Une « prime exceptionnelle » distribuée avec parcimonie
Sous le titre « Les ratés de la prime pour les chômeurs », Le Parisien d'hier lundi a publié dans ses pages économie un sujet relatif à la fameuse « prime exceptionnelle pour certains salariés privés d’emploi ». Il en ressort que, pour le moins, des « couacs » ont eu lieu, à tous les niveaux… La journée d'action du 7 octobre commence à prendre forme, avec six centrales syndicales, qui se sont réunies ce mardi à Paris.
Dans sa partie réservée aux abonnées, Le Parisien a publié également le témoignage de Karima, 23 ans, de Champigny (Val-de-Marne), une secrétaire médicale qui, se trouvant sans emploi le 1er juillet, fut stupéfaite de voir que Pôle emploi n’était pas au courant. Elle a été orientée vers… la Caisse d’allocations familiales, alors que seul l’organisme de recherche d’emploi est compétent pour verser en une fois, pour le compte de l’Etat, la prime à tout travailleur ayant travaillé au moins 305h et moins de quatre mois au cours des vingt-huit derniers mois.
Instaurée au 1er avril à titre provisoire (jusqu’au 31 mars 2010), cette prime, selon Les Echos qui ont repris en grande partie les informations du Parisien, n’aurait été attribuée qu’à 2162 demandeurs d’emploi sans droit à indemnités, sur les 200 000 à 250 000 escomptés, à fin juillet. « L'Elysée tablait à l'époque sur 234 000 bénéficiaires en un an », précise le journal en ligne, qui calcule : « L'Etat n'a donc pour l'instant déboursé que 1 081 000 euros, alors que… 117 millions d'euros ont été budgétés pour la mesure, prévue pour durer jusqu'au 31 mars 2010 ». Et cette « prime » exceptionnelle ne sort pas des caisses de Pôle emploi. Comme le précisait le JO en son article 3, « La prime forfaitaire est gérée par Pôle emploi, avec lequel l'Etat conclut une convention de gestion ».
Pour Laurent Wauquiez, le secrétaire d’Etat à l’Emploi, c’est « une bonne nouvelle » qui prouve l'efficacité des nouvelles règles d'indemnisation chômage… « On tablait sur 200 000 bénéficiaires sur douze mois, il est clair qu'on n'y sera pas », avait-il indiqué le mercredi 2 septembre à l’AFP en marge d’une visite au Pôle emploi international de Paris-Bastille. Ce à quoi Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, a répondu que ce n’était « pas une bonne nouvelle » « tout simplement parce que (les bénéficiaires potentiels) n'arrivent pas à l'obtenir ».
La perte d’emploi : une aide à l’embauche, selon Pôle emploi !
A la date du 4 septembre, le nombre de bénéficiaires a été de 3 283, selon cette dépêche de l’AFP. Pôle emploi reconnaît que, de début avril à fin juillet, « sur 4 503 demandes, il y a eu 2 200 bénéficiaires » et indique que 40 % des demandeurs pouvaient bénéficier d’allocations chômage, ayant totalisé quatre mois de travail, dans les nouveaux modes de calcul. Or cette prime est destinée uniquement à des demandeurs d’emploi ne rentrant pas dans un critère d’indemnisation. 3 283 bénéficiaires « au 4 septembre », voilà qui fait 1,64 M€. On reste loin des 117 M€ prévus, même au ration des mois écoulés (quelque 48 M€ auraient pu être distribués, selon les prévisions gouvernementales, avec une meilleure communication).
Le 8 septembre dans l’après-midi, sur la page d’accueil des demandeurs d’emploi, pas un mot sur cette prime exceptionnelle. Et ce alors que la visite de Laurent Wauquiez au Pôle emploi international de la Bastille remonte au 2 septembre… Il faut penser à aller sur la page d’accueil générale du site Internet, et penser à regarder dans les « dernières actualités », pour trouver, enfin, la prime, classée dans les « dernières infos », à la rubrique des aides à l’embauche pour un « public spécifique ». Appeler une « aide à l’embauche » une prime de perte d’emploi, il fallait oser… D’autant que, officiellement, ces 500 € sont ris sur le compte du Plan de Relance, il convient de le rappeler.
Il est logique, dans ce contexte, que les anciens employés de l’Assedic et de l’ANPE, qui ont déjà à apprendre un nouveau métier et à faire face à une montée du chômage, ne pensent pas à chercher dans cette rubrique. Lorsque Pôle emploi reconnaît que les quatre premiers mois ont donné lieu à 4503 demandes (dont 40 % infondées), ça reste peu : seulement 1 100 par mois sur toute la France. Une centaine par département (cinq par jour ouvré et par département). Et l’information circule si mal que les demandes non justifiées l’étaient, toujours selon Pôle emploi, du fait d’une méconnaissance des nouvelles conditions d’indemnisation, qui permettent de percevoir des allocations dès quatre mois de travail (au lieu de six) mais pour une durée inférieure à la précédente, pour les nouveaux chômeurs. Une fois de plus, des mesures ont été annoncées par le président Sarkozy (à l’issue du sommet social du 18 février pour celle-ci, dans le cadre du Plan de relance), relayées quelques jours par des pontes de l’UMP et des ministres, via les médias, puis tombées aux oubliettes, le décret n’ayant pourtant été publié que quarante jours plus tard à peine.
Comme le remarquait l’Express en juin 2008, le gouvernement sait faire sa pub. Quans cela l’arrange. Et n’hésite pas à exploser son budget communication. Quand ça l’arrange. Communication toujours : la « liste de Eric Woerth » de 3 000 noms obtenus « sans contrepartie » auprès de trois banques suisses (ou ayant des filiales en France, selon les sources) ne rapporterait que 75 M€, selon un expert cité par La Tribune. Les fraudeurs fiscaux tremblent, on n’en doute pas, vu le délai qui leur est laissé pour « régulariser » leur situation. Alors qu’un contribuable ordinaire sera illico taxé de dix pour cent s’il a une journée de retard.
Pour en revenir à la « prime exceptionnelle pour certains salariés privés d’emploi », le décret Fillon l’instaurant est presque arrivé à moitié de sa validité, cinq mois sur douze s’étant écoulés. A ce train-là, l’Etat est bien parti pour économiser une centaine de millions d’euros, voire cent-dix… Davantage que ce que pourrait rapporter le coup de com’ sur les fraudeurs fiscaux. Vendredi dernier, dans ce communiqué, la CGT dénonçait « une sorte de coquille vide » et invitait « les jeunes » (à qui elle était censée priorirairement s’adresser) « à s’exprimer haut et fort dans le cadre des actions revendicatives du 7 octobre prochain ».
La journée d'action du 7 octobre prendra la forme « d'arrêts de travail ou de manifestations », selon des modalités qui seront « arrêtées localement », a précisé ce mardi la CGT. Elle rassemblera six centrales syndicales sur huit (la CGT, la CFDT, la CFE-CGC, la FSU, Solidaires et l'Unsa). « Il n'a pas été possible d'avoir tout le monde autour de la table, la question se posera pour ceux qui n'ont pas participé », a indiqué Bernard Thibault, qui en était l’initiateur. Cette journée a été décidée ce mardi 8 septembre au cours d’une réunion à Paris.
Fabien Abitbol
è Démarrage poussif pour le RSA (France-Soir, 1er septembre)
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