
« Exemplarité écologique »
Soyons clairs, l’idée de cette enquête inédite ne consiste pas à stigmatiser le comportement du chef de l’Etat qui doit, c’est une évidence, se déplacer souvent, vite et parfois loin. A ce sujet, nous livrons ci-dessous les (trop) rares éléments de comparaison disponibles pour l’ex-chef du gouvernement britannique Tony Blair et pour l’ancien président français François Mitterrand.
Mais deux événements ont poussé la rédaction de Terra Economica à mener cette enquête. D’abord nous avons entendu les demandes récurrentes depuis un an de la bouche du président lui-même, de celle de son Premier ministre François Fillon ensuite, et bien entendu de son ministre de l’Ecologie, du développement et de l’Aménagement durables Jean-Louis Borloo. Tous trois appellent depuis octobre 2007 à « l’exemplarité écologique ». Il y a tout juste un an le Chef de l’Etat déclarait en conclusion du Grenelle, et en parlant de la France : « Comment devenir un exemple, si on n’est pas capable de s’appliquer à soi les règles qu’on voudrait voir retenues par les autres ? ».
Ensuite, la publication, il y a quelques jours, du budget de l’Elysée 2009 intégrant une augmentation de 33 % du budget pour les « déplacements de la Présidence » nous a laissés sur notre faim. Il nous a semblé utile de prolonger cette information en évaluant une partie du « coût écologique » du fonctionnement de l’Elysée.
A la pêche aux bilans
Force est de constater que les bilans CO2, promis pour les différents ministères, ne sont toujours pas faits ou pas rendus publics. Contacté par nos soins, l’Elysée n’a pas pu ou pas su répondre à nos questions. Et nous a renvoyé vers le ministère de l’Ecologie et du Développement durable de Jean-Louis Borloo. Là, le conseiller de communication précise qu’un bilan carbone a bien été mené à la prise de fonctions de Jean-Louis Borloo, sans pouvoir en dire davantage. A supposer qu’il existe, ce document n’a manifestement fait l’objet d’aucune publication. En définitive, seul le ministère de l’Agriculture et de la Pêche a réalisé son bilan et osé le publier. Est-ce parce que Michel Barnier fut dans une vie précédente ministre de l’Environnement ?
Terra Economica est aussi allé voir du côté des quatre principaux organismes de compensation des émissions de gaz à effet de serre. Ces derniers sont formels : aucun ministère, pas plus l’Elysée, ne font appel à eux pour compenser leurs émissions de CO2.
Revenons aux déplacements de Nicolas Sarkozy. Première info : à voir la configuration d’une semaine présidentielle, pas question pour le chef de l’Etat de grimper dans un train. Le 2 avril dernier, par exemple, après un conseil des ministres le matin, le chef de l’Etat se rendait à Nantes pour le congrès de la FNSEA, avant d’atterrir le soir au Sommet de l’OTAN, à Bucarest. Le 3 mai, il était en Haute-Savoie le matin, et à Rome l’après-midi, le 5 juin direction Saumur, le 6, embarquement pour Athènes, avant de gagner, le 7, Beyrouth. D’ailleurs, souhaiterait-il glisser un petit TGV dans le planning qu’il ne faudrait même pas y penser. Selon nos sources, un trajet en train implique un dispositif de sécurité complexe comprenant la réservation de trois wagons entiers et une opération de déminage. Du coup, il n’y a pas une semaine sans que le président ne s’envole. Ce sont les contraintes du métier.
Airbus ou Falcon
L’agenda de l’Elysée, public, révèle que Nicolas Sarkozy a effectué 89 déplacements entre le 26 octobre 2007 et le 26 octobre 2008 : 47 en métropole, 2 Outre-mer et 40 à l’étranger, dont 5 dans le cadre de la présidence de l’Union européenne et 35 en tant que chef de l’Etat français. La flotte gouvernementale est gérée par l’ETEC (Escadron de Transport, d’Entraînement et de Calibration). Difficile de savoir exactement dans quel avion le président a effectué chacun de ses déplacements. Mais il est de notoriété que le chef de l’Etat utilise un ACJ, un dérivé de l’A319 aménagé pour les VIP, ou un Falcon, par exemple de type 900 EX.
Nous avons retenu l’hypothèse selon laquelle le Président a utilisé toute l’année l’A319CJ. Cet appareil, pouvant transporter 58 passagers, émet en moyenne 20,56 kilos éq.CO2 par kilomètre. En tenant compte des cycles d’atterrissage et de décollage particulièrement gloutons en carburant, la totalité des déplacements présidentiels auraient donc émis 7 061 tonnes de gaz à effet de serre.
Si le chef de l’Etat avait utilisé un Falcon EX, moins polluant en valeur absolue car plus petit, ses déplacements auraient émis près de 2 000 tonnes de gaz à effet de serre, décollages et atterrissages non compris. Le bon chiffre se tiendrait-il entre ces deux valeurs ? En réalité, pour des raisons de sécurité, l’avion du président est toujours escorté par un autre, souvent un Falcon. Nous voilà en réalité plutôt à additionner des tonnes de CO2 qu’à les soustraire. D’autant qu’un troisième avion, chargé de journalistes et de chefs d’entreprises, accompagne parfois le président. Le convoi pèse forcément lourd. Le résultat, calculé selon les méthodes appliquées par les experts, de 7 061 tonnes éq.CO2 pour 89 déplacements aériens se situe en fait en dessous de la réalité.
Tony Blair encore plus lourd, François Mitterrand "super CO2"
Qu’en est-il des homologues européens de Monsieur Sarkozy ? Mystère ! A ce jour, il existe peu ou pas de bilans carbones des édiles de ce monde. Le journal britannique The Independant a publié, il y a un an, une estimation du bilan carbone de Tony Blair sur l’année 2006. Selon une méthode similaire à celle utilisée par Terra Economica, The Independent a estimé les émissions des déplacements du chef du gouvernement à 8 127 tonnes équivalent CO2 en seulement 55 voyages ! La faute au Boeing 777, très lourd. Utilisé sur les longs courriers, il émet environ 50 kilos éq.CO2 au kilomètre ! Beaucoup plus polluant que l’A319CJ.
D’autres chefs d’Etat, avant Nicolas Sarkozy et Tony Blair, ne se sont pas privés de lâcher les gaz. Ainsi le président François Mitterrand courait-il le monde en Concorde. Chic mais extrêmement polluant. Feu le supersonique émettait en effet environ 95 kilos éq.CO2 au kilomètre. Ainsi, le 28 septembre 1983, le président socialiste s’est rendu à New-York à l’occasion de la 38ème session de l’Organisation des Nations Unies. Une traversée de l’Atlantique qui aura émis quelque 551 tonnes éq.CO2. Si le 22 septembre dernier, le président Sarkozy a utilisé l’A319CJ pour effectuer le même trajet à l’occasion de la 63ème Assemblée Générale, il n’a dégagé que 119 tonnes. Pour information, Tony Blair, avec le B777 en aurait, lui, émis 302.
Pas question, ici de lancer un concours. D’ailleurs l’Elysée ne compense - toujours - pas ses émissions, mais consent tout de même quelques gestes. Il y a un an, à l’appel d’un collectif d’associations, le palais de l’Elysée a symboliquement éteint ses lumières « cinq minutes pour la planète ». Estimation : 7 kilogrammes de CO2 économisées, soit un millionième du bilan CO2 du président de la République.
Cécile Cazenave, avec la rédaction pour Terra Economica (22 octobre)
Les commentaires récents