La commission consultative a donné cinq avis favorables à la déclassification de documents
La Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) a émis un avis favorable à la déclassification de documents de la DGSE saisis par le juge qui enquête sur la disparition du journaliste implanté à Tahiti, JPK (Jean-Pascal Couraud), disparu alors qu’il travaillait sur un présumé compte de Jacques Chirac au Japon. Cet avis a été publié ce samedi au Journal officiel, ainsi que trois avis sur des événements de Côte d’Ivoire de 2004 et 2005 et un sur le rôle de la France dans le génocide au Rwanda.
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Jean-Pascal Couraud, plus connu sous le nom de JPK, a disparu à Tahiti en 1997. Pour ses proches, il ne peut pas s'être suicidé. Un témoin — avant de se réracter — a parlé d'assassinat. JPK enquêtait sur un supposé compte japonais du président Chirac
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A la lecture de cet avis du 2 octobre, on peut espérer que le juge de Papeete Jean François Redonnet pourra poursuivre son enquête sur les chefs de « assassinat et complicité d'assassinat à la suite de la disparition à Tahiti dans la soirée du 15 décembre 1997 d'un journaliste d'investigation Jean-Pascal Couraud, connu sous les initiales JPK ». Et vérifier si les recherches polynésiennes de la fin des années 90 étaient bien fondées, puisque JPK travaillait sur des potentiels transferts de fonds entre la Polynésie et un compte japonais de la Tokyo Sowa Bank, via M. Flosse et sur un compte attribué à Jacques Chirac ; ainsi, le juge Redonnet pourra savoir si des pièces saisies début juin boulevard Mortier (siège de La Piscine, surnom la DGSE, dont le patron, Pierre Brochant, est sur le départ) ont joué un rôle dans la disparition de JPK. Plus de dix ans après. Maintenant que M. Chirac n'est plus président des Français, que M. Flosse n'est plus président des Polynésiens.
La Commission (dont l’avis n’est pas définitif, mais consultatif…) a accepté la déclassification de 16 des 17 pièces demandées dans le cadre de la disparition de JPK, le 15 décembre 1997. Après une rapide conclusion au « suicide », la justice tahitienne avait prononcé un non-lieu cinq ans après les faits. Circulez. Mais, deux ans plus tard, le témoignage de Vetea Guilloux, un ancien du GIP (le Groupe d’intervention de la Polynésie, service d’ordre de l’ancien président Flosse) affirmait avoir assisté à l’assassinat du journaliste. Une enquête fut donc ouverte en 2004, puis le témoin, l’unique témoin, se rétracta. Il fallut attendre décembre 2004 pour que la famille Couraud dépose plainte contre X… avec constitution de partie civile pour « assassinat et complicité ». Reporters sans frontières avait, un mois plus tôt, demandé la réouverture de l’enquête.
En mai 2006, alors qu’il était encore président de la République, Jacques Chirac avait démenti « catégoriquement » avoir jamais possédé un compte au Japon, estimant que ces « allégations » étaient « à rattacher à une campagne de calomnies » lancée avant l’élection présidentielle de 2002. A l’époque, Gilbert Flam, magistrat, époux de Mireille Flam, était détaché à… La Piscine mais il se défend d’avoir travaillé sur « un compte au Japon ».
Toujours est-il que, une dizaine de jours à peine après le passage à Paris du juge Redonnet (et seulement trois mois après les municipales), la justice parisienne donnait un coup d’accélérateur dans une affaire parisienne datant de fin 2005 et touchant… Mireille Flam. Et, au lieu de faire des perquisitions dans ses deux anciens bureaux et son actuel bureau (aux élections, elle avait été évincée des adjoints de Bertrand Delanoë), les enquêteurs sont allés en mairie du 11e et… au domicile du couple (donc du magistrat, depuis muté au parquet de Paris) !
Cinq jours avant que cet avis ne soit émis, des investigations avaient lieu en Polynésie…
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Le président ivoirien Laurent Gbagbo (au centre) et le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, main dans la main, dans les rues d'Abidjan, en janvier 2003
Photo Luc Gnago, Reuters
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Par ailleurs, la commission a rendu quatre avis favorables concernant les relations avec des pays africains pour le Tribunal aux Armées de Paris (ancien Tribunal permanent des Forces armées).
En l’occurrence, elle a rendu un avis partiellement favorable à la levée du secret-défense sur des documents ayant trait au dossier du génocide rwandais (« complicité de génocide, complicité de crime contre l'humanité et entente en vue de commettre un génocide visant notamment l'implication de l'armée française lors des événements survenus au Rwanda en 1994 »).
La Commission consultative a rendu également un avis favorable à la déclassification d'une note se rapportant au dossier de l'explosion d'un stock de munition à Port-Bouët en Côte-d'Ivoire, le 4 mars 2005, ayant fait deux morts et plusieurs blessés parmi les militaires français. Deux derniers avis (ici et là) portent sur la déclassification partielle de documents demandés par la juge du tribunal aux armées de Paris chargée de l'information judiciaire ouverte pour « assassinats, tentatives d'assassinats, destructions » dans le cadre du bombardement du camp militaire de Bouaké, le 6 novembre 2004. Neuf militaires français avaient été tués, ainsi qu'un civil américain, lors du bombardement du camp français par — pense-t-on — les forces loyalistes ivoiriennes.
Reste présentement à Hervé Morin, ministre de la Défense, de suivre (ou pas) les avis rendus par la commission. Jusqu’à présent, la plupart des 120 avis rendus par la CCSDN ont été suivis par les divers ministres qui se sont succédé. Là, du fait de la température des relations entre l’actuel président de la République et l’ancien (pour ce qui concerne le confrère indépendant de Tahiti JPK et au moins les affaires ivoiriennes), celles d’avec Dominique de Villepin (aux Affaires étrangères en novembre 2004 comme en mars 2005). Les avis, selon toute vraisemblance, seront dans l’ensemble suivis. Reste à savoir quand, par rapport aux élections, officiellement prévues fin novembre en Côte d’Ivoire.
Fabien Abitbol
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