Le Parlement a adopté le projet gouvernemental… qui va coûter 400 millions
Le Parlement a adopté ce jeudi le projet de fusion des réseaux de l'ANPE et de l'Unedic, qui vise à placer un interlocuteur unique face aux chômeurs pour « simplifier leurs démarches », indique une dépêche de l’Associated Press, qui précise que les députés et sénateurs « ont approuvé le compromis trouvé mercredi par les représentants des deux assemblées réunis en commission mixte paritaire ». Une fusion dont le coût devrait être annoncé la semaine prochaine… Pourquoi pas maintenant ?
Le texte prévoit la création d'un opérateur unique chargé d'assurer à la fois l'accueil, l'orientation, le placement, l'indemnisation et l'accompagnement des chômeurs. L'objectif affiché est de simplifier leurs démarches et de déployer davantage d'agents sur le terrain. Sachant que, à effectifs constants, davantage sur le terrain signifie moins dans les bureaux… pour traiter les dossiers administratifs !
Jusque là, l’objectif peut paraître louable. N’en déplaise à certains syndicats. On en parlait depuis vingt ans, le candidat Sarkozy l'a promis. Il a été élu. Mais, lorsque Jacques Chirac, en 1967, avait créé l’ANPE, c’était aussi pour remplacer autre chose. Mais, pour avoir vu ce que donne la « simplification administrative » dans d’autres domaines, on peut se permettre d’être perplexe. Par exemple, en 1975, a été créée la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep), pour prendre en charge les personnes handicapées. Le 11 février 2005, la COTOREP a disparu, pour laisser place (pour des raisons de « simplification administrative ») à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Résultat : des employés qui ne connaissaient pas tous les rouages, des formulaires pas imprimés en temps et en heure (l’été 2007, soit plus de deux ans après, les formulaires s’appelaient encore « Cotorep », et à Paris les services n’ont déménagé du quai de Jemmapes qu’en septembre 2007…), aucune embauche « de complément » et… un gigantesque embouteillage dans certains départements. A Paris, par exemple, un an de retard a été accumulé (22 000 dossiers en instance en novembre 2007) que les agents s’empressent de résorber tant bien que mal (le retard serait actuellement de l’ordre de six mois cotre deux mois juste avant la réforme).
400 millions d’euros
Alors, que va-t-il se passer concrètement pour le chômage et les demandeurs d'emploi ? On nous annonce qu’un « conseil national de l'emploi présidé par le ministre en charge de l'Emploi sera chargé de veiller à la cohérence des politiques. Cette fusion devrait coûter environ 300 millions d'euros », indique la dépêche de l’Associated Press, de ce midi, sans davantage de précisions.
En fait, on devrait apprendre dans une semaine, par la très sérieuse Cour des comptes, présidée par l’Ancien ministre des Affaires sociales et de l’emploi (1986-1988), Philippe Séguin qu’il en coûtera 400 M€. Pour une raison toute simple : les rémunérations des agents de l’ANPE doivent être alignées sur celles des agents d’ l’Unedic, qui perçoivent en moyenne 20 % de plus !
Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes, en cours de finalisation, devrait démontrer que des primes ont été versées à des cadres de l’ANPE (ce qui est contraire au statut d’établissement public de l’Agence), et pourrait aussi s’étonner de la gestion des ressources humaines au sein de l’ANPE. En quinze ans, dix mille personnes sont entrées à l’ANPE (comme salariées, pas comme demandeurs d’emploi…) et la « qualité du service rendu » serait « insuffisante ». Si, aux yeux de la Cour des comptes, l'ANPE ne sait pas gérer ses agents, comment gère-t-elle ses chômeurs ? récemment, des cas de rendez-vous fictifs ont été décelés, de personnes recevant un courrier "suite à notre entretien du (…), nous…", alors que les destinataires n'avaient pas été convoquées. Tout simplement.
La fusion ANPE-Unedic figure parmi les mesures sur lesquelles Nicolas Sarkozy compte pour tenir son engagement de ramener le taux de chômage à 5 % en 2012. Ce qu’il appelait pendant la campagne électorale un chômage nul.
Le projet de loi prévoit la négociation d'une nouvelle convention collective d'ici septembre 2010. Les agents de l'ANPE auront le choix entre adhérer à la nouvelle convention ou conserver leur statut actuel. Nul doute qu’ils préfèreront être payés autant que ceux dont ils seront devenus les collègues…
En attendant, selon certains syndicats, et ce malgré des « assurances gouvernementales », la crainte persiste que la fusion n'entraîne des suppressions de postes et des « pressions » sur les chômeurs pour les pousser à accepter n'importe quelle offre.
Fabien Abitbol, infographie AFP Archives
⇒ ANPE-Unedic: ce que changera la fusion, dans l’Expansion
⇒ Fusion ANPE-Unedic : c'est pour bientôt (Actuchômage août 2007)
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