En 2009, 3434 appels téléphoniques reçus par Police-Secours concernaient des femmes battues. Quels sont les types de violences? Comment agit la police? Quel est le quotidien des psychologues qui s’installent dans les commissariats parisiens? Quelques chiffres en provenance de la préfecture de police de Paris (PP), dont la compétence, depuis le 14 septembre 2009, est élargie aux trois départements de la petite couronne.
Pour les neuf premiers mois de 2010, 3036 appels à Police-Secours étaient liés aux femmes battues. En 2009, sur les 3434 appels reçus concernant des femmes battues, la police a enregistré 2360 procédures et pris 1241 mains courantes. 1428 personnes ont été placées en garde à vue, dont 963 ont été déférées.
L'accroissement des procédures «témoigne d’une volonté de rendre visible les faits dénoncés par les victimes», indique la PP. Mais la police parisienne relève également une augmentation sensible de l'implication des femmes dans la violence conjugale, passant de 234 cas en 2009 à 178 cas rien qu’au 1er semestre 2010. «Cette part s’accroît d’autant plus lorsque les victimes hommes ne déposent qu’une main courante», note la PP.
La vigilance des policiers ne doit pas s’arrêter en cas de divorce ou séparation des couples: 24% des violences interviennent chez les «ex».
Deux types de violences
Depuis le 2e semestre 2009, outre les violences physiques, les violences psychologiques sont également comptabilisées. Le législateur est en effet intervenu pour sanctionner ces actes : «il ne suffit pas de pénaliser les coups, il faut s’en prendre aux comportements de domination qui les accompagnent (…), coups toujours précédés d’humiliations et de comportements vexatoires».
Ces violences sont néanmoins «difficiles à établir», estime la PP, qui précise que «c’est l’accumulation de divers éléments qui permet de construire peu à peu la procédure : certificats médicaux, témoignages de proches, dépôts de mains courantes, expertises, lettres, messages enregistrés sur un répondeur, SMS ou relevés d’appels téléphoniques qui révèlent un véritable harcèlement».
Quarante-six femmes enceintes ont été victimes de violences en 2009 ; la même année 77 cas de violence étaient… des étranglements, 55 des coups de couteau (ou cutter ou tournevis), et 136 ont été accompagnées de menaces de mort.
Que fait la police ?
Dans les vingt arrondissements parisiens ont été créés des pôles de protection de la famille (PPF) afin de mieux assurer la prise en charge des victimes. Ces PPF sont rattachés aux services de l’accueil, de la recherche et de l’investigation judiciaire (SARIJ).
Le nombre de référents violences conjugales continue à croître : 176 aujourd’hui contre 142 en 2009. Et le dispositif a été enrichi par l’arrivée de psychologues dans certains commissariats parisiens (13, 14, 15, 18, 19 et 20e) ainsi que celle d’un intervenant de proximité, une assistante sociale, dans le 13e arrondissement en septembre dernier.
La psychologue travaillant dans le 15e arrondissement, Céline Hervier, raconte : «J'ai reçu une dame victime pendant des années de violences physiques, d'insultes et de menaces. Franchir la porte du commissariat pour cette dame était un moment difficile, très impressionnant. Sortir du silence, cela prend du temps… Elle avait très peur de porter plainte, des conséquences. L'idée de se retrouver seule était très angoissante pour elle.
Dans un premier temps, je l'ai reçue en entretien avant même qu'elle ne dépose plainte. Après des années de dénigrement, elle avait perdu toute confiance en elle, avait l’impression de ne pas être à sa place et de ne pas être capable de faire les choses seule.
Mon travail a consisté à l'aider à mettre des mots sur ce qu'elle avait vécu, à travailler avec elle sur son autonomisation, et à ce qu'elle comprenne les enjeux d'un dépôt de plainte dans sa situation.
Il était important qu'elle se réapproprie son histoire, qu'elle en redevienne le sujet.
Elle a fini par déposer plainte après quelques temps. Je l'ai revue une fois au moment du jugement puis je l'ai orientée vers un groupe de parole, ce relais vers une structure extérieure a notamment permis de briser l'isolement dans lequel elle était enfermée.»
A l’échelon national, il y a eu 9842 viols en 2009, selon le bulletin annuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (OND). Un chiffre qui ne tient compte que des plaintes, car des estimations du même observatoire parlent de 200 viols par jour (75000 femmes chaque année). C’est pour cette raison qu’une campagne contre le viol est lancée par Osez le féminisme, le Collectif féministe contre le viol et Mix-cité.
De son côté, le Planning familial juge «insuffisant» le bilan de la Grande cause nationele 2010.
Quant à nos voisines de Ni putes ni soumises (NPNS), elles ont choisi cette journée du 25 novembre pour appeler à porter la jupe. Mercredi soir à 19h, NPNS organise également une vente de jupes de femmes célèbres à la mezzanine du Palais de Tokyo. Ses fonds seront employés à l'aménagement de logements relais à destination de femmes victimes de violences.
La prochaine « marche de nuit » féministe (et non mixte) est annoncée pour le samedi 27 novembre, à partir de 17h, à l’hôpital Tenon.
Fabien Abitbol, photos PP
Sur le site de la PP : Victime, que faire?
Sur le site de La Croix: Protection accrue pour les victimes de violences
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