Clearstream, Angolagate : les carnets de Bertrand sèment le trouble
C'est une histoire de carnets et de cahiers à spirale. Les uns ont été communiqués et abondamment commentés dans l'affaire Clearstream, les autres le seront sans doute dans le procès de l'Angolagate, et plusieurs points communs les rapprochent. Les carnets du général Philippe Rondot et les cahiers d'Yves Bertrand ont été saisis dans le cadre de l'instruction sur l'affaire Clearstream. Tous deux écrits à la main et pieusement conservés par les deux as du renseignements se retrouvent à quelques mois d'intervalle sur la place publique.
Mais si ceux de l'ex-conseiller aux affaires du renseignement du ministère de la Défense sont connus et ont été versés au dossier, les cahiers à spirale de l'ancien directeur central des Renseignements généraux (DCRG) sont restés scellés dans les cartons des juges chargés d'instruire l'affaire Clearstream. Pourquoi ? Si les juges trouvent rapidement les carnets du général Rondot dans la cave de sa résidence privée (avril 2006), la perquisition dans les bureaux des Renseignements généraux et chez Yves Bertrand intervient pratiquement à la fin de l'instruction (janvier 2008) et ses carnets ne seront pas communiqués aux parties.
C'est compter sans l'affaire de l'Angolagate. Depuis le début des audiences, la défense s'emploie à dynamiter un procès qui gêne la France dans ses relations avec l'Angola. Trois semaines après les révélations des cahiers par « Le Point » et moins d'un mois après le début du procès, le parquet de Paris vient de céder et a décidé lundi que les cahiers à spirale du DCRG seraient communiqués à l'ensemble des parties au procès de l'Angolagate. Or les noms de la plupart des prévenus de l'Angolagate se trouvent dans les listings de Clearstream. Il se pourrait donc que les fameux cahiers éclairent d'un jour nouveau l'implication de certains des prévenus dans l'affaire des faux listings. D'autant plus que, contrairement à l'Angolagate, où la plupart des prévenus se serrent les coudes, dans Clearstream, c'est chacun pour soi. Entre autres, Jean-Louis Gergorin, le « corbeau » qui a envoyé les faux listings au juge, accuse Imad Lahoud d'être à l'origine des manipulations de fichiers. Pour ce dernier, c'est l'ancien vice-président d'EADS qui a orchestré la manipulation dans le cadre de rivalités au sein du groupe aéronautique...
Villepin prépare sa défense
Les carnets d'Yves Bertrand pourraient encore apporter du combustible à la querelle des deux mis en examen, dont le parquet a requis le renvoi en correctionnelle. Ainsi, selon nos informations, le nom d'Imad Lahoud apparaît dans les carnets d'Yves Bertrand dès le 8 mai 2001 (les premiers listings trafiqués arriveront chez le juge en mai-juin 2004) : « Un Libanais riche, 90, avenue Niel - Imad Lahoud, né le 7 octobre 1967 à Beyrouth, gendre de Fr. Heilbronner -, s'est converti au judaïsme pour épouser la fille d'Heilbronner. Pourrait-être Wer c L.J ». Devant les enquêteurs, Yves Bertrand expliquera que Wer c L.J signifie « travailler contre Lionel Jospin ».
Les avocats de Gergorin en profitent pour rappeler dans une note adressée aux juges au début du mois que l'informaticien avait « réussi à se faire recruter comme une source du renseignement français en prétendant avoir rencontré Oussama ben Laden en mars 2001 et avoir été chargé par lui d'une mission de conseil financier »... Ambiance. Pendant ce temps, Dominique de Villepin, dont le parquet a requis le renvoi en correctionnelle, prépare sa défense… Que recèlent encore les carnets d'Yves Bertrand ?
Valérie de Senneville, pour Les Echos, photo Globepix
⇒ Les carnets et l’Angolagate, par Airy Routier, dans Le Nouvel observateur du 23 octobre
⇒ La main de Jacques Chirac, par Hervé Algalarrondo, dans Le Nouvel observateur du 23 octobre
⇒ Ce que cache l’« affaire Clearstream », par Ibrahim Warde, dans Le Monde diplomatique, juin 2006
⇒ RG : Quand l’empire Bertrand s’effondre, par Jean-Paul Ney, détenu en Côte d'Ivoire (sujet rédigé début 2005, jamais publié)
Les commentaires récents