La commission consultative a donné cinq avis favorables à la déclassification de documents
La Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) a émis un avis favorable à la déclassification de documents de la DGSE saisis par le juge qui enquête sur la disparition du journaliste implanté à Tahiti, JPK (Jean-Pascal Couraud), disparu alors qu’il travaillait sur un présumé compte de Jacques Chirac au Japon. Cet avis a été publié ce samedi au Journal officiel, ainsi que trois avis sur des événements de Côte d’Ivoire de 2004 et 2005 et un sur le rôle de la France dans le génocide au Rwanda.
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Jean-Pascal Couraud, plus connu sous le nom de JPK, a disparu à Tahiti en 1997. Pour ses proches, il ne peut pas s'être suicidé. Un témoin — avant de se réracter — a parlé d'assassinat. JPK enquêtait sur un supposé compte japonais du président Chirac
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A la lecture de cet avis du 2 octobre, on peut espérer que le juge de Papeete Jean François Redonnet pourra poursuivre son enquête sur les chefs de « assassinat et complicité d'assassinat à la suite de la disparition à Tahiti dans la soirée du 15 décembre 1997 d'un journaliste d'investigation Jean-Pascal Couraud, connu sous les initiales JPK ». Et vérifier si les recherches polynésiennes de la fin des années 90 étaient bien fondées, puisque JPK travaillait sur des potentiels transferts de fonds entre la Polynésie et un compte japonais de la Tokyo Sowa Bank, via M. Flosse et sur un compte attribué à Jacques Chirac ; ainsi, le juge Redonnet pourra savoir si des pièces saisies début juin boulevard Mortier (siège de La Piscine, surnom la DGSE, dont le patron, Pierre Brochant, est sur le départ) ont joué un rôle dans la disparition de JPK. Plus de dix ans après. Maintenant que M. Chirac n'est plus président des Français, que M. Flosse n'est plus président des Polynésiens.
La Commission (dont l’avis n’est pas définitif, mais consultatif…) a accepté la déclassification de 16 des 17 pièces demandées dans le cadre de la disparition de JPK, le 15 décembre 1997. Après une rapide conclusion au « suicide », la justice tahitienne avait prononcé un non-lieu cinq ans après les faits. Circulez. Mais, deux ans plus tard, le témoignage de Vetea Guilloux, un ancien du GIP (le Groupe d’intervention de la Polynésie, service d’ordre de l’ancien président Flosse) affirmait avoir assisté à l’assassinat du journaliste. Une enquête fut donc ouverte en 2004, puis le témoin, l’unique témoin, se rétracta. Il fallut attendre décembre 2004 pour que la famille Couraud dépose plainte contre X… avec constitution de partie civile pour « assassinat et complicité ». Reporters sans frontières avait, un mois plus tôt, demandé la réouverture de l’enquête.
En mai 2006, alors qu’il était encore président de la République, Jacques Chirac avait démenti « catégoriquement » avoir jamais possédé un compte au Japon, estimant que ces « allégations » étaient « à rattacher à une campagne de calomnies » lancée avant l’élection présidentielle de 2002. A l’époque, Gilbert Flam, magistrat, époux de Mireille Flam, était détaché à… La Piscine mais il se défend d’avoir travaillé sur « un compte au Japon ».
Toujours est-il que, une dizaine de jours à peine après le passage à Paris du juge Redonnet (et seulement trois mois après les municipales), la justice parisienne donnait un coup d’accélérateur dans une affaire parisienne datant de fin 2005 et touchant… Mireille Flam. Et, au lieu de faire des perquisitions dans ses deux anciens bureaux et son actuel bureau (aux élections, elle avait été évincée des adjoints de Bertrand Delanoë), les enquêteurs sont allés en mairie du 11e et… au domicile du couple (donc du magistrat, depuis muté au parquet de Paris) !
Cinq jours avant que cet avis ne soit émis, des investigations avaient lieu en Polynésie…
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Le président ivoirien Laurent Gbagbo (au centre) et le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, main dans la main, dans les rues d'Abidjan, en janvier 2003
Photo Luc Gnago, Reuters
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Par ailleurs, la commission a rendu quatre avis favorables concernant les relations avec des pays africains pour le Tribunal aux Armées de Paris (ancien Tribunal permanent des Forces armées).
