Mis en cause pour « favoritisme » le maire de
Paris parle de décision « unanime » du Conseil de Paris
Profitant d’une question posée jeudi 19 novembre au soir
en mairie du 20e arrondissement par un militant UMP sur sa future
convocation par des juges d’instruction dans l’enquête sur le Stade Jean-Bouin, le maire de Paris Bertrand Delanoë s’est
expliqué devant les habitants, et a vivement critiqué l’attitude de la presse.
Il a affirmé qu’il se battrait pour son « honneur » et sa
« liberté ».
Ce devait être, comme chaque année, un bilan de mandature
ordinaire, comme il s’en déroule dans chaque arrondissement en fin d’année
civile depuis que Bertrand Delanoë est maire de Paris. Avec, forcément,
quelques piques attendues, inhérentes par exemple à l’approche des élections
régionales de mars 2010 ou faisant suite à l’augmentation (prévue) des impôts
locaux (et celle de 2010 confirmée en mairie d’arrondissement comme étant la dernière).
Contestation prévisible aussi du fait de l’approbation dans son ensemble du
« Plan 1000 caméras » (lire ici la dernière mise à jour avec 1302 caméras au lieu de 1226) qui
rencontre une résistance particulière dans le 20e : un comité
d‘accueil se trouvait d’ailleurs sur la place Gambetta et une question allait
être posée par un représentant de la Ligue des droits de l’Homme. On peut aussi
y ajouter la particularité (voire le particularisme) de l’arrondissement qui
fait que, depuis mars 2008, le résultat du scrutin municipal a fait disparaître
les élus de droite, le second tour n’ayant laissé en lice que le maire sortant
Michel Charzat et la candidate du Parti socialiste Frédérique Calandra…
En sus de ces facteurs favorables à un peu plus de chahut
qu’à l’accoutumée est intervenu un « fait nouveau », sans rapport
aucun avec le 20e arrondissement : la mise en cause de Bertrand
Delanoë (entre autres) tout au long de la journée dans la presse, à la suite
d’une publication dans Le Parisien. Bertrand Delanoë convoqué par deux juges d’instruction,
avait titré jeudi matin le quotidien francilien dans sa rubrique des faits
divers, mettant en cause, dans « l’affaire du Stade
Jean-Bouin », le maire de Paris, l’association Paris Jean-Bouin et le
groupe Lagardère (lire ici l’encadré destiné aux abonnés).
Aussi, lorsque Bertrand Delanoë donna jeudi soir la
parole aux habitants du 20e, venus comme chaque année nombreux, pour
une première série de questions, on pouvait s’attendre à ce que l’une d’elles
aborde, plus ou moins directement, la mise en cause du maire de Paris dans
l’histoire du stade Jean-Bouin. Ce qui fut fait par un militant de l’UMP, les
« UMP historiques du 20e » ayant relayé l’information dans l’après midi sur leur blogue. Lorsque le tour vint à
Bertrand Delanoë de répondre sur ce point, il se lança d’abord dans une
explication de texte…
Indiquant qu’il avait appris sa future convocation
devant deux juges « par voie de presse », il précisa qu’il avait eu
confirmation officielle en fin de matinée d’une convocation « devant une
juge » et de la date de celle-ci. Et expliqua au public que l’association CASG
Jean-Bouin (historique ici) a eu la concession mise en cause désormais par la justice depuis… 1925. Et que la décision
de prolongation de vingt ans prise en juillet 2004 l’avait été « à
l’unanimité du Conseil de Paris ». Ainsi, selon Bertrand Delanoë, le fait
que la convention d’occupation domaniale par l’association ait été renouvelée l’été 2004 pour vingt ans ne doit pas poser de problème de légalité, d’autant
que cette décision a été validée par le préfet et par la chambre régionale des
comptes, comme pour les autres conventions des autres associations sportives et
ce sous les différentes équipes municipales.
