Deux députés du groupe GDR (Gauche démocrate et républicaine), Maxime Gremetz (Somme) et Jean-Jacques Candelier (Nord), ont déposé, le 8 septembre 2010, une proposition de résolution «tendant à la création d’une commission d’enquête sur la cession d’une parcelle de la forêt de Compiègne comportant l’hippodrome», et visant à éclaircir les agissements de Eric Woerth sur les dernières semaines où il se trouvait en fonction à Bercy, peut-on lire sur le site Internet de l’Assemblée nationale.
«Alors qu’il était ministre du Budget, le ministre du travail a cédé la parcelle de la forêt de Compiègne, dans l’Oise, comportant l’hippodrome à la société des courses de Compiègne», écrivent les auteurs de cette proposition de résolution. Depuis la révélation de cette vente par Le Canard enchaîné dans son édition du 14 juillet, «de nombreuses interrogations se sont faites jour au sujet tant de la légalité de cette cession que de son prix. Il semble, d’une part, que le ministre du travail n’avait pas le pouvoir d’aliéner ce bien ressortissant du domaine public forestier et, d’autre part, que cette cession a eu lieu à vil prix», poursuit le texte.
Selon Le Canard enchaîné du 14 juillet, M. Woerth, six jours avant son départ du ministère du Budget, avait «bradé une parcelle de la forêt de Compiègne avec son hippodrome et son golf à une association amie», la Société des Courses de Compiègne (Oise), jusqu'alors locataire des lieux, pour 2,5M€. Le président de la Société des Courses de Compiègne, Antoine Gilibert, est un «familier de Chantilly, de son hippodrome et de son maire Eric Woerth», précisait l’hebdomadaire satirique.
Dans cette dépêche du 13 juillet, l’AFP indiquait que, selon Bercy, «la cession de l'hippodrome de Compiègne s'est déroulée de manière tout à fait légale et dans l'intérêt de l'Etat». A Paris-Turf, l’acquéreur du terrain comprenant l’hippodrome expliquait que «l'Etat a choisi d'opérer différents transferts de propriété circonstanciés au sein de son patrimoine, avec des obligations bien précises pour les repreneurs».
Cette même vente, déjà sollicitée par la société des courses de Compiègne, avait été refusée en 2003 par l’ex-ministre de l’Agriculture Hervé Gaymard.
Pour MM. Gremetz et Candelier, il est «nécessaire» qu'une «commission d'enquête constituée par des députés puisse examiner en détail les circonstances dans lesquelles une parcelle du domaine public forestier a été cédée à une société privée par un ministre».
L’intérêt de M. Woerth, maire (UMP) de Chantilly (depuis 1995) pour le devenir de l’hippodrome est multiple. D’une part en tant qu’élu local (maire de Chantilly et conseiller régional de Picardie), on peut comprendre qu’il souhaite voir une entreprise prospère dans la ville qu’il administre. D’autre part son épouse, Florence Woerth, est présidente de l’Ecurie Dams, appartenant exclusivement à des femmes d’influence, et que L’Express présentait ici, au début de l’été 2010. Enfin, es-qualité de ministre du Budget, Eric Woerth avait en charge le dossier des paris en ligne, qui devait voir le jour au plus tard à la Coupe du Monde de football de juin 2010.
Antoine Gilibert est l’une des douze personnes qui comptent dans l’organigramme de Pro-Galop, le Syndicat national des propriétaires de Chevaux de courses au galop. Cette association type loi de 1901, fondée en 1909, a pour objet «la défense des intérêts hippiques en général, et celle des intérêts des propriétaires de chevaux de courses en particulier, ainsi que, dans un esprit désintéressé, le développement du sport hippique du point de vue des courses au galop». Ses statuts ont été modifiés le 20 juillet 2007, au lendemain des élections législatives, et sont à télécharger ici.
Le 30 août, on apprenait que la Cour de Justice de la République pourrait être saisie par Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation. Parlementaire européenne et avocate de formation, l’ancienne ministre Corinne Lepage expliquait avoir «visé les deux infractions supposées reprochées à M. Woerth» lorsqu'il était ministre du Budget : «son intervention éventuelle en matière fiscale pour un contribuable employeur de son épouse et aussi la vente des terrains de l'Oise». Puis l’eurodéputée allait rappeler quelques dispositions du code pénal à M. Woerth.
«Un pouvoir spécial du Parlement, celui de protéger les forêts de la Nation, a été escamoté par le Gouvernement», écrivent MM. Gremetz et Candelier, demandant à leurs collègues de l’Assemblée nationale la création d’une «commission d’enquête de trente membres sur les conditions dans lesquelles est intervenue la cession d’une parcelle de la forêt de Compiègne comportant l’hippodrome à la Société des courses de Compiègne». Ils veulent savoir pourquoi «cette forêt domaniale a été cédée à un proche du ministre pour un prix de 2,5 millions d’euros alors que selon la plupart des observateurs elle en vaudrait près de dix fois plus».
Fabien Abitbol, dessin de Kat
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