Quinze Tunisiens volontaires pour un retour «humanitaire» au titre de l’Offi et avec l’aide votée voici deux semaines par la Ville de Paris quitteront la France en début de semaine pour Tunis. Les autres, plusieurs centaines arrivés ces derniers mois dans la Capitale, attendent encore d’être fixés sur leur sort, dont certains ne survivent qu’avec l’aide d’une poignée de bénévoles.
Alors que l’on s’achemine, selon le responsable de la mission SDF à la Ville de Paris cité par MyEurop, vers une catastrophe humanitaire qui «nous pend au nez», deux médias, et non des moindres (outre MyEurop et L’Humanité à retrouver ici) ont parlé ces derniers jours de la situation des migrants tunisiens du Nord-Est parisien: Témoignage Chrétien pour l’écrit, et plusieurs antennes de Radio France pour l’audiovisuel.
Mardi, un soir de maraude Emmaüs, une journaliste de Radio France est venue à la rencontre des Tunisiens de Botzaris
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Dans le numéro de Témoignage Chrétien de la mi-juillet, outre l’entretien avec la sociologue Maryse Bresson sur l’hébergement des sans-abri et l’aide alimentaire, Sophie Lebrun, depuis mai assistante du rédacteur en chef (une ancienne de Paris Notre-Dame) a consacré un sujet aux Tunisiens de Botzaris, à lire ici, qui a été mis en ligne le 21 juillet (sommaire à retrouver ici).
Dans le même temps, une autre jeune journaliste, Gaële Joly, du groupe public Radio France (Le Mouv, en l’occurrence, qui vise un public a priori jeune), venait mardi 19 juillet au soir sur le terrain, où une petite trentaine de migrants se trouvent dans ou aux abords des Buttes-Chaumont depuis qu’ils ont été délogés le 16 juin de l’immeuble tunisien du 36, rue Botzaris et de son aile plus politique du 42, rue du Plateau.
Le choix dans la date n’était pas anodin: les mardis, jeudis et dimanches passent sur le coup de 23heures-minuit les maraudes de Emmaüs France. Ainsi, la journaliste de Radio France a pu discuter avec des migrants, avec un responsable de l’association Action tunisienne (la seule association présente au quotidien), et avec les quelques soutiens se trouvant sur place à se moment-là. Puis embarquer avec Emmaüs en direction de La Villette pour y apprendre que, là-bas, «c’est le XIXe siècle» car les Tunisiens qui (sur)vivent en marge —eux aussi— du dispositif de la Ville de Paris n’ont pas la chance, eux, d’être encadrés au quotidien dans leurs démarches, dans leur galère, plus complexe que ceux qui sont dans le «dispositif Ville»…
Le reportage de Gaële Joly, qui a été diffusé le 21 juillet dans le cadre d’une matinale consacrée aux révolutions arabes, est à écouter ici (durée 3 min.34). Il a été rediffusé aussi le lendemain, sur France Info et sur France Culture, lui assurant ainsi une plus large audience chez les auditeurs du service public.
Quand le 36, rue Botzaris a été «annexé» par l'Ambassade de Tunisie, les Tunisiens qui l'occupaient se sont retrouvés jetés à la rue, dans Paris
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Car les bénévoles qui se relaient auprès des Tunisiens «de Botzaris» encore plus depuis le 16 juin sont chacun là pour diverses raisons mais tous animés d’un seul but —ne pas les laisser abandonnés à leur sort— et d’une seule indignation, la différence de traitement faite par la Ville de Paris entre deux catégories de migrants tunisiens, comme décrite lors de la présentation de la proposition de résolution. Dans son explication de vote l'unique conseiller MoDem de Paris Jean-François Martins avait dénoncé ce travers.