En l’occurrence, elle a rendu un avis partiellement favorable à la levée du secret-défense sur des documents ayant trait au dossier du génocide rwandais (« complicité de génocide, complicité de crime contre l'humanité et entente en vue de commettre un génocide visant notamment l'implication de l'armée française lors des événements survenus au Rwanda en 1994 »).
La Commission consultative a rendu également un avis favorable à la déclassification d'une note se rapportant au dossier de l'explosion d'un stock de munition à Port-Bouët en Côte-d'Ivoire, le 4 mars 2005, ayant fait deux morts et plusieurs blessés parmi les militaires français. Deux derniers avis (ici et là) portent sur la déclassification partielle de documents demandés par la juge du tribunal aux armées de Paris chargée de l'information judiciaire ouverte pour « assassinats, tentatives d'assassinats, destructions » dans le cadre du bombardement du camp militaire de Bouaké, le 6 novembre 2004. Neuf militaires français avaient été tués, ainsi qu'un civil américain, lors du bombardement du camp français par — pense-t-on — les forces loyalistes ivoiriennes.
Reste présentement à Hervé Morin, ministre de la Défense, de suivre (ou pas) les avis rendus par la commission. Jusqu’à présent, la plupart des 120 avis rendus par la CCSDN ont été suivis par les divers ministres qui se sont succédé. Là, du fait de la température des relations entre l’actuel président de la République et l’ancien (pour ce qui concerne le confrère indépendant de Tahiti JPK et au moins les affaires ivoiriennes), celles d’avec Dominique de Villepin (aux Affaires étrangères en novembre 2004 comme en mars 2005). Les avis, selon toute vraisemblance, seront dans l’ensemble suivis. Reste à savoir quand, par rapport aux élections, officiellement prévues fin novembre en Côte d’Ivoire.
Fabien Abitbol
tu n'as que ça a te mettre sous la dent, mon pauvre..........
il y a quelques années tu aurais été considéré comme un traitre.........
un petit délateur de bas étage, avec son petit os a croquer pour exister...........
Rédigé par : micheloni | 20/10/2008 à 19h50
Dans ce cas, il faut en dire au moins autant à l’Express :
http://www.lexpress.fr/actualite/depeches/infojour/reuters.asp?id=80522
pour avoir relayé une dépêche de Reuters,
à Aujourd’hui Le Japon :
http://www.aujourdhuilejapon.com/informations-japon-compte-presume-de-chirac-au-japon-avis-favorable-a-la-declassification-de-documents-5576.asp?1=1
qui a fait un résumé d’une dépêche AFP :
http://afp.google.com/article/ALeqM5jSyLOb4a-Jr6cuBDPNhm6K5Ga6yQ
ou à Come4News :
http://www.come4news.com/jacques-chirac-mele-au-meurtre-dun-journaliste-32866
et Tahitipresse :
http://www.tahitipresse.pf/index.cfm?snav=see&presse=25674
qui ont axé sur Chirac et JPK, comme France 3 l’avait déjà fait, Tahitipresse mettant un peu mieux que moi le point sur Clearstream.
Ce pour ne prendre que quelques exemples, qui ne donnent par ailleurs pas les références du JO.
Les agences de presse sont-elles toutes aussi mauvaises ?
Je vous laisse lire le JDD en ligne :
http://www.lejdd.fr/cmc/societe/200842/chirac-compte-a-rebours_158169.html
RTL Info :
http://www.rtlinfo.be/rtl/news/article/184082/--Compte+présumé+de+Chirac+au+Japon:+avis+favorable+à+la+déclassification+de+documents
L’Obs en ligne :
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/politique/20081018.OBS6531/compte_presume_de_chirac__des_documents_pourraient_etre.html
et quelques autres qui, comme moi, font des choses de bas étage. Ne vous gênez pas, mais dans ce cas : ne lisez rien, ne regardez rien, n’écoutez rien !
Rédigé par : Fabien | 20/10/2008 à 20h36
je te remercie, surtout pour ton dernier paragraphe, effectivement je n'effectue aucune lecture et surtout aucune vision audiovisuelle sur des émissions de pseudo investigations.......
j'apprécie surtout les journaux qui possédent une grille sudoku, pour aller au wc le matin.........
je te remercie également de m'avoir mis en relation avec rené......(président auto proclamé par lui...)
svp rené, je ne voudrais pas être sur ta liste de diffusion, n'encombre pas ma boite mail par tes messages
Rédigé par : micheloni | 21/10/2008 à 20h53
il parait que le secret défense a été levé en ce qui concerne un éventuel compte secret détenu par JC… ?
