L’avocat de Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog, a déposé mercredi matin 30 janvier, deux référés à l'encontre de la société Ryanair pour faire constater l'« atteinte au droit à l'image hors consentement et à des fins publicitaires » du président de la République et de son amie Carla Bruni. Cette plainte fait suite à la publication, dans Le Parisien du lundi 28 janvier, d'une photo du couple sous le bandeau de la compagnie aérienne avec le slogan : « Ryanair, pour toutes les occasions ». L'affaire sera plaidée jeudi 31 janvier à 15 h 30.
Nicolas Sarkozy a demandé 1 euro de dommages et intérêts et l'interdiction de commercialiser cette image. Sa compagne Carla Bruni a exigé de son côté le versement de 500 000 euros à titre de provisions sur des dommages et intérêts ultérieurs.
A l'appui de cette demande, Me Herzog souligne que « l'exploitation de son image est une partie de l'activité professionnelle de Mme Bruni. Elle a des contrats publicitaires avec des marques qui lui offrent des ponts d'or pour qu'elle les représente. Une photo de Carla Bruni, c'est 500 000 euros », indique-t-il. Pour évaluer la provision, l'avocat devrait produire ces contrats à l'audience.
L'Elysée avait réagi dès la publication de la publicité en jugeant « inacceptable » cet « usage abusif de l'image du président de la République » et avait aussitôt annoncé son intention de lui donner des suites judiciaires. M. Sarkozy est le second président après Georges Pompidou, dont une photo avait été utilisée en avril 1970 par les moteurs Mercury, à demander réparation à la justice pour détournement d'image.
Immunité
Mais c'est là que les choses se sont compliquées. Car toute initiative judiciaire concernant le chef de l'Etat rencontre le problème de l'immunité qui lui est accordée par l'article 67 de la Constitution, selon lequel « il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis à témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite ».
Prévue pour ne s'appliquer qu'aux actions engagées contre le chef de l'Etat, cette immunité est susceptible de bloquer toute procédure pendant la durée de son mandat, y compris celles dont il prendrait l'initiative. Dans le cas de Ryanair, il suffirait à la compagnie de répondre par une assignation au fond à la procédure en référé déposée par M. Sarkozy pour que le juge soit contraint de constater l'application de l'article 67.
La question avait déjà soulevée lors du divorce présidentiel, M. Sarkozy ne pouvant faire l'objet d'aucune poursuite contentieuse en cas de désaccord avant juin 2012. Tout est donc mis en œuvre par l'Elysée pour que l'affaire Ryanair n'aille pas plus loin que le référé, notamment dans le calcul des provisions demandées au titre de la réparation. La société, qui a publiquement présenté ses excuses au chef de l'Etat lundi, a d'ores et déjà réussi, en vingt-quatre heures, une spectaculaire opération de promotion à moindres frais.
Pascale Robert-Diard, pour Le Monde
• Note : la publicité parue avant-hier dans les pages nationales du Parisien portait sur une offre et une durée limitées.
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Sarkozy manquerait-il d'humour ?
On le sait, la publicité pour une compagnie à bas prix reprenant une photo de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni a eu le don d'énerver l'Elysée, qui a immédiatement demandé son retrait et envisagé une action légale. Le quotidien irlandais The Irish Independent – pays de rattachement de la compagnie d'aviation fautive – n'a pas apprécié : « Alors que Nicolas Sarkozy caricature comme personne la réputation d'amoureux des Français, en termes d'humour, il se classe bon dernier. »
Une saute d'humeur que le quotidien comprend d'autant plus mal que le président français n'est pas le premier chef d'Etat à être ainsi « piégé » par la compagnie aérienne : « Angela Merkel et Tony Blair ont eux aussi été, à leur corps défendant, les vedettes de précédentes campagnes de pub de cette compagnie. »
Cela dit, M. Sarkozy ne sera pas non plus le seul à avoir porté plainte, puisque l'ex-Premier ministre suédois Göran Persson a porté plainte en 2007 pour des faits analogues, et qu'une avocate polonaise a fait de même parce que la même entreprise suggérait dans une publicité un lien affectif entre elle et le Premier ministre polonais de l'époque, Jaroslaw Kacynski.
Courrier International du 29 janvier
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