Deux femmes journalistes et un ingénieur pour « diversifier » le CSA
Alors que le loi sur la réforme de l’audiovisuel public, qui retire au moins le pouvoir de nomination des responsables des chaînes publiques au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) n’est pas encore votée (mais que la suppression de la publicité de 20h à 6h est entrée en vigueur le 5 janvier), trois nouvelles têtes ont été désignées hier et aujourd’hui pour y siéger. Le CSA remplace, depuis ce mois-ci vingt ans, la CNCL, qui a elle-même remplacé, trois ans durant, la Haute autorité de la communication et de l’audiovisuel (HaCA), présidée par Michèle Cotta.
Hier, Emmanuel Gabla, ingénieur des télécommunications, a été désigné par le président de l'Assemblée nationale (Bernard Accoyer, UMP), en remplacement de Christian Dutoit, en fin de mandat, qui s’occupait de l’international. Ce samedi, deux journalistes, toutes deux des femmes, ont été désignées. Françoise Laborde (France 2) a été nommée par le président Sarkozy en remplacement de Agnès Vincent-Deray (qui avait en charge la protection des mineurs) et Christine Kelly (LCI) a été désignée par le président du Sénat (Gérard Larcher, UMP), pour remplacer Elisabeth Flüry-Hérard, qui avait en charge l’économie, la concurrence et les affaires européennes (et un œil sur le chantier numérique).
Le CSA, qui se renouvelle par tiers tous les deux ans, traverse pour le vingtième anniversaire de sa troisième mouture (la Haute autorité de l’audiovisuel, présidée par Michèle Cotta, remonte, elle, à 1982) une période mouvementée. Il est composé de neuf membres.
La version finale du projet de loi de réforme de l'audiovisuel public doit passer à l'Assemblée début février, vraisemblablement le 3, et la nomination des présidents de France Télévisions et de Radio France reviendra alors directement au chef de l'Etat (après avis conforme du CSA et du Parlement), ainsi que leur révocation, qui jusqu’à présent n’existait pas. Le CSA est présidé par Michel Boyon, un énarque davantage au service de l’Etat que de la communication : il a été P-Dg de Radio-France de 1995 à 1998 et n’a connu l’AFP et France 2 que par leurs conseil d’administration, respectivement de 1994 à 1998 et de 1993 à 1996. Ce « proche du sérail », ancien collaborateur de François Léotard comme de Jean-Pierre Raffarin, n’aura vraisemblablement aucun mal avec la recrue de l’Assemblée nationale : il s’agit d’une personnalité connue du Club XXIe siècle, que l’Obs appelle « Le très sélect club des minorités », dont fait partie l’ancien Premier ministre.
Et les nouveaux sont…
Emmanuel Gabla, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est diplômé de l’école Polytechnique et de Télécom Paris ; il a été conseiller technique de Jean-Pierre Raffarin à Matignon, puis directeur-adjoint du cabinet de Patrick Devedjian (ministre délégué à l'Industrie, 2005), avant de rejoindre la direction du service des technologies et de la société de l'information à la direction générale des entreprises (DGE), dont les statuts ont été modifiés du fait de l’arrivée de… Patrick Devdjian à la Relance, ce par un décret du 12 juillet 2009.
Agé de 40 ans, né en Alsace d’un père « d’origine togolaise » et d’une mère lorraine, il pourrait servir de jonction entre le CSA et l'autorité de régulation des télécoms (Arcep), dont il est question depuis fin 2006, même si, à la Haute assemblée, on ose critiquer cette orientation. Mais ce choix est, du moins officiellement, celui du président de l’Assemblée nationale.
Le choix du président de la République s’est porté sur une femme beaucoup plus médiatique, et que l’on ne voyait plus que le matin sur les écrans, depuis l’été dernier, sauf à « descendre » dans le Gers : il s’agit de Françoise Laborde. Agée de 55 ans, Françoise Laborde est un visage connu du paysage audiovisuel français (PAF), et a exercé à la télévision privée comme dans le service public. Presque chaque jour ouvré, elle présentait le matin « Les 4 vérités » (pour y recevoir surtout des invités politiques) dans Télématin, en alternance avec Catherine Ceylac qui, en fin de semaine, présente « Thé ou Café », une émission beaucoup plus longue (52 minutes). Elle a assuré (et assumé) le rôle de « joker » pour les jités de 13h00 et de 20h00 la deuxième chaîne, jusqu’avant l’été 2008. Fille de viticulteurs, elle a vécu quelque temps à Washington, puis à Bruxelles, où elle a collaboré (à partir de 1979) à la revue Europolitique, aujourd’hui disparue et transformée en brèves diffusées sur Internet et en informations sur abonnement. Parallèlement, elle a débuté sa carrière audiovisuelle pour RFI. Puis, rejoignant Paris, elle est allée à RMC, avant de passer à TF1 encore publique (1986), d’y rester lors de la privatisation (1987), puis de passer sur France 3 en 1993 et France 2 en 1995.
