Dans Le Parisien de ce lundi, Stéphane Bellami avance la piste criminelle dans le cadre de l’incendie qui a endeuillé la Cité du Labyrinthe, dans le quartier des Amandiers-Ménilmontant (20e arrondissement). Une dizaine d’analyses ont révélé la présence d’hydrocarbures, et plus précisément d’essence de voiture, précise Le Parisien. C’est au moins le cinquième incendie dans cet immeuble des années trente…
Dans la nuit du 16 au 17 avril, vers 4h du matin,l'atmosphère était pesante, l'odeur âcre, devant l'immeuble du drame (photo F.A.)
«Les spécialistes du laboratoire scientifique ont analysé à dix reprises des prélèvements effectuées au niveau de la porte de la loge du concierge, confie une source proche de l’affaire. C’est à cet endroit que le feu semble avoir démarré. La question s’était posée de savoir s’il ne pouvait pas s’agir d’alcool à brûler car des travaux de peinture avaient été réalisés récemment dans les lieux. Mais tous les tests menés se sont tous révélés [sic!] positifs à de l’essence de voiture. La thèse d’un acte criminel ne fait guère de doute.», écrit Stéphane Sellami dans Le Parisien (édition Paris).
Une thèse que certains riverains —minoritaires— évoquaient jeudi soir, aux abords des lieux du sinistre.
Les fenêtres aux contours les plus noircis, au deuxième étage, sont celles où a eu lieu le dernier incendie avant celui de la semaine passée (photo Xiane)
—————
L’incendie qui a fait cinq morts et six blessés graves est au moins le cinquième incendie dans cet immeuble des années trente. Si ma mémoire ne me fait pas défaut*, il y a eu dans l’ordre:
• un départ de feu au premier étage devant un appartement;
• le feu dans ce même appartement;
• un départ de feu chez la gardienne, par la friteuse, maîtrisé sans l’intervention des sapeurs-pompiers parisiens;
• un incendie au deuxième étage, face à l’«immeuble Casino». L’appartement avait été bien abîmé, et à la suite de l’incendie de la semaine dernière c’est, vu de l’extérieur pour les passants, celui qui paraît le plus marqué;
• le «big one», celui que l’on craint sans y croire, et qui a tué cinq personnes, quatre défenestrées, une asphyxiée, à la veille du sixième anniversaire de l’incendie du Paris-Opéra.
Selon Le Parisien, qui ne fait état “que“ —si l’on peut dire— d’un incendie avant celui de la semaine dernière, manifestement celui du deuxième étage, «les investigations sont en cours, notamment pour déterminer l’existence de récents incidents dans cet immeuble, qui pourraient orienter les enquêteurs sur la piste du ou des auteurs de ce geste criminel».
Parmi les victimes, deux jeunes élèves de Sciences-po, l’une de leurs camarades étant dans un état grave, dit, amer, un voisin… Amère aussi est désormais l’atmosphère lorsque l’on traverse la Cité du Labyrinthe, de jour comme de nuit, avec cette odeur âcre qui mettra du temps à se dissiper et les questions qui demeurent sans réponse.
Les autopsies, pratiquées en fin de semaine, n’ont rien révélé à la brigade criminelle (désormais saisie de l’enquête) qu’elle ne sache déjà. L’entrée du bâtiment est depuis jeudi interdite, tant aux habitants qu’aux ouvriers de l’imprimerie.
Le bâtiment avait récemment fait l’objet d’un ravalement (voir sur ce blogue une photo de mars 2009 prise à l’angle où se trouve l’imprimerie) et d’une visite technique de conformité. Cette visite, explique un élu, avait attribué une assez mauvaise note, mais pas assez mauvaise pour que la division idoine de la préfecture de police (PP) prenne des mesures d’obligation de travaux ou d’évacuation d’office des locaux.
