Reléguée sur France 3, la première télénovela française
laisse sa place au Congrès
La Baie des Flamboyants, première télénovala française, qui en est déjà à son
centième épisode, devait commencer à être diffusée demain lundi 22 juin sur France 3, France 2 n’en n’ayant pas voulu car considérée
comme trop « locale ». C’était sans compter sur la convocation du
Congrès par Nicolas Sarkozy, et la rediffusion partielle par la chaaîne des
régions, de cette fort dispendieuse journée, par ailleurs diffusée sur des chaînes de la TNT et à
laquelle n’iront pas Jacques Chirac ni Dominique de Villepin, ainsi que ce
dernier l’a confirmé sur Canal + (Dimanche +) ce dimanche midi (1).
Le président Sarkozy, qui s’était engagé à se rendre
aux Antilles pour l’ouverture des Etats généraux de l’Outre-mer qu’il a lui-même provoqués (il annonce finalement
qu’il partira jeudi prochain 25 juin, dormira en Martinique, puis fera un saut en Guadeloupe, alors qu’ils ont
démarré le 21 avril aux Antilles et en mai à Paris), fait une fois de plus
repousser la diffusion de la première télénovela à la française sur le réseau hertzien. Depuis la rentrée scolaire
2007, la Baie des Flamboyants était même diffusée en France métropolitaine, sur la TNT et le câble (France Ô). Il n’était à la base pas certain qu’elle dure plus d’une saison.
Cette saga ultramarine intégralement tournée à la
Guadeloupe est une version antillaise de « Codigo postal » (code postal), une série mexicaine de la très rôdée et très prolifique société de production Télévisa. Cette société avait
contacté un « orfèvre » français en la matière, Jean-Luc Azoulay (Hélène et les garçons, Salut les musclés, Les filles d'à
côté, Premiers Baisers…), du temps où « Codigo postal » était encore
en tournage, en 2004.
Même trame, mêmes idées, mais acteurs locaux
(Guadeloupe et Martinique) et de France métropolitaine. Participation
financière et technique de trois chaînes publiques françaises (RFO, France 2 et
France 3), ce qui a permis à la production de voir plus grand, et d’espérer une
diffusion sur France 2. Répercussions sur l’économie guadeloupéenne (hôtellerie
et restauration, notamment, mais aussi métiers du spectacle), aussi, peut-être
parce que la Région Guadeloupe a mis la main à la poche. Après le lancement, le
24 septembre, sur France Ô, il avait été question d’une diffusion « début
2008 » sur France 2. Il n’y a eu, pour l’instant, qu’un début de diffusion
sur… IDF1, le très
confidentiel canal francilien (sur
Numericable, la TNT, Free, Alice et SFR). Et Jean-Luc Azoulay est l’actionnaire principal de cette chaîne.
Baie des Flamboyants (comme toute saga) suit
l'évolution de plusieurs familles. La série propose de suivre l'histoire des Alban, des Guillerme,
des Laurent-Rose, des Delcourt, des Colona et des Carion. Ces six familles ont
un point commun : elles habitent toutes… à la Baie des Flamboyants, une
magnifique résidence des Antilles. Jeunesse, quête de bonheur, amour haine,…
des ingrédients très classiques. Qu’on aime ou qu’on déteste. Au générique, on retrouve des habitués de JLA Production, la société de Jean-Luc Azoulay, et d’autres têtes, entres
autres de la télé-réalité (comme Emilie Minatchy, photo, de la Star’Ac 5, native de La Réunion) ou du monde du
show-business antillais. « Une série créée par Jean-François Porry »,
précise le générique, Jean-François Porry n’étant autre que le pseudonyme
courant de Jean-Luc Azoulay.
Une saga vendue dans le monde entier
En France métropolitaine, à la suite de la diffusion
des premiers épisodes sur la TNT, et malgré un succès qui a engagé France Ô à
diffuser la saison 2, la direction des programmes de la deuxième chaîne
publique est revenue sur sa décision, malgré son investissement. Et a refilé le
bébé à la chaîne régionale. Autrefois, jusqu’au milieu des années 80, les
stations de radio-télé de l’Outre-mer français s’appelaient aussi France 3 au
demaurant. C’était le temps où les programmes s’arrêtaient à 23h (minuit les week-ends et fêtes nationales), au son de La Marseillaise (2).
