Pour celles et ceux qui auraient « raté un épisode » au sujet de l’attentat dont a été victime Zeev Sternhell, condamné par La Paix Maintenant, Ari Shavit appelle « un chat un chat » dans le Ha’aretz d’hier… Pour lui, les fascistes et les terroristes doivent être retirés des marécages qui les nourrissent. Ce sont eux, les « traîtres », et non Sternhell, La Paix Maintenant et tout ce qui représente l’israélianité. David Grossman parlait de la même chose dans son discours lors de l’anniversaire de l’assassinat d’Itzhak Rabin.
Zeev Sternhell est né en Pologne il y a 73 ans. A l’âge de 5 ans, peu après le début de la deuxième Guerre mondiale, il a perdu son père, puis à 7 ans, sa mère et sa sœur. Sternhell fut un enfant dont on faisait la chasse dans le ghetto. Après s’être échappé du ghetto, il a survécu à la Shoah grâce à son courage et ses ressources, forcé de cacher ou même de changer d’identité.
Immédiatement après la guerre, il est arrivé seul en France où il connut l’esprit des Lumières qui le fascina. Néanmoins, l’adolescent de 15 ans décida de quitter la France et d’immigrer seul en Israël. Il le fit car il considérait la création de l’Etat d’Israël comme un miracle. Sternhell voulait faire partie de ce miracle (*).
Si Israël devait un jour soumettre une plaidoirie face au tribunal de l’histoire, l’histoire de la vie de Sternhell dirait tout ce qu’il y a à dire. Il n’a jamais exploité son passé, n’a jamais demandé aucune complaisance. Mais ce passé a souligné le fait que sa biographie est celle de l’israélianité dans ce qu’elle a de meilleur. Biographie d’un officier combattant hautement motivé devenu historien de renommée internationale, spécialiste des racines du fascisme. Biographie d’un patriote israélien qui a combattu sans relâche l’occupation. Biographie d’un sioniste qui a essayé de soigner les maux d’une société très malade créée par le sionisme dans ce pays.
Hier, au petit matin, les maux de la société israélienne ont placé un engin piégé à l’entrée du domicile de Sternhell. Une main mauvaise venue du plus profond de l’ombre. De nouveaux sicaires, les extrémistes juifs de l’époque du Second Temple, ont tenté de lever la main contre l’un des citoyens d’Israël les plus nobles, les plus éthiques. Des terroristes juifs ont voulu utiliser la bombe pour faire taire une voix de la démocratie israélienne qui menait le combat contre eux.
L’engin était petit, l’horreur est grande. 25 ans après avoir lancé une grenade sur Emil Grunzweig lors d’une manifestation de Shalom Arshav (La Paix Maintenant), la droite folle est revenue. 13 ans après avoir tiré dans le dos d’Itzhak Rabin, le fascisme israélien a encore frappé.
Ces dingues, parfaitement conscients d’avoir perdu la bataille pour le Grand Israël, ont une fois de plus commis un acte désespéré de banditisme. Les zélotes, qui savent qu’ils ont aussi perdu le combat pour gagner le cœur du peuple juif, ont commis un acte terroriste contre l’esprit des Lumières que Sternhell a toujours incarné.
L’ironie du sort n’a rien de bon. L’homme dont la maison avait été détruite par le fascisme européen a été attaqué à l’entrée de son domicile par le fascisme israélien. L’historien qui a consacré sa vie à l’étude des fondements du fascisme a été attaqué au beau milieu de la nuit par la force obscure du fascisme moderne. Un Israélien dont l’amour pour Israël est sans limites a été attaqué par des Israéliens sans limites. De vrais traîtres à Israël ont tenté d’assassiner l’un de ses membres les plus authentiques. L’attentat était amateur et imbécile, mais ce n’était pas un hasard.
Sternhell était ciblé parce qu’il disait la vérité aux post-sionistes violents des collines. Il leur disait qu’ils ne représentaient pas le sionisme, mais une mutation du sionisme. Il leur disait qu’ils n’incarnaient pas l’isaélianité, mais la brutalisation de l’israélianité.
Il ne faut pas généraliser. Toute la droite n’est pas responsable. Elle a de nombreuses nuances, la plupart légitimes. Mais le courant illégitime de la droite représente un problème national de la plus haute importance. Même un petit camp de rebelles au royaume peut détruire le royaume.
La conclusion est claire. Le gouvernement a le devoir d’agir immédiatement et résolument pour assécher les marécages où se développe le terrorisme juif. La reproduction à Jérusalem de types de comportement qui caractérisent la colonie extrémiste d’Yitzhar prouve que nous ne pouvons plus attendre.
Israël doit marginaliser ces éléments marginaux. Les hors-la-loi doivent être mis hors la loi. Il doit revenir au nationalisme anti-fasciste du grand combattant contre le fascisme. Il doit prouver qu’il est l’Israël de Sternhell, et non celui d’Yitzhar.
Ari Shavit, pour le Ha'aretz du 27 septembre, photo DR
(*) Ari Shavit se réfère ici au passionnant entretien que lui avait accordé Sternhell il y a quelques mois où, en veine de confidences, ce qui est rare chez lui, il lui avait raconté sa vie et ses engagements.
Traduction française de Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Version anglaise du Ha’aretz à lire ici
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