Depuis des dizaines d’années, les cotisations sociales payées par les salariés sans papiers remplissent les caisses sans que ceux-ci ne bénéficient, en retour, de leurs droits.
Deux milliards d’euros par an. C’est le montant minimum que rapporte à l’État, par l’intermédiaire de l’URSSAF, des ASSEDIC, des caisses de retraite, les cotisations des quelque quatre cent mille salariés sans papiers présents sur le territoire. Le calcul a été réalisé par Droit Devant !, Survie, ou encore ATTAC, qui lancent une campagne d’information de l’opinion publique (1).
« Ce vaste racket institutionnel, sur des centaines de milliers de personnes régularisées ou toujours sans papiers ou expulsées, qui a commencé à la fermeture des frontières, en 1974, est une évidence pour les militants des associations et syndicats qui travaillent avec les sans-papiers depuis des années. Mais pour lancer une campagne d’information, il fallait que l’opinion publique soit prête à entendre, explique Jean-Claude Amara, de Droit Devant ! Depuis les actions de grève pour les régularisations des salariés lancées l’an dernier, l’idée que les sans-papiers sont très souvent des salariés déclarés, qui remplissent leur déclaration d’impôts, voire paient des impôts, ne paraît plus une aberration. En réalité, la grande majorité des sans-papiers, dans la restauration, dans le bâtiment, dans le nettoyage, ne travaillent pas au noir. Cette réalité est davantage celle des employés à la personne et essentiellement des femmes. Notre calcul est basé sur quatre cents euros de cotisations par mois pour un salaire au SMIC. Mais il faut bien se dire qu’il s’agit d’une hypothèse basse, qui ne tient pas compte des heures supplémentaires (même si elles ne sont pas toujours toutes payées), ni du fait que certains peuvent cumuler deux emplois. »
Pourquoi parler de racket ? Les associations citent des exemples : expulsé après quinze ans de travail en France, ce Malien avait versé 72 000 euros de cotisations. Il n’a, bien sûr, pas eu droit aux ASSEDIC, car cette expulsion s’est aussi concrétisée par un licenciement sans préavis et sans indemnité, en le déposant sans un sou sur l’aéroport de Bamako. Quant à la prise en compte de ses quinze ans de travail dans le calcul de sa retraite, le moment venu, elle relève, pour l’instant, de la pure utopie. Autre exemple : licencié après cinq ans de travail dans une entreprise de sécurité, ce Marocain a versé 29 000 euros de cotisations mais n’a touché aucune indemnité des ASSEDIC. Aujourd’hui, il travaille au noir. Cet autre Malien sans papiers explique : « Je travaille dans le bâtiment depuis cinq ans. Je suis marié, j’ai deux enfants à charge. J’ai quarante-trois ans. J’ai payé plus de deux cents euros d’impôts, les deux années passées. En ce moment, il n’y a pas de travail. Mais je ne peux pas toucher les ASSEDIC et rien ne m’assure que, si je suis régularisé, ces années compteront pour ma retraite. En tant que salarié, j’ai versé des cotisations qui me donnent des droits, mais je ne peux pas les faire prendre en compte. »
Régularisé en juillet 2008 après huit ans de travail en France, à la suite de la troisième vague de grève, ce Sénégalais a obtenu, lui, la rétroactivité dans son contrat de travail. Ses années de clandestinité seront prises en compte pour le calcul de sa retraite. Mais il a fallu les conditions très particulières de la négociation collective avec le ministère. « Une fois de plus, c’est le Nord qui s’enrichit aux dépens du Sud », dénoncent les associations et syndicats qui réclament, donc, l’arrêt des expulsions, la régularisation des travailleurs sans papiers et la récupération des droits pour tous.
(1) Premiers signataires : SURVIE, ATTAC, SUD Travail, CADTM, MRAP, Collectif sans-papiers CGT de Cannes, Collectif sans-papiers de Montreuil, Gauche Alternative, Droit Devant !
Émilie Rive, pour l’Humanité du 9 janvier, dessin P. Gendrot
Du visa au tiroir-caisse
Le candidat au séjour en France, lors de sa demande de visa, verse 60 euros pour un court séjour ou 99 euros pour un long séjour. En cas de refus de visa, il n’est pas remboursé. Pourquoi ? La délivrance d’un titre de séjour normal coûte 300 euros, soit 25 euros de plus que l’an dernier, versés à l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations. Il en coûte 55 euros aux étudiants, stagiaires et accidentés du travail, 70 euros aux salariés et, paradoxalement, 110 euros aux jeunes entrés avant dix-huit ans pour regroupement familial. En sont heureusement exemptés les apatrides, les réfugiés, les malades, les anciens combattants, les travailleurs saisonniers ou temporaires. Les renouvellements et duplicata sont aussi payants dans les mêmes proportions. L’augmentation de cette année devrait servir à prendre en charge la formation linguistique devenue obligatoire à l’étranger. Ce sont aussi les antennes de l’agence à l’étranger qui sont chargées des visites médicales obligatoires : coût 275 euros. Enfin, « l’attestation d’accueil », réclamée à toute personne qui héberge un ressortissant non communautaire, fût-ce sa grand-mère, vaut 45 euros.
(L’Humanité)
⇒ Spécialiste de la propreté, la société Aspirotechnique, basée à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), qui nettoie de nombreux bureaux de poste parisiens, employait deux travailleurs en situation irrégulière dans un bureau de La Poste du 20e arrondissement, rue de la Chine. A la suite d’une réaction des postiers du 20e, leurs contrats de travail sont maintenus dans l’attente d’une décision administrative.
⇒ En soutien avec les travailleurs sans-papiers en grève de la société de nettoyage et propreté basée dans le 18e arrondissement, ISS, une après-midi et une soirée sont organisées ce samedi à la CIP (coordination des intermittents et précaires), avec notamment la projection de Bread an Roses (Ken Loach, 2000), un débat pour faire le point sur les différentes luttes depuis le début des grèves franciliennes, en avril 2008, et, à partir de 19h, de la musique, avec Les Smokking Fuzz (Ska & Funk). Les Aquatics (Reggae) et Upten.
CIP d’Ile-de-France : 14, quai de la Charente (19e), Métro Corentin Cariou
F. A.
Les commentaires récents