«On a de l'humour au sein de l'islam […] ce qu'on dit sur le prophète, ce qu'on dit sur l'islam entre nous et quand il y a des imams, c'est pire que ce qu'a écrit Charlie Hebdo», a déclaré Abderrahmane Dahmane, l’ex-conseiller débarqué de l’Elysée. Œuvre de «deux cons du quartier» ou d’intégristes qui n’en seraient pas moins dénués d’imbécillité, l’affaire est entre les mains de La Crim’, contrairement à un autre incendie du même arrondissement…
Selon une dépêche de Reuters, qui rapporte ses propos, M. Dahmane estime même que si la Mosquée de Paris disposait de plus de place, elle aurait très bien pu héberger les journalistes de Charlie Hebdo, qui ont trouvé refuge chez Libération à la suite de la nouvelle attaque dont ils ont fait l’objet cette semaine, cette fois dans leurs locaux.
Seulement voilà: tout le monde ne l’entend pas de cette oreille, et Charlie Hebdo a reçu mercredi un avertissement de Facebook en raison d’une «infraction à la Déclaration des droits et responsabilités publiée par Facebook» [ci-contre, cliquer pour agrandir].
Sur le mur Facebook de l’hebdomadaire, on peut voir une capture d’écran de l’avertissement. Charlie Hebdo est menacé de se faire résilier son compte en cas de récidive. «Facebook prétend censurer Charlie. Cherchez l’erreur», écrit le journal.
Parmi les commentaires dupliqués par de nombreux internautes, en arabe ou en français: «Allez au diable, Charlie Hebdo», «Tu as touché notre prophète», «Les musulmans demandent une seule chose des excuses publiques»… D’autres commentaires soutiennent le journal.
L'équipe de Charlie n'ayant plus accès à Facebook (ce qui n'empêchait pas les commentaires de se poursuivre jeudi soir), un blogue a été créé sous WordPress, avec un premier billet sur Les SDF du Net.
Dans France-Soir, sous un virulent La République insultée, l’écrivain Mohamed Sifaoui déclare: «Même si je pense que ce sont des intégristes musulmans qui peuvent être derrière l’incendie des locaux de Charlie Hebdo, je reste néanmoins prudent sur les tentatives de manipulations venant d’autres groupes extrémistes. Quoi qu’il en soit, au-delà des auteurs de cet acte criminel, il faut condamner avec vigueur une telle action qui vise à terroriser les journalistes et à créer en France un climat antirépublicain».
«Je pense qu'on va découvrir que les incendiaires sont deux cons du quartier, comme il y en a plein dans ce quartier que je connais très bien», a déclaré ce jeudi après-midi Charb, le directeur de publication du journal, comme en écho à l’attaque contre l’exposition de Charlie en mars 2006 à La Mer à Boire (rappelée mercredi sur le blogue).
Dans un vocabulaire moins fleuri, Fateh Kimouche s’indigne sur Al-Kanz qu’en France «on considère trop souvent que le délinquant musulman commet ses méfaits parce qu’il est musulman».
Charb, Luz (dessinateur) et Riss (directeur de la rédaction) sont sous protection policière en raison des menaces proférées à leur encontre, a-t-il été indiqué lors de la “conférence de rédaction publique” qui se tenait jeudi après-midi au Théâtre du Rond-Point.
Quant au journal, qui en divers endroits est parti en dix minutes mercredi, il devrait être à nouveau disponible en kiosque dès vendredi.
L’enquête… et ses à-côtés
Du côté de l’enquête sur l’incendie, les policiers disposent d'«au moins un témoignage direct», celui d’un conducteur de bus selon une source proche du dossier, qui mettrait en cause deux hommes aperçus sur les lieux peu après l'heure présumée du début du sinistre.
En moins de dix jours, dans le vingtième arrondissement, deux incendies ont eu lieu à la suite, semble-t-il, de cocktails Molotov, comme l’a rappelé Acrimed. Et sans que les médias y accordent la même couverture.
En moins de dix jours, dans le vingtième arrondissement, deux incendies ont eu lieu à la suite, semble-t-il, de cocktails Molotov. Dans le second cas, l’adjoint en charge de la Culture s’est déplacé le matin sur les lieux (photo par Pierre-Yves Beaudoin ci-contre). Dans un cas, la mairie d’arrondissement a moins fait montre de diligence à en croire le Collectif contre la xénophobie. Jeudi 3 novembre avait lieu devant La Cartonnerie un hommage au mort. Ce vendredi 4 doit prendre fin l'hébergement par la mairie des Roms sinistrés. Une réunion est prévue en parallèle à la FASTI (Fédération des Associations de solidarité avec les travailleurs immigrés). La première ASTI est née en 1962 à la suite de l'incendie d'un bidonville, rappelle l'historique de la FASTI.
En moins de dix jours, dans le vingtième arrondissement, deux incendies ont eu lieu à la suite, semble-t-il, de cocktails Molotov. Si la brigade criminelle a été saisie d’emblée de l’enquête Charlie Hebdo, c’est le 2e District, soit la police judiciaire «locale» (lire note de bas de page*), qui est chargée de l’enquête sur le squat des Roms. Où pourtant il y a eu mort d’homme. Il n’est pas question de remettre en cause le travail des hommes du commissaire Bobrowska, mais simplement leurs moyens. La venue de La Crim' pour l’incendie de La Cartonnerie aurait été d’un meilleur effet. Après tout, pour l’incendie de la Cité du Labyrinthe, toujours dans le même arrondissement, supposé être criminel aussi, et qui a fait cinq morts de quatre nationalités, c’est bien la brigade criminelle qui a été désignée!
Fabien Abitbol, capture d’écran Facebook, photo Pierre-Yves Beaudoin (Julien Barjeton, adjoint en charge de la Culture dans le 20e arrondissement, devant le siège du journal incendié)
Mise à jour: A 17h vendredi, la page Facebook de Charlie était devenue inaccessible (voir ici)
*En matière de police judiciaire, Paris est divisée en trois Districts, reprenant les anciens découpages d’avant la mise en place de la police d’agglomération en septembre 2009. Le 2e District, anciennement 2e division de police judiciaire (2e DPJ) regroupe les 18e, 10e, 11e, 12e, 19e et 20e arrondissements, et est placé sous la direction du commissaire central du 20e arrondissement. La brigade criminelle a, elle, compétence sur l’ensemble du territoire. Elle enquête sur «les homicides, les enlèvements, mais aussi sur les incendies volontaires et les attentats», comme l’indique le site Internet de la PP, et aurait pu (dû?) être saisie pour l’incendie de La Cartonnerie.
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