Les 63 % de parts de marché affichés par RFO
Guadeloupe (et presque autant sur les autres lieux de diffusion, selon RFO),
avaient de quoi faire pâlir d’envie. Au Brésil, TV Globo, la chaîne précurseur
en matière de télénovelas, a acquis les droits de diffusion. La série
s’appellera « Praia de galera » (la plage de la galère). Au dernier
MIP TV, 63 pays se sont montrés intéressés, et déjà les Allemands, les
Espagnols et les Chinois ont acheté les droits de diffusion. France 2 n’aime pas l’accent guadeloupéen, avait titré François-Xavier Guillerm
sur Le 5e DOM, pour indiquer que la décision de ne pas diffuser sur
France 2 avait été « prise par le directeur des programmes Eric
Stemelen ». Le Délégué interministériel à l’Outre-mer et à l’égalité des chances, Patrick
Karam, orchestrateur de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy pour les Domiens de France hexagonale, était
intervenu auprès de la chaîne publique. Pour s’entendre dire que la série était
mauvaise. Pour calmer les esprits, il avait même été question de commencer la
diffusion en janvier 2009. Ce qui, ironie du calendrier, aurait coincidé avec la crise guadeloupéenne.
Si la saga était si mauvaise pour France 2, pourquoi
investir dans une suite ? Certes, l’épisode ne coûte pas cher (130 000 €,
trois fois moins cher que l’estimation basse d’un Congrès à Versailles, six
fois moins que l’estimation haute). Mais en temps de crise, on peut penser à du
gâchis. D’autant que la relégation à France 3 et en été apportera moins
d’entrées publicitaires, sauf si la chaîne décide de poursuivre à la rentrée.
A propos de crise, il devrait être question, demain à
Versailles, de la conjoncture. Le message que le président a décidé de délivrer, après des élections
européenens boudées et avant un remaniement ministériel technique et de plus faible envergure qu’attendu par de nombreux observateurs, aura eu
raison, une fois de plus (a priori pour une journée seulement) de cette saga.
Reste à voir si Nicolas Sarkozy abordera (enfin) le sujet de la supervision financière, dont Jean-Claude Trichet a parlé ce matin sur Europe 1, évoquant (enfin) le rapport de Larosière. Un rapport
pourtant rendu à José Manuel Barosso depuis la fin février, mais passé plutôt inaperçu. Un comble en période de
crise. Insécurité, cagoule et burqa sont sans doute les bienvenus pour
détourner l’attention.
Fabien Abitbol
Baie des Flamboyants, France 3, du lundi au vendredi,
16h30, deux épisodes par jour
Lundi 22 juin, le Congrès de Versailles sera diffusé dès 10h sur les chaînes parlementaires (LCP-AN et Public Sénat), et à partir de 14h50 sur France 3. Le discours présidentiel est annoncé pour 15h00.
(1) Outre les 577 députés et 343 sénateurs, les 72
eurodéputés élus le 7 juin sont invités, ainsi que les membres du gouvernement Fillon 2. Faute de place, ces derniers seront dans les tribunes,
sauf le Premier ministre et quatre ministres, qui devraient se trouver auprès
du président Sarkozy. Les deux anciens président de la République et les
anciens Premiers ministres ont aussi été conviés à se rendre au Château de
Versailles.
(2) Cette habitude coloniale a disparu lors de l’arrivée
du « deuxième canal » de RFO, en 1985. L’existence d’un
« deuxième canal », émettant quatre à six heures par jour, permettait
une séance de rattrapage du journal du soir ainsi que la diffusion de
programmes (pour la plupart à vocation culturelle) issus des chaînes
françaises.
è Le blogue de la télénovela et les secrets de tournage
è Extrait et making-off sur le site de Télé2Semaines (lors de la première saison… on ne savait pas si une deuxième était viable)
è Les biographies des 35 acteurs principaux (cliquer sur les visages, deux pages) et les personnages qu’ils interprètent
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