Bisounette interrogative
Rédigé par : Bisounette | 22/10/2008 à 14h50
Bisounette,
c’est en ligne ici :
http://menilmontant.numeriblog.fr/mon_weblog/2008/10/herv-morin-lve.html
Mais cette fois je ne parle pas directement du juge Redonnet qui, ici, m’avait valu quelques « bons points »
http://www.wikio.fr/news/Jean-François+Redonnet
et indirectement l’animosité de M. Félicien Micheloni…
Rédigé par : Fabien | 22/10/2008 à 16h53
Voici un article du Monde qui explique qui est ce Félicien Micheloni, si indigné :
Enquête
Sombres tropiques : la Polynésie des années Flosse
LE MONDE | 17.01.08 | 14h17 •
PAPEETE ENVOYÉ SPÉCIAL
Il avait 37 ans, une sacrée gueule de flibustier, il était doué pour la vie, les femmes, le surf. Et le journalisme. Jean-Pascal Couraud signait ses articles "JPK", lorsqu'il était rédacteur en chef des Nouvelles du Pacifique, à Tahiti, entre 1986 et 1988. Avant de se faire licencier, pour cause de crime de "lèse-Gaston Flosse". C'était sa marotte : dénoncer les petits accommodements avec la morale, en Polynésie française, sous le règne de l'inamovible sénateur UMP Gaston Flosse, 76 ans, 9 enfants, une palanquée de mandats électifs, toujours en lice pour les élections territoriales de mars. Un soir de décembre 1997, JPK a disparu. Brutalement. Dix ans après, il n'a toujours pas réapparu.
Jean-Pascal Couraud avait rejoint l'île à l'âge de 5 ans, pour ne plus la quitter, dans le sillage de ses parents enseignants. Après le journalisme, il était passé au militantisme. Il s'était rapproché de Boris Leontieff, le seul réel opposant politique d'envergure à Gaston Flosse, président du gouvernement de la Polynésie de 1984 à 1986, puis de 1991 à 2004. Il l'avait suivi à la mairie d'Arue, dans la banlieue de Papeete, d'où il poursuivait sa croisade, celle d'une gauche qui se rêvait un destin politique. Boris Leontieff n'a pas eu le temps de goûter aux ivresses du pouvoir : il est décédé dans un mystérieux accident d'avion, dans le Pacifique, en mai 2002 - une enquête est encore en cours. C'était avant les années Oscar Temaru, qui accédera à la présidence du gouvernement de la Polynésie française en 2004.
Pigiste occasionnel au Canard enchaîné, JPK, marié à Miri Couraud, père de deux enfants, traquait encore l'information sensible au moment de sa disparition. Son cas est devenu un dossier judiciaire, l'une de ces affaires qui empoisonnent un climat. Il y a la thèse du suicide, toujours en vigueur. L'hypothèse du crime passionnel, jamais vraiment écartée, mais les preuves manquent. Et enfin, la trame politique, le scénario de polar, sur fond de règlements de comptes : parce qu'il dérangeait, JPK aurait été éliminé par des sbires à la solde de Gaston Flosse. L'enquête judiciaire aura donc duré dix ans, elle n'est pas encore close. Rien ne dit qu'elle aboutira. Mais elle aura au moins permis de jeter un éclairage cru sur les années Flosse à Tahiti.
Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997, après s'être endormie au salon, Miri Couraud se rend dans la chambre à coucher, soulève le drap, et découvre, en lieu et place de son époux, un crâne humain. Un "souvenir" que conservait JPK depuis longtemps. Et un mot, posé sur la table de la cuisine : "Quoique je fasse, où que j'aille, je continuerai de t'aimer." L'enquête a établi qu'il avait pris des somnifères et emporté ses palmes, lui le nageur émérite.
Chez elle, Miri attend deux heures, selon ses dires, puis convoque Francis Stein, à 1 h 20. Un personnage, Francis Stein. Proche de Leontieff, lui aussi. Copain de surf de JPK, futur ministre éphémère dans le gouvernement d'Oscar Temaru - en 2004. Amant de Miri Couraud, surtout. Dix jours plus tôt, JPK avait "piqué une crise" en les voyant, à la pointe des Pêcheurs, en contrebas de sa maison. Ce 16 décembre 1997, Francis Stein se rend donc au domicile des Couraud.