Après le vote, la Ville avait précisé que l’aide au retour et à l’insertion se cumulait avec l’aide «humanitaire» de l’Offi. Ce samedi, Mediapart rappelle, sous le titre À Paris, la nasse se referme sur les Tunisiens de Lampedusa, que «des arguments similaires à ceux de la droite» sont utilisés par la Ville de Paris. Ainsi, «de crainte d'un supposé “appel d'air”, la mesure est réservée aux personnes hébergées par France Terre d’Asile ou Aurore, plutôt que d'être ouverte à tous. Autrement dit, ceux qui dorment dans les parcs n'ont vraiment droit à rien», écrit Carine Fouteau.
Sauf que… hier vendredi 22 juillet, dans le “dispositif Ville” de retour en Tunisie, seuls quinze dossiers étaient présentés à l’Offi. C’est bien peu, pour un «supposé “appel d’air”». Et que, sur ces quinze, au moins un n’était pas celui d’un hébergé par l’une des associations missionnées par la Ville. Ce qui n’a posé aucun problème pour le valider. Le jeune homme, rencontré par le blogue en fin d’après-midi à son retour de l’Offi, était content de pouvoir rentrer en Tunisie dès la semaine prochaine, après un périple en Europe (pas uniquement dans l’Europe de Schengen) de cinq mois et demi…
En corollaire se pose la question de l’hébergement d’urgence, puisque, dans le cas précis des Tunisiens (sans compter les Afghans et autres Roumains qui errent du côté de La Villette notamment), la Ville reconnaît n’en avoir pris en charge que tout au plus 330 sur un total qu’elle estime entre 600 et 900. Ce type d’hébergement, qui a poussé le docteur Emmanuelli à la démission et fait proposer des solutions abracadabrantesques au secrétaire d’Etat Apparu, met hors de lui le président du Conseil général de Seine-Saint-Denis Claude Bartolone.
Dans un entretien ce samedi 23 juillet dans Libération («On demande aux pauvres d’accueillir plus pauvres qu’eux»), il met l’accent sur l’abandon par l’Etat des mineurs isolés. «On compte près de 6.000 mineurs isolés étrangers en France. Ils se concentrent dans six départements: Paris, Mayotte, Guyane, Nord, Pas-de-Calais et Seine-Saint-Denis», explique Claude Bartolone, ajoutant: «Chez nous, ils arrivent par voie terrestre, mais aussi par l'aéroport de Roissy. Leur nombre, et donc le coût de la prise en charge augmentent tous les ans». Ainsi, la Seine-Saint-Denis aurait dépensé en 2010 «35 millions d'euros pour accueillir 943 jeunes», soit 20% du budget départemental consacré à l'enfance. Avec une prévision de mille jeunes à accueillir en 2011, le président du Conseil général annonce que «si cette tendance se poursuit, le coût global de leur prise en charge pourrait atteindre 42 millions d'euros cette année, contre 14 millions en 2007».
C’est dans ce contexte socialement tendu sur l’hébergement, où, comme le docteur Emmanuelli, des responsables locaux du PS accusent le gouvernement de lâcher le social que, le 20 juillet au soir, François Hollande a annoncé sa visite «dans les prochains jours» aux Buttes-Chaumont. Le candidat à la primaire socialiste, en venant à la rencontre des Tunisiens (dont cinq mineurs) serait donc ainsi le deuxième parlementaire sur le terrain, après le député ardéchois Pascal Terrasse (PS, 1e circonscription), qui relatait ici sa visite du 6 juillet.
En attendant, le petit groupe des Buttes-Chaumont (trente personnes) ne voit passer, outre les maraudes Emmaüs trois fois par semaine pour un kit hygiène, un café, des ustensiles de première nécessité…, que des bénévoles et la toute jeune association Action tunisienne, qui se charge de faire les courses et de distribuer un repas chaque soir. A compter de lundi soir, il restera dans les caisses dédiées à cette opération entre 400 et 500€… même pas de quoi finir le mois de juillet. Pour les coordonnées bancaires et postales de l’association, cliquer ici.
Fabien Abitbol
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