La cérémonie était « strictement privée » et réservée aux invités personnels de Paul Desmarais, mais l’assemblée était éclatante. Lorsque, vers 18h20, le patron historique de Power Corporation a fait son apparition dans le grand salon de l’Élysée, encadré par le président de la France, Nicolas Sarkozy, et le premier ministre du Québec, Jean Charest, il y avait déjà beaucoup de dignitaires dans la salle.
D’abord et avant tout les proches : la famille Desmarais pratiquement au complet, avec les enfants, dont André, président du conseil d’administration de La Presse, et les petits-enfants, une sœur vivant à Paris, les conjoints. C’était une célébration d’abord familiale.
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Paul Desmarais, le président Nicolas Sarkozy et le premier ministre Jean Charest.
Photo Pascal Segrette, collaboration spéciale
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Mais on dénombrait aussi quelques noms illustres du monde des affaires. Au premier plan, évidemment, les deux fils de Paul Desmarais, André et Paul jr, co-chefs de la direction de Power Corporation du Canada, Bernard Arnault, PDG de LVMH et numéro un mondial des produits de luxe. Martin Bouygues, géant du bâtiment et de l’audiovisuel, Serge Dassault, grand patron de l’aéronautique, Claude Bébéar, ancien patron d’Axa et considéré comme l’éminence grise du patronat français, et bien sûr le Belge Albert Frère, l’incontournable associé de longue date de Paul Desmarais en Europe. « Lui a commencé avec la vente de clous à Charleroi, et moi avec les bus à Sudbury », plaisantait un peu plus tard M. Desmarais lors d’un dîner à l’hôtel George V.
Dans un discours improvisé et bien tassé de 10 minutes, le président Sarkozy a expliqué la raison de cette distinction suprême. « Ton nom, cher Paul, est associé au récit prodigieux d’une ascension prodigieuse et à maints égards unique au monde : comment tu es parti de ta petite ville de l’Ontario pour arriver à bâtir un empire industriel et financier. Comment, à 24 ans, tu as commencé par acheter une compagnie d’autobus en faillite, pour un dollar – et un dollar canadien en plus ! Par la suite, tu as poursuivi cette ascension avec une devise simple : le plus grand risque d’une vie c’est de n’en prendre aucun. »
Au fil du temps, Nicolas Sarkozy était devenu un proche de la famille Desmarais et un habitué de Sagard. « En fait, a-t-il raconté hier soir, si je suis aujourd’hui président de la République, je le dois en partie aux conseils, à l’amitié et à la fidélité de Paul Desmarais. »
« 1995 n’était pas une année faste pour moi (la défaite d’Édouard Balladur, que soutenait Sarkozy, ndlr). Un homme m’a invité au Québec dans sa famille. Nous marchions de longues heures en forêt et il me disait : Il faut que tu t’accroches, tu vas y arriver, il faut que nous bâtissions une stratégie pour toi. Preuve, cher Paul, que tu n’es pas Français, car il n’y avait plus un Français qui pensait ça. Nous avons passé 10 jours ensemble, au cours desquels tu m’as redonné confiance à tel point que, maintenant, je me considère comme l’un des vôtres. Et, sans vouloir inquiéter tes enfants, je peux dire que je me sens un membre de la famille – l’héritage en moins bien entendu. »
Paul Desmarais, en qui Nicolas Sarkozy a salué « le jeune chef d’entreprise de 81 ans », y est allé de quelques mots de remerciement après avoir été ceint de la large écharpe rouge et de l’insigne en or de la grand-croix. Puis il s’est attardé auprès de ses invités, debout pendant une bonne heure malgré la fatigue, avant de repartir à l’hôtel George V pour un concert privé et un dîner en grande pompe.
Il a quand même pris quelques minutes pour expliquer à La Presse comment s’étaient nouées ces relations avec Nicolas Sarkozy en 1995. « On m’a présenté cet homme politique encore tout jeune, et j’ai trouvé en lui une énergie formidable et une force de conviction telle que je me suis dit : c’est quelqu’un qui serait bien pour la France. »
Louis-Bernard Robitaille, pour La Presse du 16 février, Paris, collaboration spéciale
Dans son édition dominicale, le dernier paragraphe du Devoir, un brin perfide, précise :Paul Desmarais se retrouve en bonne compagnie: dans le passé, cette décoration prestigieuse a été accordée à Alexandre de Russie, Gustave Eiffel, Lech Walesa, l'abbé Pierre et à des présidents fraîchement élus : Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand et Nicolas Sarkozy.
A lire :
⇒ Paul Desmarais dans le Bilan du Siècle canadien
⇒ La résidence secondaire du récipendaire
⇒ Sarkozy, à l’écoute de ses réseaux
⇒ Paul Desmarais Jr plus exposé qu’Albert Frère au problème birman
⇒ La Grand-croix pour un franco-ontarien
⇒ La liste des Grands croix, selon wikipedia
⇒ Comment obtenir la Légion d’honneur ?
⇒ L’historique de l’Ordre sur le site du ministère de la Défense
⇒ Le site de la Légion d’honneur
Tout ça ressemble à un lobby privé qui noue des liens durables avec l'élite gouvernementale.
Hummm…
Est-ce que le public, qui subit continuellement les préférences des lobbys d'intérêts privés, devrait se réjouir de voir de tels rapprochements ?
Rédigé par : Claude Gélinas | 04/09/2008 à 19h47
Claude,
vous ne croyez peut-être pas si bien dire. en septembre 2008, vous commentez un sujet de février 2008.
entre temps, il y a eu ceci :
http://menilmontant.noosblog.fr/mon_weblog/2008/06/quand-la-famill.html
je ne sais si vous connaissez les découpages administratifs français, mais sur les 26 régions (dont quatre Outre-mer), il y a l'Ile-de-France (sept départements, dont Paris et… les Hauts-de-Seine). Les Hauts-de-Seine ont longuement été dirigés par M. Sarkozy et sont désormais entre les mains de ses amis (notamment M. Devedjian) Et il s'agit du département le plus riche de France, sur les cent départements que compte notre pays.
Il n'y a donc pas que des accointances entre le privé et « l'élite gouvernementale » (même si plusieurs élus des Hauts-de-Seine sont au gouvernement) mais aussi à des échelons inférieurs. Tout aussi stratégiques.
Merci pour ce premier commentaire, et bienvenue en France ! Un pays étrange, mais on s'y fait…
PS : dans le genre "décorations rares", vous avez fait ceci cet été :
http://menilmontant.noosblog.fr/mon_weblog/2008/07/charles-aznavou.html
il n'y a certes pas d'enjeux économiques, mais c'est aussi inattendu.
Rédigé par : Le ouaibemaître | 04/09/2008 à 20h08