Le Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, ancien ministre (UMP), considéré comme un proche de Jacques Chirac, a été élu mardi 16 novembre à la présidence du Conseil économique, social et environnemental (CESE), «à la majorité absolue avec 170 voix», indique Christine Tendel, conseillère presse et communication auprès du Médiateur, sur son compte twitter. Il s'était retrouvé seul candidat et devra désormais convaincre, au moins de l'utilité de l'Institution, sinon de sa légitimité.
Député (RPR) du Pas-de-Calais sous la cohabitation Mitterrand-Chirac (1986-1988), ancien sénateur du Pas-de-Calais de 1992 à 2002, Jean-Paul Delevoye, chef d’entreprise dans le secteur agroalimentaire, était entré en juin 2002 dans le premier gouvernement Raffarin comme ministre de la Fonction publique, de l’Aménagement du territoire et de la Réforme de l’Etat. Un portefeuille qu’il avait conservé dans le gouvernement Raffarin II, jusqu’au 30 mars 2004.
Il fut alors nommé en conseil des ministres Médiateur de la République, en remplacement de Bernard Stasi, dont le mandat (de six ans, non renouvelable, comme le précise la Loi du 3 janvier 1973) arrivait à expiration. Son mandat aurait donc dû prendre fin au printemps 2010, mais la révision constitutionnelle de 2008 (instituant un Défenseur des Droits remplaçant de nombreuses institutions) n’ayant pas été menée à son terme, il a été prolongé «jusqu’au 31 mars 2011 au plus tard».
Tenant du NON au Traité de Maastricht en 1992, Jean-Paul Delevoye, 63 ans, marié, père de quatre enfants, est maire de Bapaume (Pas-de-Calais). Elu atypique, il possède un permis poids-lourds, qu’il fait renouveler régulièrement. Malgré sa carrure (il mesure 1,93m), il avait été candidat malheureux à la présidence du RPR face à Michèle Alliot-Marie en 1999, peu avant que ce parti ne devienne l’UMP. Il faisait partie des 39 personnes nommées au CESE fin octobre en conseil des ministres.
Il a été élu par 170 voix sur 227 (57 bulletins blancs). Le mandat du président dure cinq ans, comme celui des conseillers.
«Il assurera l’intérim de l’institution du Médiateur et la continuité du service public jusqu’à la nomination d’un Médiateur», a indiqué le service communication de M. Delevoye.
En l'absence d'adversaire, Jean-Paul Delevoye a été élu, sans la “malédiction du soutien de l'Elysée”, qui l'avait peut-être desservi en 1999 lors de la prise du RPR par Michèle Alliot-Marie. Il sera le premier homme politique à présider le Conseil, le combat du conducteur de poids-lourds contre l'ancien rugbyman ayant été gagné par forfait.
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Censé représenter la société civile, le CESE est composé de 233 membres, dont certains récemment nommés sont des élus ou anciens élus de la majorité présidentielle. Aussi, face au président de la Mutualité française Jean-Pierre Davant, Jean-Paul Delevoye partait-il favori. Par surcroît, le syndicat Force ouvrière (FO) soutenait M. Delevoye, «un républicain attaché au dialogue social», contrairement à la CFDT, qui lui préférait M. Davant. A la dernière minute, le président du Tarbes-Pyrénées Rugby, Jean-Pierre Davant, a annoncé qu’il ne se présenterait pas et a publié un communiqué très critique sur le site de la Mutualité française. Jean-Paul Delevoye s’est donc retrouvé seul candidat.
Assemblée consultative, le CESE (ancien Conseil économique et social – CES) ne se réunit en assemblée plénière que quatre après-midi par mois pour éclairer le Gouvernement sur ses choix économiques et sociaux.
Ses avis ne sont que rarement suivis, sa saisine est au compte-gouttes (moins de trente fois sous la mandature qui vient de s’achever), et un récent rapport a indiqué qu’il coûtait 37,6 M€ par an au contribuable. Hébergé dans le 16e arrondissement de Paris, au Palais d'Iéna, le CESE est en concurrence avec divers organismes plus spécialisés, comme le Conseil d'orientation des retraites, qui a ces derniers mois beaucoup fait parler de lui, le gouvernement se basant essentiellement sur son rapport et ses avis pour la “réforme” des retraites.
Le CESE manque clairement de visibilité vis-à-vis du Français moyen. Néanmoins, avec le léger coup de jeune qu’il prend à compter de ce mardi (une moyenne d’âge autour de soixante ans de par l’entrée de quatre représentants de la jeunesse et d’une trentaine de représentants des associations écologiques), on peut espérer que quelques-uns de ses travaux se feront un peu plus connaître. On peut sans doute aussi, toute opinion politique mise à part, compter sur la vivacité d’esprit de Jean-Paul Delevoye, qui a su, durant ses années passées à la Médiation, largement toiletter la communication, et créer une véritable interactivité avec les usagers, utilisant notamment Le Médiateur & vous (espace contributif sur lequel il exprimait ses avis sur certains des points portés à sa connaissance) ainsi qu’un compte twitter qu’il lui arrivait de consulter à des heures bien loin des classiques heures de bureau. Par exemple, fin mars 2010, il exprimait ses craintes quant au renouvellement des papiers d’identité.
Dès son discours d’investiture mardi après-midi, on sentait une orientation similaire à celle qu’il avait donnée à la Médiation, avec des phrases comme «Il nous faut être exemplaires, exigeants, ambitieux, nous avons cinq ans pour prouver notre utilité», ou «Je veux être attentif à une communication nouvelle, à ce que le CESE soit la maison des citoyens».
Elu sans que l’on puisse véritablement compter d’opposition, Jean-Paul Delevoye sera sans doute guetté par ses détracteurs, par ceux qui ne voient en le CESE qu’un “machin” à gaspiller des fonds publics ou qu’une machine à recaser les copains, et par les médias.
«M. Delevoye fait campagne sur le terrain auprès des conseillers et ne s'exprimera pas devant la presse d'ici l'élection», indiquait-on ces derniers jours dans son entourage.
Sollicité par le blogue MmoM au lendemain de sa nomination par le conseil des ministres sur sa probable future élection à la tête du CESE, Jean-Paul Delevoye avait répondu en substance… qu’il était prématuré de répondre et que rien n’était joué. C'est la première fois que le Conseil sera présidé par un homme politique, comme l'a relevé L'Humanité hier.
Jean-Paul Delevoye élu président du CESE et Jeannette Bougrab sortie de la HALDE pour entrer au gouvernement, voilà donc en deux jours deux personnalités estampillées UMP écartées de la course au futur Défenseur des Droits.
Fabien Abitbol, photos DR (portrait) Christine Tendel (l'Assemblée pendant le vote)
Mise à jour du 17/11 à 13h30: Le compte-rendu intégral de la séance du CESE du mardi 16, 30 pages en PDF, est à télécharger ici.
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