Dix-neuf associations et syndicats représentant les professionnels du monde judiciaire disent vouloir «continuer le combat», considérant que «la hausse de 4,5% du budget Justice derrière laquelle se retranche [Mme Alliot-Marie] ne saurait masquer l’indigence dans laquelle exercent les professionnels dans un ministère dont la part du budget par habitant équivaut à peine à celle de pays comme l’Arménie ou la Croatie selon les calculs du Conseil de l’Europe».
Si le dessin de KAT peut laisser penser que seul le parquet est nettoyé, selon les professionnels du monde judiciaire le dégraissage se fait partout.
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L’intersyndicale tiendra ce mercredi 10 novembre une conférence de presse à Fleury-Mérogis (Essonne) pour, par-delà le mécontentement qu’elle a exprimé à plusieurs reprises depuis le début de l’année, dénoncer les méfaits de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Une mesure qui s’applique à l’ensemble des domaines de la fonction publique, comme l’explique ici Miroir social. L'été 2009, on avait pu voir par exemple la presse relayer la parole de Brice Hortefeux, alors que, une semaine plus tôt, celui-ci avait fait marche-arrière sur… une suspension par manque de budget. Ce qui s'applique à la police ou à l'éducation doit s'appliquer aussi à la justice ou à l'armée.
A la pénitentiaire, déplore l’intersyndicale, «les établissements à taille humaine vont fermer au profit d’ “usines carcérales” éloignées des centres urbains et dont l’économie est dictée par la RGPP. Nous assistons ainsi à de véritables “délocalisations” carcérales orchestrées par l’Etat, au détriment des personnels et des personnes sous main de Justice, au nom de la seule logique de rentabilité… pour le privé. Dans ce cadre, le maintien des liens familiaux ne semble plus une priorité pour les mineurs comme pour les majeurs écroués.» Les professionnels de la justice dénoncent des annonces officialisant «un fonctionnement en sous-effectif permanent», avec «des nouveaux établissements (…) sans les personnels nécessaires. Des missions nouvelles sont imposées sans les moyens correspondants. Cette situation dégrade fortement des conditions de travail déjà médiocres et organise un service public pénitentiaire indigne».
A la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les personnels administratifs et techniques chuteraient en 2011 de 223 emplois (équivalent temps plein). «De plus, le plan de fermeture des foyers éducatifs se poursuit, ce qui entraîne un appauvrissement de la diversité des prises en charge au profit des seuls services de contention et d’enfermement», selon l’intersyndicale.
A l’Administration centrale, ce sont 120 postes qui disparaissent. Officiellement parce que le regroupement immobilier diminuerait la charge de travail… mais les syndicats y voient une sous-traitance au privé.
Dans les tribunaux, l’intersyndicale considère le recrutement de 399 fonctionnaires, («même pas un par juridiction», relève-t-elle) comme «totalement dérisoire au regard des pertes enregistrées les années précédentes à l’occasion notamment de la fermeture de près d’un tribunal d’instance sur deux».
«Alors que la refonte de la carte judiciaire complique l’accès aux tribunaux pour les justiciables plus éloignés, les services sont dans l’obligation de réduire leurs horaires d’ouverture au public pour l’édition des décisions, leur notification, les convocations», affirment les professionnels du monde judiciaire.
Quant au nombre de magistrats, il continue à baisser «puisque les recrutements envisagés ne compensent pas les départs à la retraite. La perte pour l’année 2011 est au moins de 76 magistrats alors même que la charge de travail s’accroît partout ainsi que le reconnaît le ministère de la justice en raison de l’augmentation du recours à la justice, de la politique de réponse systématique aux infractions, et des incessantes réformes».
En matière de justice administrative, l’organisation de la disparition progressive du rapporteur public inquiète les syndicats. Le projet de suppression du rapporteur public, rappellent-ils, «qui assure aujourd’hui un double regard sur chaque dossier», est examiné à l’heure actuelle au Sénat dans le cadre de la proposition de loi de simplification et amélioration de la qualité du droit. «Ce projet est d’autant plus contestable qu’il n’a vocation à s’appliquer qu’aux contentieux concernant les justiciables les plus fragiles et les plus modestes. Or, l’institution du rapporteur public constitue, par son intervention orale à l’audience, la seule occasion pour le justiciable de comprendre la décision de justice et incarne donc en tant que telle l’accessibilité des citoyens à la justice administrative», dénoncent-ils.
«Les tribunaux sont en état de quasi-faillite, ne parvenant plus à payer les experts, les enquêtes sociales, et parfois même leur facture d’électricité», apprend-on déjà dans le communiqué commun des syndicats, daté du 2 novembre, qui ne précise pas les juridictions les plus affectées.
Quant à l’aide juridictionnelle, son budget est jugé «toujours insuffisant au regard des besoins d’autant qu’il ne prend pas en compte la réforme indispensable de la garde à vue, prévoyant une présence effective de l’avocat».
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