«Dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale, priorité du Président de la République et du Gouvernement», comme l’indique ce communiqué diffusé sur le site du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, Xavier Bertrand s’est rendu ce mercredi 21 mars à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, pour présenter le Répertoire National Commun de la Protection Sociale (RNCPS), pourtant déjà en service…
La genèse de ce gigantesque fichier remonte à un amendement déposé le 26 octobre 2006 dans la loi de financement de la Sécurité sociale, dans le but notamment de «renforcer la qualité du service rendu à l’assuré». Ce «répertoire» a réellement vu le jour au JO du 22 décembre 2006 et fut techniquement mis en place en 2008. Plusieurs fois retouché, il se trouve sans sa version actuelle (21 décembre 2011) ici.
Mais là où Xavier Bertrand voit la “fraude”, l’article R114-25 du Code de la Sécurité sociale (à lire ici) prévoyait en premier lieu… la simplification des démarches des bénéficiaires. La fraude ne venait qu’en fin de deuxième paragraphe, après la «détection de droits et prestations manquants».
En clair, ce fichier est dans un premier temps fait pour rendre service aux usagers et aux employés des organismes, et dans un deuxième temps pour détecter des fraudes isolées. C'est du moins ainsi que le législateur l'a conçu.
Ce mercredi, devant la presse, le ministre, agitant une fois de plus le chiffon rouge de la fraude, dont un état statistique a été dressé la semaine dernière, a aussi annoncé sa volonté que des requêtes collectives signalant toutes les anomalies pour une prestation donnée allaient pouvoir être effectuées par les agents des 90 à 100 organismes ayant accès au fichier, puisque seules peuvent être faites des recherches individuelles.
Problème: dans sa délibération du 30 avril 2009, la CNIL avait pris acte «que la consultation du RNCPS ne constitue qu’une aide venant en complément de l’examen de la situation effectuée au cas par cas par un agent». Tout le contraire du discours du ministre…
En 2009, le RNCPS (et le ministre du Budget de l’époque Eric Woerth) ont obtenu le Prix Orwell.
Passer l’obstacle de la CNIL avant les élections sera matériellement impossible, mais en attendant les médias auront écouté le ministre, même si l’actualité est davantage tournée sur Toulouse.
Nous sommes tous dans ce fichier, ne serait-ce que pour avoir vu un médecin ou consommé des médicaments…
F. A.
A lire: Un point sur l'historique du fichier, avec notamment l'engagement de Xavier Bertrand de consulter la CNIL (août 2011)
Mise à jour du 22 mars à 16heures: Le ministre a précisé qu'il allait envoyer «d'ici quinze jours» une «instruction» à toutes les caisses de la sécurité sociale avec la ministre du Budget Valérie Pécresse pour mettre en place de «nouvelles modalités de lutte contre la fraude», indique une dépêche SFR-économie.
Reprise sur la revue de Web France de Mediapart le 23 mars
à propos des prix Orwell, je signale le prix spécial 2010. Il ne faut pas trop compter sur la CNIL !
Catégorie: Mention spéciale
Distingue épisodiquement un candidat qui n’a pas obtenu le prix dans sa catégorie mais que le jury tient tout de même à récompenser
GAGNANT 2010 Mention spéciale Alex Türk, président de la CNIL
[Prix Spécial du Jury 2000-2010.] Pour tromperie et dissimulation. Alex Türk endosse les habits du défenseur tout terrain de la vie privée et des libertés alors qu’il en est parfois le fossoyeur et souvent le facilitateur.
Rédigé par : Caro | 22/03/2012 à 00h44