Elle est l’auteur d’une petite dizaine d’ouvrages, dont Pourquoi ma mère me rend folle (2002, Ramsay), où elle raconte la maladie d’Alzheimer de sa mère. Outre le fait d’avoir une sœur aînée, Catherine, qui présente la météo sur TF1, François Laborde, parisienne de la rive gauche, a également une « résidence secondaire » dans le Gers, à Saint-Mons (à peine plus de 300 âmes ; on y célèbre le vin en mars) : le château-monastère de Saint-Mons. Elle est, entre autres, officier du Mérite agricole.
Agée de 39 ans, Christine Kelly (Christine Tigiffon pour l’état civil antillais) est l'une des rares présentatrices noires du PAF. Sa nomination était attendue, bien que l’on ne sache pas sur quel « contingent » elle arriverait au CSA. Après avoir travaillé à Archipel 4 (télévision privée de l’homme d’affaire Jacques Fahed) et à RFO Guadeloupe (archipel où elle a grandi), comme animatrice et productrice, elle a migré vers RFO Martinique. Elle s’est ensuite rendue à Bordeaux, où elle a suivi des cours à l’IUT de journalisme (1996, année spéciale), et a décroché son diplôme en 1997 (au nom de Tigiffon). Sélectionnée pour le concours Francis Bouygues, elle officie à LCI depuis 2000. Son dernier poste, la présentation des informations matinales du week-end, aura duré le temps du clash, soit à peine plus que son mariage avec le patron d’une compagnie aérienne après qu’elle été hôtesse de l'air. Christine Kelly a également travaillé pour RFO Paris, pour le groupe Canal et pour France 3.
Parmi ses livres, un ouvrage sur François Fillon (…Le secret et l’ambition, éd. du Moment, 2007, pour lequel elle avait quitté l’antenne) lui a valu le prix de la biographie politique 2008. Christine Kelly a notamment reçu le prix des Black World Victories et le prix Africagora, pour sa contribution à l’intégration professionnelle des minorités ethniques. Christine Kelly est un visage moins connu du PAF, puisqu’elle a exercé pour des locales, pour RFO et pour une chaîne d’information câblée du groupe Bouygues, mais son « choix » était une figure imposée : elle figurait déjà parmi les favoris pour être le « joker » de Patrick Poivre d’Arvor sur TF1, mais ce fut Harry Roselmack qui fut choisi.
Avec Rachid Arhab, membre du CSA théoriquement jusqu’en 2013 et Emmanuel Gabla, qui y fait son entrée, le Conseil, amputé d’une partie de ses prérogatives, aura ainsi sur neuf membres trois représentants des « minorités visibles ». Deux sont journalistes, deux sont noirs (un d’Alsace, l’autre de Guadeloupe), une est femme, et un est né en Algérie… et une bordelaise, fille de vignerons, nommé par un homme qui ne boit jamais. Il y en a qui suivent ?
Fabien Abitbol, photo 7sur7.be
⇒ L’actuelle composition du CSA
⇒ Renouvellement d'un tiers des membres dans un contexte houleux
Françoise Laborde, c'est bien la journaliste qui insulte les cheminots ?
http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article78750
Rédigé par : raannemari | 25/01/2009 à 10h08
Dans Acrimed, cela avait été relevé en novembre. La version non tronquée est ici :
http://www.acrimed.org/article3016.html
Voici quelques jours, avant que les médias ne reparlent de Christine Kelly, ils décortiquaient Le Figaro et avançaient, eux, Laborde :
http://www.acrimed.org/article3050.html
entre autres
Rédigé par : Fabien | 25/01/2009 à 11h01