Le
quinzième rapport sur le mal-logement en France sera présenté ce lundi à la
salle Charlie Parker de la Grande Halle de La Villette, dans le 19e arrondissement de Paris, par la Fondation Abbé Pierre. « Les enfants, victimes silencieuses du
mal-logement » en est un des thèmes centraux. 3,5 millions de « très
mal logés » en France, dont 600 000 enfants, selon le rapport, à découvrir
dans son intégralité. La présentation du rapport se déroulera toute la journée, en présence de diverses personnalités (voir programme).
Le
rapport 2010, disponible ici dans son intégralité avant sa présentation, s’est allégé d’une
soixantaine de pages par rapport à l’édition précédente, rendue publique le 3
février 2009. Mais il ne présente pas pour autant une situation meilleure…
Selon le rapport, 10,1 millions de personnes sont
aujourd'hui confrontées à la crise du logement. Un bon tiers (3,5 millions),
sont considérées comme « très mal logées », c’est-à-dire vivant dans
des cabanes, ou entassées dans des chambres d’hôtel, quand ce n’est pas
carrément sans abri. Le reste (6,6 millions) est constituée de personnes dites
« fragilisées » : en situation d'impayés, en instance d'expulsion,
hébergés par des tiers, vivant dans des copropriétés insalubres ou en surpeuplement.
Ce tableau déjà sombre pourrait se noircir encore plus en 2010, avec l’arrivée
en fin de droits de un million de demandeurs d’emploi (sur les 2,18 millions
d’indemnisés, un chômeur sur deux seulement étant indemnisé), comme le prévoit Pôle Emploi. Bertrand Delanoë avait en ce sens écrit à François
Fillon le 6 janvier, lui suggérant une prolongation exceptionnelle de six mois des droits à
indemnité.
Se loger coûte de plus en
plus cher. Les Français consacraient à leur toit en moyenne 7900€ par an en
2002 contre 9700€ en 2007 (en hausse de 23%), avec des charges en hausse de 20%
essentiellement à cause du chauffage… En 2006, 1,8 million de ménages disaient
avoir des difficultés à payer leur loyer et 500 000 ne l'avaient pas payé
depuis deux mois, au risque d'être expulsés. « Le logement est producteur
d'exclusion et peut être considéré comme le creuset des inégalités »,
estiment les auteurs du rapport.
La Fondation Abbé Pierre
suggère dès 2010 une hausse de 12% du montant des aides au logement et
l'attribution d'un « chèque énergie » aux ménages les plus modestes.
« Tout se passe comme si à la panne d'ascenseur social se superposait une panne
de l'ascenseur résidentiel », indique le rapport, qui demande aussi
« la suspension des expulsions locatives des personnes de bonne foi »
jusqu’à la fin de l’année.
La Fondation se base sur
diverses données statistiques pour estimer à 600 000 le nombre d’enfants sans
domicile fixe ou vivant dans des taudis ou chez des tiers en situation de
surpeuplement. Elle se fie pour cela à l’enquête INSEE sur les SDF de 2001, qui
disait que 20% des 86000 recensés étaient des enfants, au rapport 2005 de la
commission nationale Famille-pauvreté-vulnérabilité (alors présidée par Martin
Hirsch), qui avait indiqué qu'un million d'enfants (sur 13,2 millions) vivaient
en situation de pauvreté, et sur les données de l'Observatoire national des
zones urbaines sensibles.
Si la Fondation Abbé
Pierre reconnaît qu’il est rare de croiser des parents isolés ou des ménages
vivant directement dans la rue avec leurs enfants, elle souligne que ces
derniers « circulent entre les squats, les abris de fortune et les
structures d'hébergement d'urgence ou, souvent, recourent à l'hébergement chez
des tiers (familles, amis) », souvent dans des familles déjà surpeuplées.
Le « surpeuplement accentué » concernerait ainsi à lui seul 255 000 enfants.
Lorsque des familles sont contraintes à dormir dans la rue, il s'agit souvent
de « familles immigrées en situation administrative irrégulière ou en
attente de régularisation », qui « vivent cachées des institutions
par peur d'être expulsées du pays ».
Les logements insalubres
(400 000 à 600 000, où vivent un million de personnes) ont aussi des
conséquences sur la santé : le saturnisme concerne ainsi plus de 80 000 enfants
de moins de 6 ans. Le risque de contracter des maladies respiratoires, qui
viennent souvent de l’humidité des logements et de la présence de champignons,
est trois fois plus important chez les enfants. Et la mauvaise qualité du
sommeil rend les enfants suractifs ou renfermés…
Dans ce contexte, la
Fondation condamne la décision du gouvernement de supprimer le poste de
Défenseure des Enfants. Pour l'association, une telle décision « remet en
cause la logique qui avait conduit à l'adoption de la Déclaration des droits de
l'enfant », notamment « celui de disposer de conditions de vie leur
permettant d'assurer leur protection et leur développement au sein de leur
famille ».
L'appel de l'Abbé Pierre, décédé en janvier 2007, remonte au 1er février 1954, voici tout juste cinquante-six ans. Il était passé sur les ondes de RTL, et le texte est à lire ici. Prochainement doivent sortir, mis en musique, des textes de l'Abbé Pierre, comme cela avait été indiqué en décembre.
F. A.
A
lire :
•
dans le n°66 de « et les autres » (pour l’instant accessible ici) les pages 8 à 13 sur le logement. Le trimestriel
« et les autres » est disponible au pris de 4€ les 4 numéros auprès
de la Fondation (bulletin d’abonnement en page 15).
• L’état du mal-logement en France, février 2010, Fondation Abbé Pierre
• Elle, lui et les autres, par Eric Cantona, décembre 2009
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