Des employés de la sécurité de Paris ont procédé mercredi à un «tri» des occupants du gymnase de la rue de la Fontaine-au-Roi, dans le 11e arrondissement, ne laissant l’accès libre qu’à 118 d’entre eux, en l’échange d’un bon d’entrée. Plus loin, à la rue Botzaris (19e arrondissement), les policiers français étaient absents (ou très discrets) et l’on commençait à s’organiser.
Scène stupéfiante mercredi au gymnase de la Fontaine-au-Roi, occupé depuis le 7 mai par des Tunisiens, dont certains avaient été violemment délogés trois jours plus tôt de l’avenue Simon-Bolivar. Des employés des services de sécurité de la Ville de Paris sont entrés dans le gymnase et ont procédé à un étrange «tri» des occupants.
Les critères pour pouvoir bénéficier d’un “bon d’accès au gymnase” (photo ci-dessus) étaient dans un premier temps, selon un employé de la Ville, de ne pas être ivre ou connu comme fauteur de troubles, d’être capable de justifier de son identité (avec des papiers tunisiens ou italiens) et d’être présent lors de l’arrivée —non annoncée— des agents municipaux. Aucun critère d’ancienneté n’a été pris en compte, m’a confirmé le responsable du groupe de la sécurité.
Ainsi, par exemple, un jeune homme, soulagé d’apprendre que «dans sept jours» il retournerait en Tunisie, était-il fort dépité de voir qu’il se voyait refuser l’entrée au gymnase, où se trouvaient ses affaires, du fait de son absence tout l’après-midi pour ses démarches.
A deux pas de là, à l’angle de la rue de la Fontaine-au-Roi et du boulevard de Belleville, jusque vers 21h30, plusieurs véhicules de police sérigraphiés et banalisés surveillaient la situation et régulaient autant que faire se peut la circulation routière et piétonne (photo ci-contre).
Peu avant, une charge avait été donnée contre des biffins, à hauteur du métro Couronnes, et des restaurateurs avaient rangé leurs terrasses.
Outre les “classiques” lacrymogènes et le déploiement assez impressionnant de CRS (beaucoup plus nombreux que mardi soir, un aperçu sur la photo ci-contre), pas moins de cinq maîtres-chiens se trouvaient à proximité du métro et du kiosque à journaux, tournant le dos au Franprix et à l’ancienne Trésorerie de Belleville. Les biffins sont devenus la cible (entre autres) de la maire (PS) du 20e arrondissement Frédérique Calandra. Après avoir proposé une manifestation, la maire d’arrondissement a pris la tête du cortège, le 20 mai dernier, malgré un Conseil de Paris où elle a été vivement critiquée par Katia Lopez (apparentée EELV, née dans le 20e et y habitant toujours), par Denis Baupin (chef de file Les Verts) et par Danielle Simonnet (secrétaire nationale du Parti de Gauche), tous trois élus du même arrondissement qu’elle. Ambiance…
Si le problème des biffins de Belleville (qui à mon sens n’en est pas vraiment un, comme j’ai pu l’exprimer ici voici quatre mois) est indépendant de celui des réfugiés tunisiens, la venue massive de policiers et de CRS n’a pu que faire craindre, aux Tunisiens de la Fontaine-au-Roi comme à leurs soutiens, un risque d’expulsion. Risque devenu alerte, avérée fausse par la suite, puisqu’il ne s’agissait «que» d’un blocus du gymnase.
Même s’ils étaient nombreux, les employés de la sécurité de Paris ne semblaient pas à l’aise dans leur besogne. Et refusaient bien entendu les prises de vue.
Impossible de savoir d’où venait l’ordre politique de leur “mission”. Seule «certitude» selon eux: il y avait eu «trop de bordel» ces jours-ci, expliquaient-ils, faisant allusion à diverses allées et venues et à des jeunes sous l’emprise de l’alcool.
Mais cette situation n’est pas nouvelle. Depuis l’occupation de la Fontaine-au-Roi le 7 mai (photo d'archives ci-contre), j’y suis repassé régulièrement, toujours le soir après 22h. Parfois très tard. Pour “sentir” l’ambiance, pour discuter avec quelques jeunes tunisiens, prendre des nouvelles, emmagasiner des informations, savoir ce qui se passait au foyer Aurore des beaux quartiers où certains étaient enregistrés mais passaient tout de même à Belleville, etc… Bref, le classique travail de fond de la pêche au renseignement, qui ne signifie pas forcément que l’on écrit tout ce que l’on sait ni même que l’on publie chaque jour un sujet —le lecteur se lasserait vite.
