Après la polémique créée
par le report d’incorporation à une date inconnue de la nouvelle promotion des cadets de la Police
nationale, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a décidé de faire marche arrière. Partiellement. Et, en douce,
Brice Hortefeux supprime 10 % des effectifs prévus par Michèle Alliot-Marie. Et laisse 150 à 190 jeunes en plan.
Dans ce communiqué publié hier jeudi 13 août à 10h43 sur
le site du ministère, Brice Hortefeux indique « En aucun cas la politique
de recrutement du ministère de l'intérieur en faveur des jeunes issus de la
diversité ou des quartiers défavorisés n'est remise en cause. Ainsi, le
programme des Cadets de la République est bien maintenu. » Depuis que des
jeunes de 18 à 25 ans s’étaient exprimés sur des forums internes et dans la
presse régionale, rien, pourtant, n’avait filtré. Jusqu’à ce que deux syndicats
policiers et la presse nationale en remettent une couche. Il aura donc fallu
deux semaines pour que le ministre revienne « politiquement » sur le
courrier « administratif » du 31 juillet, alors qu’il avait, selon
Alliance Police nationale, pris des engagements le 8 juillet.
Mais
il n’a reculé que partiellement. Car, trois paragraphes plus loin, le même
communiqué précise : « Après une réunion interministérielle tenue
mercredi 12 août 2009 au cabinet du Premier ministre, il a été décidé de
confirmer le recrutement de 900 cadets de la République à compter du 1er
octobre 2009. Les engagements pris vis-à-vis de ces jeunes seront tenus. »
Or, cette année, les cadets de la Police nationale, qui ont toujours été un
millier par an depuis leur création par un décret du ministre de l’Intérieur
(Nicolas Sarkozy) en décembre 2004, étaient cette année 1 090 (40 à Marseille,
50 à Paris et un millier dans les autres centres de la France). Reculer d’un mois (1er octobre au lieu de 1er septembre) la rentrée montre déjà bien qu’il
y a eu un « couac », et contredit clairement le « en aucun cas »
ministériel. Et « confirmer le recrutement de 900 cadets » signifie
en laisser près de deux-cents à la porte. Il est difficilement imaginable que
cette différence numérique ne soit que due à un problème de critères, autrement
dit que 190 prétendants aient eu plus de 25 ans entre le 1er septembre et le 1er octobre 2009, un âge trop élevé pour le statut
de « cadet ». Dans ses calculs, le ministre oubliait peut-être aussi son entretien au Figaro, publié deux heures plus tôt, où il s’engageait sur le
chiffre de 1 050. Si l’on ne peut taxer Le Figaro d’être un organe gauchiste, il
est toutefois moins officiel que le site du ministère de l’Intérieur. Et, entre
8h20 et 10h43, 150 jeunes ont ainsi perdu toute perspective de mettre un pied
dans la police au 1er octobre.
Le
désir s’accroît…
Il
y a donc bien eu une application, au moins partielle, de la Révision générale des politiques publiques
(RGPP, portail officiel ici). D’ailleurs, alors qu’il y avait 1 090 élèves reçus, le
recrutement prévu n’était que de 1 009 cadets en 2009, comme en atteste cet état du 6 janvier 2009. En descendant à 900, M. Hortefeux en
supprime encore dix pour cent. 2 383 équivalents temps plein (ETP, ou postes budgétaires) doivent disparaître
en 2009 de l’ensemble de la police nationale, l’objectif d’ici 2011 étant, pour
le ministère de l’Intérieur, d’obtenir la disparition de « 4829
postes budgétaires ». Pour les cadets de la Police nationale, une
suppression de 10 % et un report d’un mois, c’est peut-être moins grave qu’un
report total. Et, sur le forum « mobilité territoriale », le fil consacré aux cadets ne parle que de la décision ministérielle depuis hier. Discussion un peu ternie ce vendredi par l’intervention, en page 102, de «lili3410», qui est du concours de février 2008 et a
reçu sa lettre définitive le 5 septembre 2008, voici près d’un an.
« Et
le désir s’accroît quand l’effet se recule… », écrivait Corneille
(Horace). A parcourir les forums ou la presse régionale, les jeunes semblent
motivés. Et, dans ce tract, Unité Police rappelait hier jeudi : « Nous
avons 2 400 jeunes, lauréats du concours de gardiens de la paix, qui sont
toujours en attente d’incorporation ». A Alliance Police, ce tract ne tient pas compte de la réduction d’effectifs du ministre. L'ancien ministre du Travail aurait-il réussi à amadouer les syndicats de policiers ?
Les syndicats, comme la
presse, tout en rappelant les chiffres pour la plupart, ne soucient guère du
coup de communication du ministre. Comme si le verre était plein, et jamais à
moitié vide. On a eu droit à de beaux titres. Hortefeux revient sur la décision… (AFP, 12 août), Le recrutement maintenu (Le Télégramme, Morbihan, 13 août), Les cadets ne seront pas sur le carreau (TF1.lci.fr, 12 août), Les cadets (…) feront leur rentrée (La Voix du Nord, Béthune, 14 août), et même Hortefeux fait volte-face (l’Humanité, 14 août).
Mercredi soir, pourtant, cette dépêche de l’Associated Press avait titré « Hortefeux promet 900 recrutements » et rappelé dans son premier paragraphe que 1 050 recrutements étaient prévus… Si les soucis des cadets deviennent le cadet des soucis du ministère de l’Intérieur, c’est un pan de la politique dite « d’intégration sociale » ou de « mixité sociale » de Nicolas Sarkozy qui s’effondre. Et sûrement pas le plus mauvais, qu’il concerne la police ou tout autre service. Dans ce rapport remis en novembre 2004 au ministre de l’Intérieur (Nicolas Sarkozy), Azouz Begag (chercheur au CNRS et écrivain, pas encore entré au gouvernement) insistait sur la réussite du programme ”Cadets de la République”, qui devait, selon lui, conjuguer « promotion sociale et excellence républicaine ».
Fabien Abitbol
Repris
le 16 août à 23h sur Vendredi Info sous le titre Hortefeux laisse 150 jeunes en
plan…
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