Me Irène Terrel, l’avocate de deux Allemands soupçonnés d’actes de terrorisme en Allemagne, Sonja Suder (78 ans) et Christian Gauger (69 ans) a annoncé avoir saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), contestant leur extradition par la France, après le rejet d’un recours par le Conseil d’Etat.
Réfugiés en France depuis 1978, Mme Suder et son compagnon M. Gauger avaient été interpellés une première fois le 16 janvier 2000 dans le 11e arrondissement de Paris, à la demande des autorités allemandes. Placés sous écrou extraditionnel le 18, ils avaient été remis en liberté trois jours plus tard sous contrôle judiciaire. Ils sont notamment soupçonnés d’être les auteurs d’un attentat à l’explosif le 22 août 1977 à Nuremberg et d’un incendie criminel en 1978 à Heidelberg. Mme Suder est en outre suspectée d’avoir participé à l’organisation du commando dirigé par le terroriste Carlos, auteur d’une prise d’otages, en décembre 1975 à Vienne lors d’un sommet de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Mais elle n’est pas soupçonnée d’avoir pris part au commando, et n’a jamais reconnu les faits.
La cour d'appel de Paris allait, le 28 février 2001, conclure à l’irrecevabilité de la demande d’extradition. Leur arrestation reposait sur trois témoignages que la Berliner Zeitung du 4 décembre, en annonçant le refus du recours par le Conseil d’Etat, estime «sujets à caution».
Sonja Suder et Christian Gauger sont sous l’effet d’une deuxième procédure d’extradition, et ont été interpellés le 30 octobre 2007 à la sortie de leur domicile car entre temps la législation européenne a changé. La convention du 27 septembre 1996 est entrée en vigueur et, comme le rappelait ici la Garde des Sceaux, «l'extradition ne peut être refusée au motif qu'il y a prescription de l'action ou de la peine selon la législation de l'État requis». Les anciens militants des Cellules révolutionnaires (Revolutionäre Zellen, RZ, proches de la Rote Armee Fraktion) subissent donc, par les lois européennes, la loi allemande. Et un mois de détention. Leur écrou extraditionnel prend fin en novembre 2007. Elle a 75 ans, lui 66. Il est malade, depuis un accident cardiaque qu’il a eu dix ans plus tôt, en 1997 (sur l'état de santé de Christian Gauger, lire ici la demande déposée pour lui devant la Cour de Strasbourg).
Le 25 février 2009, la Cour d’Appel de Paris revient sur sa propre décision et autorise l’extradition des deux Allemands, qui vivent chichement en Seine-Saint-Denis. Le 15 octobre 2010, Sonja Suder et Christian Gauger se sont vus notifier un décret d’extradition. François Fillon avait pris cette décision quatre mois plus tôt, le 29 juillet, au beau milieu des vacances.
Entre temps, outre le recours devant le Conseil d’Etat (examiné le 22 octobre 2010), les deux septuagénaires avaient prêté attention au sort de Roman Polanski, arrêté en Suisse en septembre 2009 pour une affaire de mœurs remontant à 1977 et ayant eu lieu aux Etats-Unis. A l’endroit du cinéaste, le président Sarkozy avait estimé que le juger si longtemps après les faits n’était «pas une bonne administration de la justice».
C’est la France du même Nicolas Sarkozy qui s’apprête désormais à livrer, pour “une bonne administration de la justice” personne n'en doute, 32 à 35 ans après les faits reprochés, une femme de soixante-dix-huit ans et un homme malade de soixante-neuf ans.
Fabien Abitbol, photo archives DR (au cours d’une manifestation de soutien, dans le 20e arrondissement de Paris, en 2009)
Mise à jour du 12/12 à 01h00 : A lire, en anglais Case Gauger v.France (61393/10), extradition of an elderly couple 35 years after suspected offense, art.3,4P7 (sur le blogue ECHR case-laws news of France)
Reprise le 12 à 04h56 sur Dazibaoueb
Reprise le 12 à 16h55 sur La Vigie du web de Rue89
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