Alors que Claude Guéant avait annoncé en avril dernier vouloir abaisser l’immigration légale de 200.000 à 180.000 personnes par an, Nicolas Sarkozy, invité de France 2 mardi 6 mars, a placé la barre encore plus “haut”, si l’on peut dire, indiquant comme objectif, en cas de réélection, le chiffre de 100.000. Pour convaincre l'électeur, tous les moyens sont bons: méconnaissance de la loi, chiffres approximatifs ou tronqués, éléments incomplets… Il a également accumulé, au sujet du RSA, une série d'«annonces», pour des choses qui existent déjà presque toutes.
«Notre système d'intégration fonctionne de plus en plus mal car nous avons trop d'étrangers sur notre territoire et que nous n'arrivons plus à leur trouver un logement, un emploi, une école», a déclaré le candidat Sarkozy, sans que ses interlocuteurs ne lui rétorquent que, sous le président Sarkozy et sous le ministre de l’Intérieur Sarkozy, les crédits alloués à l’Intégration avaient été divisés par deux. Dommage.
Maintenant que les crédits sont divisés par deux par le président, sans que les médias ne s'en émeuvent trop, le candidat considère que, «pour relancer dans de bonnes conditions l'intégration, il faut diviser par deux le nombre de gens que nous accueillons, c'est-à-dire passer de 180.000 autour de 100.000».
Il veut aussi appliquer aux candidats au mariage avec une Française ou un Français les conditions de revenus et de logement exigées pour l'attribution d'un titre de séjour, comme cela a permis, dans son application au regroupement familial, de réduire de 25.000 à 15.000 personnes par an le nombre d'immigrés pouvant venir en France. Les candidats au mariage seraient par ailleurs soumis à un examen de français et de «connaissance des valeurs de la République».
Chiffres trompeurs sur le RSA
Indiquant qu’il y avait à ce jour «165.000 étrangers» bénéficiaires du RSA, sans préciser s’il s’agissait d’étrangers communautaires ou non ressortissant de l’Union européenne, il a dit vouloir imposer «dix ans de présence sur le territoire et cinq ans d'activité pour bénéficier du RSA».
Le RSA, contrairement au RMI, n'est pas attribué à tout le monde, et notamment pas au premier étranger venu. La loi de décembre 2008 instaurant le RSA prévoit deux grandes catégories d’étrangers:
• les Européens de l’UE, pour qui trois mois de résidence permanente et une autorisation de séjour sont nécessaires,
• les ressortissants de pays tiers, qui doivent justifier au minimum de cinq années d’autorisation de travail
A ce sujet, lire Etranger = fraudeur + voleur (février 2012).
Sachant qu’il y avait 1,8 millions de foyers au RSA au 31 décembre 2010 (lire ici), les 165.000 étrangers avancés par Nicolas Sarkozy en termes d’individus et non de foyers, pour une ressource qui n’est pas individualisée mais familiale, valent largement moins que l’apparent 9% du total. En clair, les critères sont déjà largement assez restrictifs comme ça et correspondent davantage à une photographie de la population générale qu'à une photographie de la population précaire.
Donc, en disant ne pas vouloir d’une «immigration fondée sur la seule appétence des minima sociaux», le candidat Sarkozy méconnaissait la Loi qu’il avait signée en tant que président. Ou tentait d’embrouiller le téléspectateur, ce qui est plus vraisemblable. Ce qui est regrettable, c’est que personne ne l’ait repris sur ce point non plus.
Le candidat Sarkozy est par ailleurs revenu sur son ambition de faire travailler quelques heures par semaine les allocataires du RSA, et a indiqué qu'il voulait une évaluation des “bénéficiaires” du RSA tous les dix-huit mois.
Or chaque allocataire du RSA fait l'objet d'un suivi social, et l'ASS (assistant de service social, ou «assistante sociale») le reçoit chaque bimestre. La même «assistante sociale» propose —parfois avec insistance, mais toujours en expliquant les intérêts— un contrat d'insertion à l'allocataire du RSA. Ce fameux contrat d'insertion, instauré avec le RMI, n'est pas mort. Non seulement il perdure avec le RSA, mais les assitantes sociales ont pris le pli de l'individualiser (lire le forum ici). Le législateur, sous Rocard, ne voulait pas que le RMI ne soit qu'un revenu de subsistance et souhaitait donner un sens au “I” de Insertion. M. Sarkozy n'a donc rien inventé, sauf qu'il veut compliquer la tâche des travailleurs sociaux.
Ce contrat est validé à chaque fois par la commission d'insertion. Comme sa durée ne peut excéder douze mois (et qu'il est dans le cas général de six mois), l'évaluation demandée tous les dix-huit mois serait superfétatoire: il faudrait compiler le travail déjà fait par les commissions d'insertion. Trop compliqué pour qu'un journaliste sur le plateau se permette de reprendre le candidat, peut-être?
Le pire est que la saillie de Nicolas Sarkozy sur le RSA est passée sans même évoquer l’alourdissement des sanctions dont seront victimes les allocataires à compter du mois d’avril. Des sanctions qui pourront passer à 80% du montant mensuel durant trois mois. A vrai dire, on ne lui a pas demandé…
La chasse aux voix de la droite extrême est ouverte.
F. A., ill.: copie d'écran du compte twitter de Nicolas Sarkozy
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