France Terre d’asile (FTA) a demandé jeudi 8 septembre au Premier ministre la convocation «en urgence» d’une table ronde sur les mineurs isolés étrangers. Depuis le début du mois, le département de Seine-Saint-Denis, présidé par Claude Bartolone (PS), dénonçant «l’indifférence du gouvernement», a décidé de renvoyer «systématiquement» les mineurs devant la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)… «Cela ne peut pas durer», écrit sur son blogue, pour le moins agacé, le magistrat Jean-Pierre Rosenczveig. «On en est rendu à un point absurde aujourd’hui où chacun viole la loi», lâche-t-il.
«On évalue entre 6000 et 8000 le nombre de mineurs isolés étrangers vivant en France. Et ils seraient environ 1500 à arriver chaque année. Mais ces chiffres recouvrent des réalités très différentes. Il y a ceux qui traversent le territoire national pour rejoindre la Grande-Bretagne, comme le font souvent les Afghans; ceux qui cherchent ici une vie meilleure, veulent aller à l'école, faire des études; ceux, enfin, qui sont exploités au sein de réseaux mafieux. C'est souvent le cas des jeunes Roms, pourtant "accompagnés" à leur arrivée», disait en mai 2010 la sénatrice UMP des Hauts-de-Seine Isabelle Debré. «Je voudrais que le regard change sur ces mineurs isolés. Contrairement à certaines idées reçues, leur taux de délinquance est très faible.»
Mme Debré venait de rendre le rapport sur les mineurs étrangers isolés en France (MEI) pour lequel la Garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie l’avait mandatée (La Documentation française, 160p. à télécharger librement ici). En page 30 de son rapport, Mme Debré reconnaissait que la méthode de Greulich et Pyle (méthode des tests osseux, controversée, pour décider de l’âge d’un jeune se disant mineur), si elle est «précise» jusqu’à quinze ans, « se révèle plus complexe au-delà et particulièrement délicate dans les six mois qui encadrent le passage à la majorité. Dans 10% des cas, il est impossible de déterminer si la personne est mineure ou majeure».
Pour le juge Rosenczveig, «un tiers environ des personnes qui se prétendent mineures pour bénéficier de la règle de la non-expulsabilité ne le sont pas» et possèdent «parfois des papiers plus vrais que les vrais, dont l'encre sent bon l'imprimerie parisienne».
Car le gros des mineurs isolés est concentré dans quelques départements: Paris et la Seine-Saint-Denis pour l’Ile-de-France, Mayotte et la Guyane pour l’Outre-mer français, et quelques zones spécifiques comme les Bouches-du-Rhône, entrée de la Méditerranée, ou le Pas-de-Calais, porte vers la Grande-Bretagne.
«L’État est aux abonnés absents sur ce dossier», dénonçait jeudi FTA, disant que rien de significatif n’avait été entrepris depuis la mise en place du dispositif Versini en 2004. Et France Terre d’Asile de préciser: «Là où le département de Paris (avec lequel nous venons d’ouvrir de nouveaux dispositifs) verse annuellement 70 millions d’euros pour la prise en charge des mineurs isolés étrangers, l’État verse 2 millions; là où le département de Seine-Saint-Denis verse 35 millions, l’État ne verse rien…», rappelant «que l’arrivée de mineurs isolés étrangers sur le territoire français est d’ampleur limitée et n’a pas connu d’accroissement considérable ces dernières années».
La situation est tout bonnement «intenable» pour le juge Rosenczveig:
«Un président de conseil général qui refuse d’exercer les mandats donnés par les magistrats –procureur et juge des enfants– dans le champ de la protection de l’enfance alors qu’il s‘est vu rappeler en 2007, à sa demande, qu’il est le chef de file de la protection de l’enfance.
«Un ministre de la justice qui demande à son administration de ne plus répondre aux mandats donnés par ses propres magistrats sachant qu’il s’est vu qualifier en 2011 de chef de file sur le dispositif de réponse aux mineurs étrangers isolés. Le chef de file refuse de mettre la main à la pâte, et tout simplement d'apporter des informations utiles aux magistrats pour protéger des enfants tenus pour être en danger pour des enfants!
«Si on pousse à l’extrême, dans l’hypothèse –ce que personne ne souhaite affirmons le très fort– un drame surviendrait –une jeune fille violentée, des gamins retrouvés dans les ateliers clandestins ou dans un squat vivant des choses délicates– le parquet aurait le choix entre faire mettre en garde à vue le président du conseil général ou le directeur territorial de la PJJ pour mise en danger d’un enfant! Le "20 h" assuré!».
Fabien Abitbol
A lire:
Rapport sur les mineurs étrangers isolés, par Isabelle Debré, Sénat-Documentation française, mai 2010
Un millier de mineurs étrangers et seuls dans le 93, in La Gazette des communes, juillet 2011
Communiqué du Conseil général de Seine-Saint-Denis du 01/09/11
Les mineurs étrangers rendent fou, par Jean-Pierre Rosenczweig, 4 septembre 2011
Communiqué de France Terre d’Asile du 08/09/11
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