Santé, retraites complémentaires, Internet,
télévision : ils s'occupent de nous
Après l'épisode homérique du Prince Jean montant à
l'assaut de l'Epad, suivi d'un rétropédalage suffisamment astucieux pour l'introniser comme une personnalité politique vraisemblable, il est venu
à l'esprit de certains d'entre nous (appartenant probablement à cette minorité dangereuse qui rôde sur le Web) d'aller fouiller les
cyber-archives bananières de notre douce France. Il nous apparaissait judicieux
de retracer les événements récents entachés de népotisme ou de coups de piston
trop bien placés. Pour Jean Sarkozy, la conseillère générale Isabelle Balkany ne se fait pas de souci ; elle l’a suffisamment dit lorsqu’il
a annoncé sur France 2 qu’il ne briguerait pas la présidence de l’Epad. Le
Canard enchaîné, dans sa livraison du mercredi 28 octobre, non plus, qui le voit président du Conseil
au renouvellement triennal de 2011. Texte et dessin sous licence creative commons.
Disons le tout de suite, en matière de copinage, la liste s'allonge chaque jour. Et ce n'est pas une pratique si
nouvelle, hélas, qu'un Président place ses amis là où il fait bon vivre tout en
encaissant force pépètes. Nous avons donc choisi de nous concentrer sur la
famille de notre bien-aimé souverain (que ses jours soient longs et ses nuits
plaisantes !) afin de tenter de déterminer comment les intérêts bassement
matériels de la dynastie souhaitée par Pal Sarkozy risquent fort d'influer très
concrètement sur la politique de l'État lui-même.
Guillaume le conquérant... du marché des retraites
« Je suis fier d'être un patron industriel qui délocalise », s'exclamait fougueusement
l'aîné des frères Sarkozy, Guillaume, en 2002. Malgré cette admirable profession de foi, l'entreprise dont
il avait la charge depuis vingt-sept ans, les Tissages de Picardie, se crashe
en septembre 2005 dans la sueur et les larmes. Elle sera définitivement liquidée en mai 2007, mois de l’accession de Nicolas Sarkozy à
l’Elysée. Accessoirement, Guillaume perdit la vice-présidence d'un club
philanthropique bien connu, le MEDEF, qu'il détenait depuis 2000 (et dont on retrouvera trace plus loin autour d'un autre frère, « l'Américain »). Mais il en faut plus pour décourager un cœur
généreux.
Le premier septembre 2006, il succède à Régis de La Roullière en devenant le Délégué général du Groupe Médéric (ouvrir
l’onglet une équipe engagée pour voir l'organigramme). Lequel fusionne en 2008 avec le Groupe Malakoff, donnant
ainsi naissance au premier groupe paritaire de protection sociale. Autrement dit : un cartel
surpuissant, dédié à la retraite complémentaire. Or, et c'est une coïncidence
fort curieuse, on apprend dans Le Monde du 4 juin 2009 (ici en intégralité, archives payantes, note du ouaibemaître) que Nicolas
Sarkozy « souhaite que soient confiées de nouvelles responsabilités aux
organismes complémentaires. (…) La solidarité nationale continuera de remplir
sa mission, a prédit le chef de l'État. Mais à ses côtés, d’autres formes de
protection sont appelées à se développer ».
Certes, mais la solidarité nationale est bien mal en
point ces derniers temps. En ces époques de chômage endémique, le nombre
d'années de cotisations nécessaires pour prétendre à une retraite à taux plein
ne cesse magiquement d'augmenter pour frôler des sommets inexpugnables. Forçant
beaucoup de salariés à investir dans une retraite «privée». Rien à dire :
pour certains, la crise n'a que de bons côtés.
Industrie pharmaceutique et Finance internationale
Deuxième frère, François Sarkozy. Médecin pédiatre de formation, il s'est reconverti en 2001
dans le secteur pharmaceutique, branche industrielle dont chacun connaît la
transparence et l'humanisme. Il ne fait généralement pas beaucoup parler de
lui, à part un bref moment en 2007, lorsqu'il apparaît, curieusement, qu'il
fait partie du comité d'évaluation de l'Arche de Zoé. Il n'y a guère que le blog
Pharmacritique pour publier un considérable dossier, maintes fois pillé (et
c'est pourquoi nous vous renvoyons directement vers lui), sous le titre suivant
: «Plan Alzheimer et conflits d'intérêts : les Sarkozy, Sanofi, recherche
publique, franchises médicales… Les deniers publics feront les profits
privés.»
Reste Olivier, l'Américain, qui se fait d'ailleurs appeler Oliver. Demi-frère de
Nicolas (et des précédents), il a grandi aux USA après le remariage de sa mère,
seconde épouse de Pal. Diplômé d'Histoire médiévale… il entame ensuite une
carrière dans la banque d’investissement. Il devient en avril 2008 co-dirigeant de l'activité mondiale des services financiers de la
sulfureuse société Groupe Carlyle, bien connue de ceux qui ont vu le pamphlet Fahrenheit 9/11, de Michael Moore .