Dix ans plus tard, Francis Stein ne veut toujours pas admettre la relation adultérine. Dans le recoin d'un salon de thé de Papeete, il enregistre la conversation avec un lecteur MP3. Méfiant. "Je n'ai pas eu de dispute avec JPK ce soir-là, lâche-t-il, je ne suis pas venu chez lui avant le coup de fil de sa femme." Les gendarmes doutent encore aujourd'hui de sa version des faits, n'écartent pas l'idée d'une violente dispute qui aurait dégénéré. Avec cette inconnue : pourquoi Miri Couraud, dans les heures suivant la disparition de son mari, va-t-elle s'empresser de détruire le mot laissé par celui-ci ? Elle niera même son existence.
Les deux amants demeurent muets. Il faudra attendre une ultime garde à vue, tardive, en janvier 2007, pour qu'ils admettent leur relation. Et que la jeune femme reconnaisse avoir détruit le mot laissé par JPK. "Je ne suis en rien responsable de ce qui a pu arriver à JPK, dit Francis Stein, j'arrive encore à me regarder dans un miroir." Miri Couraud, elle, fuit résolument la presse.
En dépit des mystères de cette thèse du crime passionnel, la famille Couraud se résout dans un premier temps à accepter l'idée du suicide. "J'ai très longtemps cru à cette hypothèse, reconnaît le frère de JPK, Philippe Couraud, 47 ans. Même si Miri Couraud mentait sur le déroulement des faits, je savais que mon frère était dépressif, il venait de réclamer un arrêt-maladie. Il connaissait la liaison entretenue par sa femme. Ça me paraissait simplement incohérent que mon frère ait pu parcourir quelques kilomètres à pied, avec ses palmes, en pleine nuit, sous l'emprise de somnifères. Ma mère a tout de même déposé une plainte."
Le 22 janvier 1998, une information judiciaire est ouverte pour enlèvement et séquestration. La justice ne se presse pas. Du moins jusqu'au mois d'octobre 2004, et l'apparition fracassante de Vetea Guilloux dans le décor. Tahiti vit alors une véritable révolution politique. Oscar Temaru succède à Gaston Flosse. Le ménage a été fait dans les bureaux de la somptueuse bâtisse qui abrite la présidence, mais l'équipe Temaru est à l'affût de toute information qui pourrait discréditer le vieux sénateur UMP. Vetea Guilloux tombe à point nommé.
Que raconte-t-il, cet ancien du Groupement d'intervention de la Polynésie (GIP), à un ministre du gouvernement Temaru, ce 5 octobre 2004, alors qu'il est à la recherche d'un logement pour lui et sa famille ? Tout simplement que des membres du GIP, la garde prétorienne de Gaston Flosse, avaient admis devant lui avoir "coulé" JPK.
Bien sûr, Vetea Guilloux a un peu de mal à s'exprimer. Il n'est pas très "éduqué", comme il dit, en triturant sa boucle d'oreille. Mais à 37 ans, il tient à asséner sa vérité. "Un soir, se souvient-il, la bière coulait à flots, on jouait au kiriki (jeu de cartes local)."
Une de ces bringues dont sont friands les Tahitiens, en fin de semaine, où l'on ne maîtrise plus grand-chose, entre deux gorgées d'Hinano, la doucereuse bière polynésienne. "Alors, ils ont raconté ce qui s'est passé. Tino Mara m'a dit qu'avec Tutu Manate, ils avaient emmené Jean-Pascal Couraud au large, entre Tahiti et Moorea. Ils voulaient juste le questionner, ils cherchaient un dossier sur Gaston Flosse. Ça s'est mal terminé. Ils ont téléphoné, du bateau, pour demander des ordres. Et ils ont dit qu'ils l'avaient "ancré".
Même que le type avait "chié dans son froc" avant qu'ils le balancent au fond de l'océan, bien lesté de quatre parpaings pour qu'il coule sans jamais remonter." Mieux, Vetea Guilloux dit également avoir lui-même participé à des filatures d'opposants au régime Flosse, dont celle de JPK. Convoqué à la gendarmerie, il est placé en garde à vue. Il craque. Et revient sur ses déclarations.
