Il faut la chercher pour la trouver, toute menue dans son tailleur pantalon sombre, aux côtés de Christine Boutin, son ministre de tutelle, qui monopolise la parole et l'attention des caméras. Discrète mais déterminée, Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, cherche à imposer son style.
A Christine Boutin, marche devant, pose les questions, encourage, félicite, Fadela Amara se faufile derrière.
Mais elle intervient lorsque la visite les mène à une association de médiation familiale qui accueille notamment des femmes victimes de violence, un de ses sujets de prédilection. Elle tend une main directe et se présente d'un simple « Fadela ». « Quel genre de violence subissent-elles ici ? Quelles solutions leur apportez-vous ? ».
Un peu plus loin, Fadela Amara est attendue avec impatience par un groupe de jeunes chefs d'entreprise installés pour leur début dans une pépinière d'entreprises. Lynda et Sofia présentent leur activité avec émotion, se font prendre en photo avec la secrétaire d'Etat, classée à gauche et fondatrice de l'association Ni Putes, ni soumises.
« C’est pas Boutin qu’on attendait »
« Nous, c'est pas Boutin qu'on attendait, c'est Fadela ! », confie Lynda Maouchi, 34 ans, jeune vaudaise d'origine algérienne à l'allure moderne. Elle ne cache pas son enthousiasme. « Pour nous les femmes des cités, Fadela, c'est une icône, comme Rachida Dati. Ce sont des modèles, ce sont des femmes des cités qui sont arrivées à un certain niveau, alors pour nous c'est très encourageant, on se dit si elles sont arrivées, alors, nous aussi on va y arriver ».
Son amie Sofia Al Echcheikh, 30 ans, voilée de noire, mère de quatre enfants et elle aussi chef d'entreprise dans le domaine de l'informatique, renchérit. « Rachida et Fadela, c'est génial ce qu'elles font. Ici, on se projette en elles, quand on voit ce qu'elles font on a envie d'abattre des arbres et on y arrive, même si ce n'est pas facile pour les filles de Vaulx-en-Velin ».
Au pied de la cité, elle est reconnue par des mères de famille dans un square. « Fadela, tu habites toujours dans ton HLM ? ». Réponse : « Oui, bien sûr, il n'y a pas de raison que je change, les voisins sont sympas, à moins qu'on me vire. »
Jeudi, la Secrétaire d'Etat à la politique de la ville s'était rendue à Oullins, cette fois seule et presque incognito.
Dans une école, longtemps désertée et aujourd'hui appréciée grâce à l'investissement des enseignants et des parents d'élèves, elle écoute, prend des notes, demande si elle peut donner leur exemple à copier dans d'autres écoles de cités. « Ce n'est pas Fadela qui parle aux banlieues, il s'agit de créer une mobilisation nationale, que chacun devienne acteur de cette politique de la ville », dit-elle à ses interlocuteurs.
« Il est difficile d'avoir vécu les émeutes de 2005, il faut condamner les violences, mais aussi écouter ce cri de souffrance, c'est pour ça que je veux être la ministre des cages d'escalier, j'ouvre un blog, je sais que ce n'est pas la norme, mais il faut une rupture avec les pratiques politiques habituelles », ajoute-t-elle.
Incognito ou presque
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Discrète mais déterminée, Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, cherche à imposer son style, lors d'une visite à Vaulx-en-Velin, en banlieue lyonnaise.
Photo prise le 20 juin 2007/REUTERS/Philippe Wojazer
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Dans les rues du quartier, elle se déplace loin des attroupements et bains de foule provoqués par les passages de sa collègue Rachida Dati à laquelle on la compare. Elle est néanmoins interpellée par les passants d'origine maghrébine, donc certains n'hésitent pas à la tutoyer. « Madame Amara ? Je suis algérien », lui lance un vieil immigré. « Alors on a les mêmes origines. Vous êtes d'où ? Moi, c'est la petite Kabylie », répond la ministre. « Je sais », lui dit le vieil homme.
Plus loin, dans une HLM, elle est attendue dans un appartement du quatrième étage, par une famille et ses voisins.
« A chaque visite officielle, elle va chez un particulier, elle veut entendre d'autres sons de cloche que le discours des institutionnels et des associations », explique une de ses collaboratrices.
Elle s'enfonce dans un grand canapé, à côté de la grand-mère de la famille, 86 ans. Les deux femmes parlent en arabe. On fait tourner les jus d'orange et les gâteaux secs. La fille de la famille filme l'entrevue d'une demi-heure sur son caméscope.
« Je ne savais pas que tu étais aussi charmante », lui dit le chef de famille arrivé en 1964 en France et aujourd'hui à la tête d'une petite entreprise.
© Reuters
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