A cette époque, outre toutes les casseroles qu'elle traîne déjà, Carlyle souffre en France
d'un douloureux soupçon de clientélisme : en effet, en 2003, Carlyle avait
acheté à l'État français les locaux de l'Imprimerie nationale pour 85 millions
d'euros (voir les conditions de vente sur le site du Sénat). Le même État lui rachètera en 2007 lesdits bâtiments,
pour en faire le nouveau Ministère des Affaires étrangères… et ceci pour la somme de 376,5M€, soit 4,5 fois le prix de départ (après
environ 120M€ de travaux).
Olivier les bons tuyaux
« Olivier a une carrière et un réseau incroyables, qui
aideront Carlyle à capitaliser sur les bouleversements dans le secteur des
services financiers et à étendre notre présence sur cette partie importante et
croissante de l'économie mondiale », déclare le co-fondateur du groupe. On craint de comprendre le sens réel
de la formule « capitaliser sur les bouleversements ». D'autant que dans la dépêche initiale en anglais, l'expression exacte était « the
dislocation in the financial services sector ». Encore une fois, la crise, c'est
pas pour tout le monde. Que les manants se le tiennent pour dit ! Pour la
petite histoire, à Carlyle, Olivier Sarkozy a rejoint Paul Desmarais (père), l’homme le plus riche du Québec, qui connaît Nicolas
Sarkozy depuis 1995 et a été par lui élevé à la dignité de Grand-Croix de la Légion d’honneur en février 2008. Une
distinction qui, outre les présidents de la Ve République depuis Giscard, est
délivrée avec parcimonie (on y trouve entre autres Gustave Eiffel, Alexandre II
de Russie, Lech Walesa ou l’Abbé Pierre). Un petit cadeau supplémentaire après la soirée au Fouquet’s du 6 mai 2007. Le Figaro ne manque pas de rappeler les vacances de Nicolas Sarkozy dans le somptueux domaine du milliardaire
canadien, en 2004, alors qu’il était ministre du Budget.
Mais foin de mauvais esprit, bon sang ne saurait
mentir : Oliver a déjà fait tomber Numericable et le monopole sur tout le câblage en fibre optique des
Hauts-de-Seine dans l'escarcelle de Carlyle. 827 000 prises à installer dans le
département présidé par Patrick Devedjian. La Commission européenne a donné son
accord le 28 septembre 2009 à un consortium dont Numericable détient 80% des
parts, au grand dam de certains élus d’opposition qui y voyaient comme une
absence de concurrence. Et, le 5 octobre, M. Devedjian, devenu ministre de la
Relance, a dû organiser une conférence de presse pour affirmer : «La décision de la Commission crée les conditions de
la concurrence». Après tout de même seize mois d’instruction du dossier, pour
une subvention de 59M€. Ce plan (dit «THD92», THD pour « très
haut débit » et 92 pour Hauts-de-Seine) avait été décidé en 2004 ;
Nicolas Sarkozy a présidé le conseil général du 1er avril 2004 au 14
mai 2007, date de sa démission du fait de son arrivée à l’Elysée.
Numericable n’est pas à
100% à Olivier Sarkozy et ses employeurs. D’ailleurs, Numericable n’existe pas comme entité simple : son histoire est intimement liée à celle de Ypso, holding qui détient toute une série d'enseignes, dont… Numericable. Lorsque le ministre français en charge
de la Relance parle de Numericable, il parle tout d'abord d’une enseigne commerciale (également connue sous la dénomination Noos-Numericable). L’entreprise qui
fournit les « tuyaux » par où passeront l’Internet, la télévision et
le téléphone (et qui est détenue à plus d’un tiers par Carlyle) s’appelle Ypso France SAS et a pour activité le « conseil pour
les affaires et autres conseils de gestion ». Loin, très loin, de l'Internet, de la télévision à haut débit ou du téléphone par câble. Elle se trouve bien à
Champs-sur-Marne (là où sont les bureaux de Numericable) et son président est
Pierre Danon (dont l’épouse est une femme d’influence, partie du Printemps avec un beau chèque). Depuis septembre 2008, Pierre Danon est à la tête de Numericable. En avril dernier, il présentait le nouveau conglomérat Numericable-Completel comme le premier câblo-opérateur de France. Pour être complet dans le montage
financier, Ypso France SAS appartient pour 35% au fonds de pension américain
Carlyle, pour 35% au groupe britannique d’investissement Cinven, et pour le reste (30%) aux Luxembourgeois de chez Altice. Ne cherchez
pas d’« identité nationale » aux installateurs de tuyaux dans les
immeubles…
Olivier Sarkozy ne s'arrêtera sans doute pas en si
bon chemin. Comme le reste de la lignée, d'ailleurs... On se souviendra que Pal
Sarkozy a déclaré : « il faut trois générations qui réussissent pour fonder
une dynastie »… (vidéo ici, 1 min.). Bref, à l'époque où toute la France tremblait devant le
« plombier polonais », il s'avère qu'il aurait mieux valu se méfier
sérieusement... du papy hongrois.
Lohiel, Eelisa, Caro, Weatherboy, Jonas, Fabien,
dessin de Kate
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