Au vu de ce qu’il s’est passé mercredi au gymnase, je ne peux m’empêcher de penser que les élus, de l’arrondissement ou de Paris, ne pouvaient pas ignorer la situation. Ils ne l’ont pas découverte comme ça, juste à la fin mai, comme par hasard quand les plus déterminés des Tunisiens sont partis pour la rue Botzaris. Sans compter que, à la veille d’un jour férié (Ascension) et du seul pont du mois de mai, réquisitionner autant d’agents de la Ville pour travailler la nuit, le jour férié et le week-end relève de l’exploit. Je ne peux que penser que cette décision était, comme on dit, «dans les cartons».
Les cent dix-huit qui ont pu rester ont bénéficié d’un concours de circonstances. Ils ont eu de la chance, si on peut considérer que dormir complètement enfermé, rideau métallique baissé, et fortement encadré, avec els risques que cela comporte en cas de besoin de partir rapidement, relève de la chance.
Les autres devront s’organiser autrement. Hier, par exemple, ils ne pouvaient pas entrer ne serait-ce que pour récupérer leurs affaires: pas de ticket, pas d’entrée, même pour cinq minutes. Le blocus mis en place hier a été renforcé ce jeudi par des barrières, relativisant l’appui des soutiens.
Voici plus de deux semaines pourtant, alors que le président (UMP) du groupe PPE au Parlement européen critiquait la politique gouvernementale à l’endroit des immigrés de Lampedusa, la Ville de Paris estimait déjà que «leur situation [nécessitait] un suivi social et sanitaire appuyé ainsi qu’un accompagnement juridique dans le respect de la dignité des personnes et du droit» (lire ici). C’était deux semaines avant la prise de position de l’archevêque catholique de Tunis.
Pourquoi, dans de telles conditions, les employés municipaux n'ont-ils pas eu des consignes plus tôt? Ou pourquoi ont-ils eu ces consignes?
A Botzaris, la situation est plus détendue. Peut-être parce que le bâtiment occupé depuis la veille appartient à la Tunisie…
Devant le bâtiment du 36, rue Botzaris, la nuit dernière peu avant 01h00, pas l’ombre d’un uniforme de policier français. Pas de voiture banalisée à première vue non plus. A l’intérieur de la cour, (d'où la photo ci-contre a été prise) des voitures aux plaques diplomatiques stationnent.
Parmi les soutiens, l’un, bilingue français-arabe, que j’avais rencontré mi-mai à Fontaine-au-Roi, venait de partir à mon arrivée fort tardive, et deux autres têtes connues. Un homme à la bonne maîtrise de l’arabe, croisé plusieurs fois depuis la courte occupation de Simon-Bolivar, et une jeune femme qui, depuis plus de deux semaines, me tenait au courant de ce qui se passait le jour à Fontaine-au-Roi, puisque je n’y passais que le soir.
Je n’étais pas venu seul, mais avec un voisin du Réseau éducation sans frontières. Un café (l’addiction…), le temps d’échanger sur les situations dans les deux arrondissements et de dire bonjour aux têtes connues.
Apparemment, ils manquent de beaucoup de choses —pour ne pas dire de tout— dans ce grand bâtiment laissé vide après la chute du régime Ben Ali. Une réunion s’y tenait ce jeudi après-midi avec diverses associations pour faire le point.
L’avantage de la rue Botzaris est énorme: une expulsion du bâtiment ne peut avoir lieu que sur demande des autorités tunisiennes.
Fabien Abitbol
Pour un suivi en temps réel de la situation rue Botzaris, cliquer ici.
Bravo pour ce suivi de la situation des Tunisiens. Le "tri" me fait étrangement penser à un autre tri, effectué à Grenoble, par les employés municipaux sur injonction du CCAS. Il concernait des Roms "mis à l'abri" dans un ancien garage et les employés étaient venus vérifier s'ils étaient bien sur une liste pré-établie...
Décidément, les méthodes restent les mêmes ... et dire que ce sont des municipalités dites "de gauche" !
Rédigé par : Caro | 02/06/2011 à 20h46
@Caro @Menilmuche Ce n'est pas tant le « tri » en lui-même qui me choque, c'est que la politique « d'accueil » de la Mairie de Paris se résume à cela !
Rédigé par : Emaux | 02/06/2011 à 22h45
@Emaux,
le sujet étant déjà fort long (1200 mots), j'ai préféré éviter certains détails, même s'il convient de mettre de gros guillemets.
si tu as envie de développer, sous forme d'«Humeur», ce dont tu me parlais, à ta guise: tu sais où me trouver.
Rédigé par : Fabien | 03/06/2011 à 02h43
dehors ! ces gens nont rien a faire chez nous, leur pays n'est pas en guerre et ici ona rien pour eux !
Rédigé par : assez de blabla | 04/06/2011 à 13h54
dehors ! ces gens nont rien a faire chez nous, leur pays n'est pas en guerre et ici ona rien pour eux !
le message est prti trop vite :: c'est ce genre de commentaire que je lis un peu partout sur le net .. afflligeant non?
Rédigé par : assez de blabla | 04/06/2011 à 13h55