Depuis le début du mois d’août —et le début du mois de ramadan— les repas s’organisent le soir de façons diverses et parfois d’une manière insolite pour les Tunisiens qui ont été délogés le 16 juin du bâtiment du 36, rue Botzaris et de celui du 42, rue du Plateau, dans le 19e arrondissement.
Si la plupart des Tunisiens du groupe de Botzaris ne sont pas profondément croyants, tous ou presque respectent les traditions, comme le font du reste les Parisiens des arrondissements de l’Est et du Nord, originaires des pays où l’Islam est la religion dominante. Ainsi, le mois du ramadan est-il “sacré”, religieux ou pas.
Mercredi 10 août. A 21h17, heure autorisée pour la rupture du jeûne, quelques Tunisiens étaient installés devant le Parc des Buttes-Chaumont, entamant la nourriture que l'un d'eux était allé chercher au 36, rue Botzaris (médaillon) quelques minutes avant le coucher du soleil (Photo: F.A.)
Mais, devant ses caisses qui se vidaient après sept semaines de repas quotidiens, l’association Action Tunisienne ne pouvait plus faire face et continuer à nourrir “éternellement” ce groupe non pris en charge par la Ville de Paris. Aussi son président Mohamed Dahoui a-t-il conclu avec l’association Une Chorba pour tous une sorte de “deal” «bras contre nourriture»: les Tunisiens des Buttes-Chaumont peuvent aller dîner sous la tente installée Porte des Lilas, et Action tunisienne prête main forte à Une Chorba pour tous lorsque celle-ci a besoin d’aide en termes humains et logistiques.
Voilà pour l’essentiel, restent les «à-côtés»…
Dans un premier temps, un restaurateur de la rue Oberkampf (11e arrondissement) s’était engagé à délivrer chaque soir dix portions de chorba pour rompre le jeûne, agrémentées de pain, boisson, dattes, gâteaux… Un geste généreux, mais qui obligeait à faire un aller-retour en fin de journée, fatigant pour les quelques religieux, peu agréable sous la pluie étant donné le peu de clémence de la météo. Au bout d’une semaine, les réfugiés tunisiens ont refusé cette aide.
D’autant qu’une autre solution, aussi insolite qu’aléatoire, s’offrait à eux: des «ouvriers» (c’est ainsi qu’ils se présentent) travaillant au 36, rue Botzaris passent presque chaque soir à ceux qui ne montent pas à la Porte des Lilas de la nourriture. Hier, ce fut une boîte de thon en miettes puis trois assiettes de chorba. D’autres soirs, ce furent quelques parts de couscous. Cette solution “diplomatique” n’est pas certaine, contrairement à celle de la rue Oberkampf. Si pratique qu’elle soit, elle est aussi quelque peu incongrue: voilà donc quelques-uns des anciens occupants de la première heure, le 31 mai, d’un bastion du régime tunisien (selon certains documents bancaires, était aussi en France le siège du RCD, parti fondé en 1988 par l’ex-président Ben Ali) qui se font aider par des employés du gouvernement tunisien de transition.
Les occupants du bâtiment du 36 se disent ouvriers, s’excusent presque d’être là à travailler tandis que leurs compatriotes (sur)vivent dans la rue, et précisent qu’ils repartiront au pays une fois leur mission accomplie.
Par ailleurs, depuis le week-end dernier, un autre personnage de l’histoire de Botzaris a refait son apparition: il s’agit de Ali Gargouri. Ce Tunisien vivant à Paris, connu sur le réseau social twitter sous le pseudonyme de @Ooouups, a annoncé sa candidature aux élections d’octobre. Il a décidé de porter un repas les vendredis soirs et samedis soirs (et aussi dimanche prochain veille de 15 Août). La semaine passée, briks à l’œuf et couscous au menu. Sous une pluie battante.
D’autres personnes, comme @PressFay, photographe helvético-algérienne, portent parfois un peu de nourriture le soir.
Et, pour assurer un minimum de survie durant la nuit, Action tunisienne continue à faire des courses alimentaires, mais a minima. Ce n’est plus un repas par jour et un petit déjeuner, ce qui représentait auparavant une moyenne de 72€ pour trente personnes (en répartissant les dépenses sur sept semaines), mais juste quelques compléments : dattes, gâteaux, pain, etc. Les dépenses quotidiennes, ces dix premiers jours, ont été de l’ordre de 35€/jour. Les caisses se vident, peu à peu…
Fabien Abitbol
Pour les dons à Action tunisienne, c’est ici. Pour suivre sur twitter la situation à Botzaris, c’est là.
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