Une plainte contre X… avait été déposée l’été dernier par Renault pour « espionnage industriel » (des affaires parfois confiées à la DST). Alors que, la semaine dernière, un employé de l’ancienne Régie était mis en examen, une perquisition a eu lieu mardi dans les locaux du magazine spécialisé Auto Plus, et un journaliste a été interpellé au petit matin à son domicile. Une situation que certains ont jugée sans précédent, mais sur laquelle j’ai décidé, malgré quelques courriels, de ne pas me précipiter. Il y a déjà eu un précédent, en 1955, à L’Auto Journal (qui s’est fendu d’un communiqué) et - plus récemment – notre voisin présentement détenu en Côte d’Ivoire Jean-Paul Ney a été condamné à une peine de prison ferme non seulement pour un délit de presse… mais aussi pour violation de secret industriel. Il avait (peu avant le passage à l’euro) dévoilé cette formule secrète avec Serge Humpich. Ce que la mémoire vive de Reporters sans frontières s’est bien gardée de rappeler. C’est donc dans l’attente de voir ce qu’allaient faire la justice que j’ai « suivi » l’affaire sans rien publier. Et vous trouverez ci-dessous une dépêche AFP d’hier, avec des liens explicatifs (certains sont particulièrement… enrichissants), et des annotations de bas de page.
F. A.
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Le journaliste d'Auto Plus poursuivi dans le cadre de l'information pour espionnage industriel sur plainte de Renault a été mis en examen jeudi notamment pour « recel d'abus de confiance » et « révélation du secret de fabrique » et placé sous contrôle judiciaire. Déféré dans la matinée devant un juge du tribunal de Versailles à l'issue de 48 heures de garde à vue, Bruno Thomas, 45 ans, a été laissé en liberté et placé sous contrôle judiciaire.
Il a été mis en examen pour cinq chefs : « recel d'abus de confiance », « contrefaçon par édition ou reproduction d'écrit de dessin ou toute autre production au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété de son auteur et recel », « contrefaçon par diffusion d'œuvre de l'esprit au mépris des droits d'auteurs et recel », « acquiescement aux sollicitations de corruption et complicité de ce chef » et « révélation du secret de fabrique et recel ».
Il risque un maximum de cinq ans de prison.
L'information judiciaire avait été ouverte à la demande de Renault le 24 août 2007 après le dépôt d'une plainte contre X en juillet 2007 pour « espionnage industriel ».
Elle avait été provoquée par la publication dans l'hebdomadaire d'informations et de photos inédites de la prochaine Mégane, modèle de milieu de gamme très important pour le constructeur français, ne devant être commercialisé que trois ans plus tard.
Dans l'affaire, un salarié de Renault, soupçonné d'avoir divulgué les informations confidentielles, a été mis en examen vendredi et placé sous contrôle judiciaire.
Des sources judiciaires, qui n'ont pas révélé les motifs précis de la poursuite du salarié de Renault, ont précisé qu'il travaillait au Technocentre de Guyancourt (Yvelines).
Aucune information n'a pu être obtenue sur ses fonctions chez Renault. Le constructeur a déclaré que la mise en examen faisait suite à « une enquête interne ».
Selon le directeur de la rédaction d'Auto Plus, Laurent Chiapello, joint par l'AFP, Bruno Thomas était jeudi « très fatigué, à la suite de plusieurs heures d'interrogatoires, y compris la nuit ».
« Toute cette affaire nous paraît complètement démesurée, déconnectée de la réalité du métier de journaliste », a-t-il ajouté. « Il n'a fait que son travail, c'est-à-dire trouver des informations inédites pour mieux informer le lecteur », a-t-il dit.
Le magazine n'arrêtera « sûrement pas » de publier de telles informations, a-t-il aussi affirmé sur Europe 1.
Dans un communiqué le président de l'Association française de la presse automobile, Denis Astagneau, a déclaré : « qu'on aille fouiller les tiroirs, les disques durs et les poubelles de ce journal et que l'on prive un journaliste de liberté pour lui faire avouer ses sources d'information, cela tient de l'inquisition ».
« Il y a plus de 50 ans, la même mésaventure était survenue à l'Auto Journal, auquel la direction de Citroën reprochait de s'être procuré les plans de la DS 19. Cet épisode a davantage profité à la notoriété du journal qu'aux dirigeants automobiles et à la justice », a-t-il souligné. « On croyait ces mœurs judiciaires révolues », a-t-il ajouté.
Mardi, la rédaction d'Auto Plus à Paris avait été perquisitionnée dans le cadre du dossier et des photos et copies de disques durs saisies.
La ministre de la Justice Rachida Dati s'est dite jeudi « très attachée à la liberté d'expression » et « de la presse en particulier ». Elle a rappelé que son projet de loi sur la protection des sources des journalistes comportait des « avancées majeures ». Voté le 15 mai à l'Assemblée nationale, le document viendra en discussion au Sénat à l'automne.
AFP, via Le Matin, photo Philippe Verdy/AFP
⇒ le communiqué du journal spécialisé
⇒ Mondadori soutient le journaliste
⇒ Reporters sans frontières dénonce la mise en examen du journaliste d’Auto Plus, sans évoquer le précédent de notre voisin et confrère Jean-Paul Ney qui, pour avoir travaillé sur les Yes cards (cartes bancaires pirates) en même temps que Serge Humpich, a effectué de la prison en France. Il est présentement détenu à la MACA (maison d’arrêt centrale d’Abidjan), et ne semble pas bénéficier du préfacier de son dernier ouvrage.
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