Au lendemain d’un premier tour de scrutin jugé «préoccupant» par la chancelière allemande, Nicolas Sarkozy, arrivé deuxième, a commencé à draguer l’électorat du Front national, lançant un «je vous ai entendus» au sortir de son QG de campagne.
La tête sous l'eau, le président sortant cherche par tout moyen à émerger (photo: FA)
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«Si on répète tous les jours qu'on doit changer Schengen, qu'on doit avoir une politique d'immigration forte, qu'on doit parler de l'exception française, et tout cela, c'est de l'eau au moulin du FN», a commenté Jean Asselborn, chef de la diplomatie luxembourgeoise, à l’occasion d’une réunion des ministres européens des Affaires étrangères.
Le président sortant annonce ainsi son intention d’organiser le 1er mai «la fête du vrai travail, de ceux qui travaillent dur, qui sont exposés, qui souffrent et qui ne veulent plus que quand on ne travaille pas on puisse gagner plus que quand on travaille». Et nous voilà repartis comme en 2007 avec “La France qui se lève tôt”, et la désignation du doigt des soi disants “profiteurs du système”. Reuters relève que «Sarkozy cajole l’électorat du FN» et fait «un clin d'oeil au Front national, qui défile également tous les ans le 1er mai dans la capitale».
Dimanche 22 avril, Marine Le Pen, arrivée en troisième position, a obtenu 6,4 millions des suffrages exprimés. En 2002, son père Jean-Marie Le Pen était arrivé second avec 4,8 millions, et Bruno Mégret en avait obtenu 667000. L’année 2007 avait été moins faste pour l’extrême droite française avec 3,8 millions de suffrages exprimés pour le dernier combat de Jean-Marie Le Pen, qui allait passer le flambeau à sa fille en janvier 2011.
C’est grâce à certains des discours du gouvernement et du président que la candidate du Front national a pu monter au-delà de ce que les sondeurs annonçaient, relève la Frankfurter Rundschau dans son analyse (à lire ici, en allemand). Marine Le Pen «peut remercier son concurrent Nicolas Sarkozy», écrit le tabloïd, rappelant la chasse aux Roms, les policiers roumains venus à Paris, les attaques contre la communauté musulmane de France, ou la traque aux immigrés des pays de l’Est. Ainsi, les électeurs, reconnaissant la «contrefaçon», ont-ils préféré «l’original».
Les résultats obtenus par la candidate du Front national, 17,90% au plan national avec une participation de près de 80%, sont assez disparates. Dans le Gard, par exemple, avec 25,51% des suffrages exprimés, elle passe devant Nicolas Sarkozy de près de trois mille voix et devant François Hollande de près de six mille voix (425000 votants, 513000 inscrits). A Marignane (Bouches-du-Rhône), elle gagne haut la main, avec près de 35% des suffrages exprimés, contre 25,44% pour le président sortant et moins de 21% pour le candidat soutenu par le parti socialiste.
A l’inverse, la candidate du FN obtient une moyenne basse à Paris avec 6,2% des suffrages (un million d’inscrits, 992000 suffrages exprimés), mais 6,7% dans le 20e arrondissement où la gauche totalise 65% (et où son père fut élu en 1983) et 4,7% dans le 6e arrondissement tant critiqué par Nicolas Sarkozy, mais où il obtient l’un de ses meilleurs scores (44,66%).
Chez les Français de l’étranger (un million d’inscrits, 407800 votants), elle totalise péniblement 6% des voix, mais Nicolas Sarkozy réalise 38%, se classant largement en tête.
Marine Le Pen est devenue la personne incontournable pour un président sortant qui, sous la Ve République, a réussi un exploit: ne pas finir en tête à l’issue du premier tour. Pas certain pour autant que ses électeurs, comme un seul homme, aillent voter pour Nicolas Sarkozy au second tour, lui qui les aura déçus à la fois sur l’immigration et sur la fameuse “valeur-travail”.
Fabien Abitbol, photo: fresque sur un mur du 20e arrondissement, dans le Haut-Ménilmontant, dimanche 22 avril
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