A la veille des 90 ans de la fin de la Première Guerre mondiale, France 5 propose une soirée Histoire consacrée à ce conflit. Le premier documentaire se penche sur le destin de ce poilu, anonyme, qui repose depuis le 11 novembre 1920 sous l'Arc de triomphe, à Paris. Un seul homme en mémoire de tous les autres. Pourquoi et comment est-il arrivé là ? Retour sur un symbole. Ce 90e anniversaire aura été manqué de peu par le dernier Poilu français recensé, décédé en mars dernier, et qui s’était engagé dans la Légion étrangère à la caserne Richard-Lenoir. Lazare Ponticelli était un jeune italien devenu Français ; fin octobre, voici deux semaines, aussi à l’âge de 110 ans, Delfino Borroni, le dernier survivant italien, est décédé à son tour.
Le 28 janvier 1921, « le soldat inconnu », désigné par le Poilu Auguste Thin parmi six cercueils, est inhumé sous l'Arc de Triomphe, après que le cercueil ait été montré au public depuis le 11 novembre 1920. Comment a été stimulée cette idée d'un soldat inconnu qui représenterait tous les combattants morts pendant la « Grande Guerre » ? Quelles ont été les querelles survenues entre partis politiques, anciens combattants et Camelots du roi de « l'Action française » sur la façon de mener à bien cette entreprise ? Le documentaire que présente France 5 sur le réseau numérique ce soir s'appuie sur des films, des articles de journaux d'époque ainsi que sur des éclairages d'historiens et des reconstitutions pour retracer cette histoire pleine de rebondissements : celle de l'inhumation du corps d'un soldat, supposé français, sous l'Arc de Triomphe.
« Soixante-dix millions d'hommes ont porté l'uniforme pendant le conflit, 10 millions ont été tués, 20 millions ont été blessés » : Jay Winter, historien américain, rappelle le coût humain de la Grande Guerre, toutes nations confondues. Et combien de disparus ? Combien de stèles ornées de noms incomplets ou de quelques lettres ? Combien de sépultures anonymes ? 350 000 soldats n'ont jamais été retrouvés ou identifiés. Sous le feu de l'artillerie lourde, les corps sont mutilés, déchiquetés, broyés. C'est la mort de masse. Dans les tranchées se côtoient les vivants et les morts. Les uns ont promis de veiller sur les autres. Ils tentent de préserver tant bien que mal les corps de leurs camarades : « On était absolument terrorisé par l'idée de la disparition pleine et entière, plus encore que par la mort », déclare Jean-Yves Le Naour, spécialiste du conflit. Lors de la retraite rapide de l'armée française, les corps sont abandonnés.
Du deuil impossible…
Face aux nombreuses disparitions, la population s'inquiète. Dès novembre 1915, Gabriel Boissy, journaliste et écrivain revenu du front, écrit sur ce phénomène. Un an plus tard, à Rennes, François Simon, responsable local du Souvenir français, déclare : « Il faut honorer ces soldats. » En juillet 1918, Maurice Maunoury, député, propose l'inhumation d'un fantassin inconnu. L'idée d'un anonyme qui représente le simple citoyen, qui illustre le sacrifice de la nation et la « démocratisation de la mort » est acquise pour tous. Mais il faut attendre deux ans avant que ce projet n'aboutisse. Entre-temps, beaucoup de querelles politiques et de nombreux rebondissements. Grâce à d'abondantes archives — films, photos, correspondances — parfois émouvantes, aux extraits d'articles et de discours, aux reconstitutions de scènes clés, le film fait revivre cette époque en rendant cette histoire familière. A la 11e heure du 11e jour du 11e mois de 1918 sonne l'armistice. La France est en miettes, désorganisée, clivée. Il faut reconstruire le pays et toutes les « gueules cassées ». Les familles se rendent sur les champs de bataille transformés en cimetières et tentent un deuil impossible. En septembre 1919, le projet de loi sur l'inhumation d'un soldat inconnu est déposé deux fois, sans succès. Où l'enterrer ? Quand ?
… à l'ambassadeur des morts
Lorsque la Grande-Bretagne annonce que le sien rejoindra l'abbaye de Westminster le 11 novembre 1920, le gouvernement français ne peut plus reculer. Il décide alors de faire coïncider l'armistice et les 50 ans de la République, qui doivent être l'occasion de rendre hommage à Gambetta, dont le cœur sera transporté au Panthéon. Les royalistes et l'Action française s'emparent de l'affaire. Le 2 novembre 1920, tout s'accélère. Le gouvernement, qui redoute le sabotage des fêtes du 11 Novembre, achète la paix civile. Le 8 novembre 1920, le projet de loi est enfin voté, le poilu sera finalement inhumé sous l'Arc de triomphe. Huit corps français non identifiables sont exhumés. Dans une crypte de la citadelle de Verdun, un jeune soldat, Auguste Thin, dépose un bouquet d'œillets sur le cercueil numéro 6. Enfin, le 11 novembre 1920, dans les rues de la capitale, « l'ambassadeur des morts » est suivi par une famille symbolique. Dans la foule, des mères, des sœurs, des épouses, toutes ces femmes qui n'ont pu enterrer leur mort. Le deuil collectif a commencé. Mais le défunt doit encore attendre deux mois avant son inhumation, le 21 janvier 1921. Toutes les nations belligérantes à l'exception de l'Allemagne choisiront elles aussi ce symbole. En France, depuis le 11 novembre 1923, la flamme du souvenir ne s'est jamais éteinte.
Source : Guide des programmes de France 5, illustrations INA, critique de Télérama disponible ici.
Lundi 10 novembre, 20h35, France 5 (TNT, câble, satellite)
Documentaire inédit de Christophe Weber (France, 2008, 52 min.)
Rediffusions annoncées : Mercredi 12 novembre : LA UNE à 23h20, dimanche 16 novembre : France 5 à 07h35, lundi 17 novembre : TEMPO POLYNÉSIE à 09h20, lundi 17 novembre : TEMPO NOUVELLE-CALÉDONIE à 09h35, mardi 18 novembre : TEMPO RÉUNION à 05h50, mardi 18 novembre : TEMPO GUADELOUPE à 08h45
En deuxième partie de soirée, de 21h30 à 22h25, France 5 numérique diffuse 1914-1918, le grand tournant, un documentaire de Franck Verpillat, sur des commentaires dits par Daniel Mesguich.
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