"Je n'en pouvais plus, je voulais retrouver ma femme, je m'étais caché cinq jours dans la montagne, et en plus, les enquêteurs m'ont mis en face des deux gars du GIP, dit-il aujourd'hui. Alors j'ai dit aux gendarmes et au parquet que j'avais raconté des conneries. Mais il faut me croire, j'avais vraiment dit la vérité. JPK, ils l'ont tué. C'est ce qu'ils m'ont dit, au GIP." La cour d'appel le condamne en 2005 à un an d'emprisonnement pour dénonciation calomnieuse. Un arrêt cassé par la Cour de cassation en 2006.
Vetea Guilloux ne s'est pas contenté de raconter cette soirée arrosée avec les membres du GIP. Il a aussi narré une scène dont il est incapable de se remémorer la date exacte, même s'il en jure la véracité : "Je filais JPK sur ordre de mes supérieurs. Et j'ai vu un fourgon blanc s'arrêter à sa hauteur. Le fourgon a redémarré, JPK avait disparu. J'ai filé le fourgon, il est entré au siège du GIP." Donc, selon lui, l'ancien journaliste aurait pu être enlevé par le GIP. Ce qui crédibiliserait la thèse de l'interrogatoire musclé ayant abouti à la mort de JPK.
Mais les gendarmes ont vite battu en brèche les déclarations de Vetea Guilloux. Ils ont, entre autres, établi que le GIP ne s'était doté de fourgons de couleur blanche qu'en 1998, soit après la disparition de JPK. Une foule de témoins est aussi venue contredire Vetea Guilloux. Autant de faits qui ont conduit le parquet de Papeete, dans son réquisitoire définitif de non-lieu, en novembre 2007, à conclure que Vetea Guilloux "n'est pas crédible, et n'a jamais été témoin d'un enlèvement de Jean-Pascal Couraud".
Si son témoignage peut paraître parfois inconsistant, Guilloux a pourtant contraint la justice à enquêter sur les pratiques de l'équipe Flosse. Saisie d'une enquête en janvier 2005 pour "assassinat et complicité d'assassinat", la gendarmerie de Tahiti a pu établir que JPK avait bien fait l'objet d'une surveillance très soutenue des sbires de Gaston Flosse. Et c'est le saisissant portrait d'une île-carcan qui se dessine, à la lueur des déclarations des anciens membres du GIP.
De 1997 à 2004, les opposants au tout-puissant sénateur ont été suivis, écoutés, espionnés. Journalistes, hommes politiques, magistrats... la liste est longue. En toute impunité, Gaston Flosse avait mis en place un système digne de la RDA de la grande époque. "Jamais les GIP n'ont opéré de missions de surveillance sur mes opposants politiques, proteste pourtant le sénateur. Cette affaire est une cabale politique."
Il existait bien, comme le relève le réquisitoire du parquet, un service de renseignements officiels, le service des études et de la documentation (SED), dirigé par André Yhuel, implanté dans un bureau de la présidence. Yhuel, qui avait quitté la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) à la mi-1997 avec le grade de lieutenant, recevait, note le parquet, "directement ses directives de Jean Prunet, directeur de cabinet de Gaston Flosse". Ce même Prunet est connu de la justice : il a été condamné en 1999 pour avoir recelé les documents et disques durs volés dans le cabinet de l'avocat de JPK, Me Jean-Dominique des Arcis.
Par ailleurs, toujours sous le contrôle d'André Yhuel, une cellule de renseignement, dite "manifeste", avait été créée dans les locaux du GIP. Elle avait été placée sous le contrôle de Félicien Micheloni, ancien adjudant de la DGSE jusqu'en 1997. "Cette cellule avait pour mission de suivre dans leur vie publique et privée les opposants politiques, les amis et familiers du président Gaston Flosse en procédant à des filatures, des photographies, des enregistrements filmés", détaille le parquet. Les informations étaient recueillies et transmises à Micheloni sur des fiches écrites, ou étaient saisies sur disquettes.
"On espionnait tout le monde, se rappelle Vetea Guilloux, qui fut membre de la cellule en 1997. Les copines de Gaston Flosse, les Miss Tahiti, les magistrats, les hommes politiques. Les journalistes. Et donc JPK. On avait un super matériel, de provenance américaine, on filmait les gens, des micros étaient placés dans leurs maisons ou dans les chambres d'hôtel."
Sean Whitman, 38 ans, a lui aussi participé aux basses oeuvres du SED. Placé en garde à vue le 7 avril 2006, il a raconté aux gendarmes sa mission centrée sur l'ex-journaliste. "Je ne me souviens pas de la période à laquelle les filatures de JPK ont commencé. Je pense que c'était environ un mois, un mois et demi avant sa disparition (...). Félicien (Micheloni) nous avait réunis et nous avait dit que nous allions filer Jean-Pascal Couraud (...). Il venait vérifier de temps en temps (...). Je rendais compte verbalement le soir à Félicien et le lendemain par écrit si nécessaire."
