Si Siné, l'ancien caricaturiste de Charlie Hebdo, avait été face à Claude Askolovitch lorsque celui-ci l'a taxé d'antisémitisme, « ce n'est pas un procès qu'il aurait eu mais un coup de boule », a-t-il assuré mardi à des juges parisiens, visiblement blessé par de telles accusations.
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Le dessinateur Siné, le 20 janvier, au tribunal correctionnel de Paris
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« J'estime que la liberté d'expression n'a pas de limites (...) sauf ceux qui me traitent d'ordure et d'antisémite personnellement », a déclaré Maurice Sinet, plus connu sous le nom de Siné, devant les magistrats de la 17e chambre. Le journaliste Claude Askolovitch « s'est comporté comme un grossier personnage que j'ai envie de tuer ». Aujourd'hui, « je me trouve associé à Le Pen, Faurisson, à des gens que je hais », a-t-il encore déploré, faisant état de menaces à son encontre.
C'est la première fois que « l'affaire Siné », qui s'était conclue par le renvoi du caricaturiste de Charlie Hebdo, vient devant la justice. Mais ce volet « diffamation », dans lequel Siné a fait citer Claude Askolovitch, n'est qu'une mise en bouche avant le véritable procès, mardi prochain à Lyon. La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) a en effet déposé plainte contre le dessinateur pour « incitation à la haine raciale ».
Toute l'affaire est partie d'une chronique publiée le 2 juillet dans Charlie Hebdo. Dans celle-ci, la figure historique de l'hebdomadaire satirique ironisait sur l'éventualité de la conversion au judaïsme de Jean Sarkozy avant son mariage avec la fille du fondateur des magasins Darty, déclarant notamment qu'il « fera son chemin dans la vie ».
La chronique n'avait d'abord pas provoqué de remous, jusqu'à une émission sur RTL, le 8 juillet. Claude Askolovitch, alors journaliste au Nouvel Observateur, s'en était pris à Siné, dénonçant « un article antisémite dans un journal qui ne l'est pas ».
Le chroniqueur, aujourd'hui journaliste au JDD et à Europe 1, avait ajouté que le directeur de la publication de Charlie Hebdo allait « faire son éditorial pour expliquer que Siné est une ordure, a dérapé totalement et qu'il devrait partir ».
Quelques jours plus tard, Philippe Val avait effectivement licencié le dessinateur, l'affaire provoquant une immense polémique, journalistes et intellectuels se divisant entre pro-Val et pro-Siné.
Cité comme témoin par Siné, Philippe Val ne s'est finalement pas présenté à l'audience.
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Claude Askolovitch, au tribunal correctionnel de Paris, avant le début de son procès contre Siné
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Claude Askolovitch « prétend qu'il n'est pas responsable du bordel qui s'est passé après », mais « bien entendu, c'est lui qui a déclenché tout ça », a lancé Siné mardi.
« Jamais je n'ai traité M. Sinet d'antisémite (...) ou d'ordure, mais je maintiens qu'il a écrit un article antisémite », a déclaré pour sa part Claude Askolovitch, estimant ne pas avoir dépassé les limites de la liberté d'expression.
Alors que Siné affirme n'avoir voulu dénoncer que l'arrivisme de Jean Sarkozy, prêt à « abjurer sa religion pour du blé », son contradicteur dénonce lui « un article imprégné de préjugés antisémites » : « l'argent et les juifs, la puissance et les juifs ».
Pour ses avocats, Mes Patrick Klugman et Jean-Pierre Mignard, le journaliste n'a fait qu'user de son droit de « libre-critique d'un propos virulent publié dans un journal satyrique ».
Plus encore, pour eux, les faits dénoncés par leur client « revêtent un caractère d'intérêt général », « l'interrogation publique sur le fonctionnement interne d'un organe de presse, notamment sur son rapport à l'antisémitisme, (...) participant à la qualité du débat démocratique ».
La décision devait être mise en délibéré.
Dorothée Moisan, pour l’AFP, photos AFP/Jacques Demarthon
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