La configuration des lieux a obligé les pompiers à passer par la rue Victor-Letalle, plus large (7m), pour s'approcher de la Cité du Labyrinthe (photo Pierrot)
De par sa soudaineté et son ampleur, l’incendie de la Cité du Labyrinthe a été traité par de nombreux médias. Voici une sélection des principaux sujets à retenir:
• Dans sa synthèse mise à jour jeudi soir, Le Parisien publiait une photo d’angle de l’immeuble en flammes. Le quotidien local confirmait le début de l’incendie à 2h30, par le témoignage d’un habitant du premier étage. La synthèse du Parisien se terminait par un renvoi sur ce blogue, sur le billet que j’avais publié à midi.
• Dès son édition du 15 avril, L’Humanité parlait d’un «précédent feu». L’Huma date cet incendie de «il y a de cela trois ans».
• Concernant le syndic de l’immeuble, au doux nom de Bellavita («La belle vie», en italien…), Libération a tenté de le joindre le jeudi, en vain. Dans son édition de vendredi, sous le titre Labyrinthe de flammes à Ménilmontant, Libé explique que les trente-six appartements sont majoritairement des deux-pièces et que l’immeuble comporte «quelques petits trois-pièces». Concernant les occupants de l’immeuble, le quotidien écrit «L’immeuble était habité par de nombreuses familles égyptiennes: des commerçants de fruits et légumes sur les marchés et des peintres en bâtiment. Il y avait aussi des familles turques, maghrébines et françaises, qui payaient entre 500 et 700 euros de loyer pour un deux-pièces.»
Pour sa part, France-Soir a titré vendredi sur les «questions» que pose cet incendie, évoquant de récents dysfonctionnements dans l’immeuble concernant l’eau, le gaz et l’électricité. Le site Internet de France-Soir avait évoqué la veille la configuration du quartier et la «surpopulation» dont parlait la maire d’arrondissement (lire ici). Au sujet de la «surpopulation», ilest bon de savoir que, selon les statistiques européennes de février 2011, elle touche près de 10% des ménages français. Que ce terme soit repris ainsi sans précaution est quelque peu préoccupant, Paris étant une ville où les loyers, dispendieux, poussent à la «surpopulation», les normes voulant une pièce par adulte (ou couple), une pièce par enfant de plus de douze ans, et une pièce commune.
Dans une vidéo de trente secondes, Euronews a rappelé que huit personnes ont été blessées fin mars «dans le même quartier» dans un autre incendie. Il s’agissait de l’incendie-explosion de la rue Sorbier. Dans la nuit du 25 au 26 mars. Le bar est toujours muré, le salon de coiffure de l’immeuble mitoyen avait encore, samedi, une porte en bois, et les odeurs de brûlé lorsque l’on passe devant à pied dans la rue ont mis deux semaines à se dissiper.
Sans ambages, le site News assurance titrait vendredi Les normes de sécurité de l’immeuble sont remises en question. On n’y trouvait cependant aucune allusion à la visite technique de l’immeuble, mais un intertitre laissait vendredi la porte ouverte à toutes les hypothèses («Accident, acte criminel ou responsabilité civile du propriétaire?») quand les médias traditionnels parlaient de cause acidentelle.
Pour les amateurs d’images vidéo, l’édition spéciale de France 3 Ile-de-France est à visionner ici.
Pour les amateurs de photos, il faut aller chez Les Observateurs de France 24, où l’on trouve quatre des photos de Frédéric Bouhon, alors que je n’en avais publié “que” trois sur la douzaine qu’il m’avait transmise.
Fabien Abitbol
*J’ai pour habitude, depuis mai 2000 que je siège au conseil de quartier Amandiers-Ménilmontant —comme habitant tiré au sort sur les listes électorales (une fois en 2000, une fois en 2008)— d’écouter les doléances, et de les transmettre. Pas de tenir un registre personnel, ce qui m’oblige à ne compter que sur ma mémoire…
Les commentaires récents