S’exprimant devant un parterre de préfets, le Premier ministre François Fillon est revenu lundi sur la condamnation à de la prison ferme de sept policiers d’Aulnay-sous-Bois. Pour lui, «l’honneur de la police exige un comportement exemplaire». Il rejoint en ce sens partiellement les magistrats du Syndicat de la magistrature (SM, traditionnellement classé “à gauche”) qui, par ce communiqué, estimaient dimanche «qu’au fondement de toute société se trouve un principe de confiance envers les actes effectués par la police, confiance sans laquelle il ne peut exister ni justice, ni République».
C’est Place Beauvau, au ministère de l’Intérieur, que François Fillon s’adressait aux préfets (cliquer ici pour le résumé, ou là pour l’intégralité de son discours).
Après un laïus sur le froid et l’hébergement d’urgence, rappelant une circulaire envoyée le 6 décembre aux préfets, et un autre sur les différentes réformes en cours et à poursuivre (fiscalité locale, collectivités, crise, chômage,…), le Premier ministre allait prendre le contre-pied des déclarations réitérées dimanche de Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur. Sur iTélé, ce dernier avait confirmé, revendiqué et assumé ses propos estimant «disproportionnée» la condamnation des sept policiers d’Aulnay-sous-Bois par le Tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny, vendredi dernier.
«Vous le savez, 7 policiers ont été condamnés pour des faits injustifiables», a déclaré François Fillon, estimant que «l’honneur de la police exige un comportement exemplaire». Et le Premier ministre de poursuivre:
«La sanction a paru trop sévère à leurs collègues quelques semaines après les déclarations très malheureuses prêtées à un substitut.
Elle est également jugée trop sévère par le parquet qui a fait appel. Passé l'émotion, je ne puis admettre que magistrats et policiers donnent le sentiment de se dresser les uns contre les autres.
Qui profite de cet affaiblissement de l'Etat ? Certainement pas les magistrats, certainement pas les policiers et encore moins les citoyens; les seuls bénéficiaires sont les criminels et les délinquants!
J'appelle chacun à la raison, à la modération et au sens des responsabilités. Le respect dû à la Justice est un des fondements de l’Etat, la Justice ayant elle même le devoir d’assurer la cohérence de la chaîne pénale tout entière.
Le travail des policiers et des gendarmes doit être suivi de jugements, et les peines prononcées doivent être exécutées et prévenir la récidive».
Le 8 décembre, à deux jours du jugement prononcé par le TGI de Bobigny, s’exprimant sur la chaîne parlementaire, Brice Hortefeux s’était montré favorable au rétablissement de la prison ferme réelle pour les condamnés à des peines de moins de deux ans. Pour le ministre de l’Intérieur, il faudrait «revenir à un système où quand quelqu’un est condamné pour un acte de délinquance, il effectue réellement une peine de prison». Pour rappel, à l'été 2009, plus de 82000 peines de prison ferme étaient non effectuées, alors que les peines de deux ans peuvent faire l'objet d'une alternative. S'il passait dans la Loppsi II, le souhait de Brice Hortefeux ne ferait qu'aggraver la situation sur le principe. Par ailleurs, on imagine mal la réaction du ministre dans le cas où la peine infligée à “ses” hommes serait confirmée en appel, après cette déclaration.
Les sept policiers d’Aulnay-sous-Bois étaient poursuivis sur citation directe du parquet (c'est-à-dire sans qu’il n’y ait eu enquête menée par un juge d’instruction censé être indépendant), ce qui leur avait permis d’ éviter la cour d’assises. L’Article 441-4 du code pénal (à lire ici) prévoit en effet quinze ans de réclusion criminelle lorsque le faux (ou l’usage) est commis par «une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public agissant dans l'exercice de ses fonctions ou de sa mission». En correctionnelle, le faux procès-verbal ne valait (au maximum) «que» dix ans de prison. Les peines, rappelons-le, sont de six à douze mois.
Les sept policiers étaient aussi jugés pour «dénonciation calomnieuse». Enfin, trois d'entre-eux étaient également poursuivis pour «violence aggravée», l’automobiliste qu’ils accusaient (à tort) d’avoir renversé leur collègue ayant été blessé au cours de la garde à vue.
Les faits sont donc beaucoup plus graves qu’un simple «mensonge» comme certains titres de presse pourraient le laisser croire. Il s’agit d’une dérive de quelques policiers qui ne peut que jeter le discrédit sur l’ensemble de la police tant qu’elle est minimisée par certains hommes politiques, et surtout des membres du gouvernement. Ainsi, lorsque M. Fillon parle de «l’honneur de la police», il remet —hélas un peu tard— les choses à leur place.
Dans un communiqué cité par l’AFP, le premier président de la cour d'appel de Paris Jacques Degrandi «considère que certains commentaires sur le jugement des faits reprochés à des agents de police devant le tribunal de grande instance de Bobigny sont de nature à troubler la sérénité des débats qui auront lieu en cause d'appel».
Durant tout le week-end, la condamnation des sept policiers d’Aulnay-sous-Bois aura occupé l’espace médiatique, occultant d’un coup les ratés de la neige, masquant un peu les réunions du Parti socialiste et du Modem. Il n’y a qu’à espérer que, à la veille d’une nouvelle arrivée de perturbations météo, la parole de François Fillon soit entendue dans les ministères, dans les commissariats et dans les syndicats de police, qui ont un peu trop hâtivement brandi le chiffon rouge en utilisant par surcroît le matériel administratif pour se rentre à la manifestation devant le tribunal de Bobigny exprimer leur colère.
Fabien Abitbol, photo : Service d’information du gouvernement
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