Après l’incendie de Pantin mercredi matin, qui a fait six victimes (quatre Tunisiens, deux Egyptiens), un rassemblement est prévu ce soir devant le squat incendié. Ce logement de fortune était situé dans un immeuble désaffecté voué à la démolition qui avait comme voisin un atelier Hermès, installé là depuis juin 2010. Deux des victimes tunisiennes étaient, dans leur errance, passées par la rue Botzaris…
Pour le ministre de l’Intérieur, cité par Reuters, c’est «une réalité tragique, dramatique, de l'immigration clandestine, laquelle s'organise autour de filières qui sont véritablement des filières criminelles». Mais des associations lui rétorquent qu’il s’agit plutôt du manque de solidarité.
L'immeuble de la rue Botzaris, dans le 19e arrondissement de Paris, a fait l'objet de toutes les convoitises (Archives F. A. 6 juillet 2011)
Et le MRAP, mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, rappelle que le président Sarkozy avait déclaré au sujet des “révolutions arabes” lors du remaniement ministériel qui avait fait partir Michèle Alliot-Marie, «Si toutes les bonnes volontés ne s'unissent pas pour les faire réussir, ils peuvent aussi bien sombrer dans la violence et déboucher sur des dictatures pires encore que les précédentes». Car, aux yeux du MRAP, «notre pays porte une grande responsabilité» face au «drame humain» survenu à Pantin mercredi matin.
«Il est urgent pour la France et l’ensemble des pays membres de l’Union Européenne d’unir leurs forces et d’accomplir leur devoir fondamental d’ouverture et d’accueil, et non pas de susciter, parmi les citoyens français et Européens, la peur d’une invasion de réfugiés du Sud Méditerranéen sur les rivages du Nord», estime le MRAP, rejoignant en cela les mots écrits… en mai par l’archevêque de Tunis sur «l’inhospitalité incompréhensible des Européens».
Hier jeudi, la municipalité de Pantin et le consulat de Tunisie ont reçu en mairie des rescapés et les familles endeuillées. Le consul a proposé de leur fournir au plus vite un passeport, ce que d’aucuns considèrent comme un cadeau empoisonné.
«Le consul leur a conseillé de se rendre en préfecture avec ce passeport pour faire une demande de titre de séjour. Mais comme ils sont tous clandestins, ils risquent de se faire arrêter en y allant», s’inquiète une militante de Lutte ouvrière citée par Le Parisien.
La mairie a pour sa part décidé d’héberger les sinistrés jusqu’à lundi, et de leur octroyer une aide financière exceptionnelle de cent euros. «Nous leur avons assuré le suivi social, humanitaire et sanitaire qui relève de la collectivité. Il appartient désormais à l’Etat de traiter de ce qui relève de ses compétences, et notamment de la question de la régularisation», explique Philippe Bon, le directeur de cabinet du maire, Bertrand Kern (PS).
Mais pour le représentant de l’Etat Christian Lambert, «Ces jeunes sont des clandestins. La régularisation se fera dans le cadre des lois de la République». A sept mois de l’élection présidentielle française, le préfet Lambert tient un discours de fermeté, loin des promesses de soutien du président Sarkozy… d’il y a à peine sept mois.
Les errances des Tunisiens à Paris ont démarré après que, en avril, les arrestations se sont multipliées. La France refusait de reconnaître les titres de circulation et de séjour dans l’Espace Schengen délivrés par l’Italie, craignant une invasion massive de réfugiés, qui n’eut jamais lieu. Nous étions alors —ironie du sort, puisque l’incendie de Pantin touche des anciens de La Villette— quelques jours après l’incendie de Ménilmontant (cinq morts dont quatre étudiantes, incendie le plus meurtrier survenu à Paris depuis 2005).
Puis quelques occupations de bâtiments ont eu lieu. A l’avenue Simon-Bolivar suivie d’une évacuation musclée. Puis à la Fontaine-au-Roi, où le gymnase allait être vidé durant l’été. Et presque parallèlement au bâtiment très symbolique de la rue Botzaris, occupé le 31 mai et évacué pour la deuxième fois le 16 juin.
Hier, dans L’Humanité (à lire ici), Marie Barbier n’a pas manqué de rappeler que «plusieurs centaines de Tunisiens, arrivés au printemps après la révolution dans leur pays, se retrouvent contraints de dormir dans les parcs et les jardins de la capitale» et de décrire ce parcours dans l’Est et le Nord-Est de Paris.
Sur les six victimes de Pantin, deux ressortissants égyptiens et quatre jeunes tunisiens. Deux d’entre eux avaient transité par la rue Botzaris, chacun y ayant également un cousin. Tous deux étaient de Tataouine (sud-est de la Tunisie), haut lieu touristique quand les touristes fréquentaient encore massivement le pays.
Un rassemblement est prévu à 18 heures ce vendredi 30 septembre devant le squat incendié, passage Hoche (Pantin), métro Hoche (ligne 5), à l’appel de diverses organisations.
Fabien Abitbol, photo: L'immeuble de la rue Botzaris, dans le 19e arrondissement de Paris, a fait l'objet de toutes les convoitises (Arch. F. A. 6 juillet 2011)
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