La nuit dernière, je ne voulais pas rentrer chez moi à trois heures. Comme tous ces derniers jours depuis que les Tunisiens du 36 Botzaris ont été évacués du «Centre culturel» qu’ils occupaient depuis le 31 mai, j’avais passé un bout de soirée avec eux, après y avoir été une partie de l’après-midi, et j’espérais rentrer avant deux heures…
Depuis le 16 juin, un groupe d’une petite trentaine de Tunisiens dort dehors, dans le 19e arrondissement, au Parc des Buttes-Chaumont. Aucune grosse structure ne les prend en charge. Seule la toute petite et toute jeune association Action tunisienne gère l’alimentaire au quotidien, avec les dons de particuliers, et la cellule de nuit de Emmaüs France des 19e et 20e arrondissement passe trois fois par semaine, après 23 heures, s’occupent d’eux. Le reste, tout le reste, ce sont des individus, des citoyens, de tous horizons, qui “gèrent” du mieux que possible.
Car les jeunes qui sont restés aux Buttes-Chaumont faute de place dans les structures d’hébergement d’urgence sont un peu différents des autres, simplement parce qu’ils sont passés par un endroit où certains —sans doute— considèrent qu’ils n’auraient jamais dû aller. Sur Laissons la parole aux Tunisiens, Maher racontait hier les deux prises de la rue Botzaris (le 31 mai et le 7 juin au soir), l’ouverture entre les deux bâtiments (celui de la rue du Plateau communiquant avec celui de la rue Botzaris), etc… (lire ici). Du coup, les médias traditionnels n’en font pas cas. Ou si peu.
Alors que AlJazeera consacrait (enfin) un dossier au cas Botzaris (traduit en français ici), Leaders relevait «le silence assourdissant des autorités tunisiennes» sur cette affaire (lire par là).
Côté français, on n’a guère entendu que Cécile Duflot pour EELV d’une part, et d’autre part le Parti de Gauche (lire sur 7 ici).
Mais dans l’ombre, deux personnes ont œuvré avec les autorités tunisiennes, les autorités françaises et l’Offi pour que soient mises en place, à titre exceptionnel, des aides directes et indirectes pour la réinsertion de ceux qui veulent rentrer au pays, comme le confirmait ce midi l’avocat Karim Guellaty, l’un des deux concernés.
L’autre personne concernée par ces tractations, Lamia Slim (que les téléspectateurs français ont pu apercevoir fin mai sur Canal+), était avec moi hier. Rentrée de Tunis dimanche soir, elle faisait le point avec Emmanuel (un voisin avec qui, dit-elle, je fais “vieux couple”) et moi-même sur la situation des migrants. Peu avant une heure du matin, alors que nous étions à hauteur du métro Pyrénées, m’arrivait un SMS: un gamin, un mineur, prévenait que les migrants du Parc des Buttes-Chaumont étaient sur le point de se faire mettre dehors. La pluie battante, l’orage annoncé… manifestement, la donne avait changé. Moi qui, pour une fois, espérais rentrer avant trois heures du matin, ça semblait mal parti.
Retour vers Botzaris. On pénètre dans le Parc, direction l’ancien campement, non pas là où la police était intervenue une première fois, mais là où s’étaient déroulées les interpellations du 22. Nous y retrouvons une partie du groupe, ainsi qu’une équipe de nuit des agents de sécurité, qui dépendent de la direction de la Prévention et de la sécurité, et non pas des Espaces verts.
Un dialogue s’instaure, mais pour eux, le règlement c’est le règlement. Ils sont surpris que des mineurs fassent partie du groupe. Nous leur expliquons au mieux la situation des anciens de Botzaris, si tant est qu’elle soit explicable.
Les informations remontent à leur direction, en pleine nuit. Puis la question est posée au groupe de savoir s’il accepte de sortir ou s’il veut rester. Le tout est enregistré, faute de consignes claires, afin de laisser des traces.
Puis les employés de la Ville nous raccompagnent vers la sortie…
Je ne voulais pas rentrer chez moi à trois heures. Je suis arrivé à 2h55. Pour aujourd’hui demander à l’élue en charge des Espaces verts de bien vouloir intervenir auprès de celle en charge de la sécurité afin de mettre fin à cette situation.
Selon les premières estimations sur le terrain, tant auprès des #Botzaris36 que des Tunisiens de la Fontaine-au-Roi, au gymnase depuis le 7 mai avec un “tri” effectué début juin puis divers mouvements, ils sont peut-être la moitié à vouloir repartir en Tunisie. Ce soir, Lamia et moi retournons dans l’Est parisien, en voir d’autres, qui dorment dehors et attendent notre passage. Puis retour aux Buttes-Chaumont, en espérant que cela se passera bien.
Devant le déficit associatif traditionnel, c’est la seule solution humaine.
Fabien Abitbol, ill.: capture d’écran d’un message de Karim Guellaty, l’un des négociateurs
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