Interrogé lui aussi, Félicien Micheloni assure aux gendarmes que JPK est devenu "par hasard" une cible de la cellule. Il confirme en revanche avoir reçu directement de Gaston Flosse l'ordre de procéder à du "renseignement politique". "Pour moi, Félicien Micheloni ment quand il dit que JPK a fait l'objet de filature par hasard, s'insurge Sean Whitman devant les enquêteurs. C'est lui qui nous a donné les ordres concernant cette filature." Contactés par Le Monde, André Yhuel et Sean Whitman n'ont pas souhaité s'exprimer.
Gaston Flosse, pour sa part, dément avoir donné la moindre consigne. "Ce n'est pas moi qui ai donné des ordres pour surveiller JPK, dit-il. D'ailleurs, en quoi représentait-il un danger pour moi ? Je le connaissais, comme tout le monde ici..." Gaston Flosse ne s'est pas toujours désintéressé du sort de JPK : le 8 novembre 2005, les gendarmes ont déniché lors d'une perquisition à son secrétariat particulier un rapport du SED, daté du 13 février 1998, et se rapportant à la disparition de l'ancien journaliste.
A la lueur de ces éléments, le doute n'est guère permis pour Philippe Couraud : "Mon frère détenait des éléments compromettants pour Gaston Flosse. Il travaillait sur une affaire de trafic d'armes, il montait des dossiers très costauds." JPK s'était penché sur le patrimoine de l'élu, avait examiné ses investissements. Sans résultat, puisque Gaston Flosse n'a jamais réellement été touché par des décisions de justice, même s'il est mis en examen pour "détournement de fonds publics et prise illégale d'intérêts" dans deux dossiers : une affaire d'emplois fictifs, et le rachat de l'atoll d'Anuanuraro, où le Territoire est suspecté d'avoir surévalué l'acquisition de 214 hectares à l'homme d'affaires Robert Wan, par ailleurs un intime de Gaston Flosse.
JPK pouvait-il représenter une menace pour M. Flosse, au point de le faire surveiller si étroitement ? La famille Couraud en est persuadée. "JPK avait dès 1996 des renseignements sur les virements opérés au Japon par Flosse", estime Me Max Gatti, le conseil de la famille Couraud.
Mais la justice n'a pas voulu suivre la partie civile sur ce terrain. "Il n'y a aucun élément qui permette de dire que M. Couraud avait trouvé quelque chose, précise François Deby, procureur général à Papeete jusqu'en décembre 2007. Et nous n'avons jamais été saisis de faits relatifs à des transferts de fonds suspects de M. Flosse. Je précise en outre que je n'ai jamais reçu de directives de la chancellerie sur les dossiers liés à M. Flosse."
Alors que rumeurs et chausse-trapes rythment la marche de l'enquête, une association s'est créée à Papeete pour soutenir le combat de la famille Couraud. "Il faut aller plus loin, dit Philippe Couraud, l'enquête a éludé un tas de pistes, comme cette dizaine de témoignages qui corroborent les déclarations de Vetea Guilloux. Je suis convaincu que les GIP ont tué mon frère, il est déjà prouvé qu'ils le surveillaient..."
Une stèle, posée en souvenir de JPK au cimetière de la pointe des Pêcheurs, est soigneusement entretenue, depuis dix ans. La tombe, elle, reste vide.
Gérard Davet
Article paru dans l'édition du 18.01.08
Rédigé par : Pahure | 22/10/2008 à 20h27
Je vous remercie pour ce commentaire, que l'on ne peut désormais que prendre dans les crédits d'archives du Monde et que j'avais eu l'occasion de lire en mars (et, plus récemment, sur le site de soutien à JPK).
Il peut être utile à la compréhension de certains lecteurs, même si, pour moi, je connais a minima, le cercle de M. Micheloni (il y a des sapeurs-pompiers à Paris, dont un Micheloni, qui était affecté à mon quartier jusqu'à 2000, où il a eu sa mutation non loin de là où j'habitais jusqu'en 1996). Il était dans mon coin en 1997.
Rédigé par : Fabien | 22/10/2008 à 20h55