Dans le public, peu ou pas de presse, malgré l’annonce
répétée le matin (dans Le Parisien entre autres) de cette réunion. Les habitués étaient là, sans plus… Et Bertrand Delanoë
d’expliquer à l’assistance que, à la suite de la publication par le quotidien
local de l’information, l’AFP puis le site du Monde avaient repris le fait
qu’il était impliqué dans une histoire de favoritisme. « Monsieur Lelièvre
n’est pas mon ami », s’est expliqué le maire, en parlant du président de
l’association sportive associée au groupe Lagardère, et qui serait également
convoqué par la justice. « Je me demande pourquoi il y a une procédure
judiciaire dans ce dossier », s’est-il étonné, rappelant que les autres
sites sportifs, comme La Croix Catelan (au cœur du Bois de Boulogne, également entre les mains du groupe Lagardère) ne
faisaient pas l’objet d’un tel traitement. Bertrand Delanoë s’est montré étonné
d’un tel « déchaînement du parquet ».
Dans la matinée, le patron
des élus UMPPA, l'ancien ministre des Sports Jean-François Lamour, avait évoqué « l’amateurisme » du maire et, tout en précisant qu’il n’avait
« strictement rien contre » Arnaud Lagardère, avait déploré que des
structures semi-privées ou privées aient les concessions sportives. Ce qui, en soi, est loin d'être une nouveauté à Paris…
Reprenant l’information initiale du Parisien en fin de
matinée de jeudi, l’AFP, dans cette dépêche, indiquait : « L'information judiciaire a été ouverte à
la suite d'une plainte déposée par une société, Paris Tennis, qui estime que la
Ville aurait dû conclure un contrat de délégation de service public et non
selon une procédure de gré à gré », et confirmait de source judiciaire une
prochaine convocation de Arnaud Lagardère (gérant commandité du groupe Lagardère), « à une date
indéterminée », ce « pour une éventuelle mise en examen pour
"recel de favoritisme" ». Lorsque la Ville a renouvelé sa
convention de partenariat avec le CASG Jean-Bouin présidé par Jacques Lelièvre,
cette association avait noué un partenariat avec le groupe Lagardère. « Le
maire de Paris n'est en rien intervenu pour qu'il y ait un rapprochement entre
l'association Jean-Bouin et Lagardère », a précisé dans la journée Anne
Hidalgo, la première adjointe au maire de Paris. Participant dans l’après-midi
à un tchat au NouvelObs avant de se rendre en mairie du 20e avec de
nombreux adjoints, la candidate PS aux régionales sur Paris a estimé qu’il
s’agissait d’« une manœuvre visant à déshonorer Bertrand Delanoë ».
« Je me battrai pour l’honneur de Paris et le mien aussi »
Faisant de façon mi-sérieuse
mi-humoristique l’inventaire de faits qui ne lui sont pas reprochés (emplois
fictifs, faux électeurs ou frais de bouche, par exemple) devant un parterre
plutôt conquis, Bertrand Delanoë a indiqué, vindicatif, qu’il avait « l’intention
de défendre l’honneur de la Ville de Paris » et le sien car, si on peut
lui « faire beaucoup de reproches », il y a « une chose qu’ils
ne pourront pas atteindre : c’est mon honneur et ma liberté ! »…
« Alors, je vous le
dis : je me battrai pour l’honneur de Paris et le mien aussi », a
lancé Bertrand Delanoë. « Cette ville est gérée très imparfaitement. Mais
très honorablement. Tout ça, c’est un peu gros. C’est une épreuve. Je la vis
douloureusement. Mais je vous jure qu’il y a un point sur lequel on ne peut pas
m’atteindre, c’est la conception que j’ai de l’honneur dans la vie en général,
dans la politique en particulier et sur mon comportement personnel. Et de ce
point de vue là, croyez-moi que vous n’êtes pas débarrassés de moi, pendant
longtemps, sur les questions d’honneur. Et j’attends les leçons de ceux qui
s’opposent à nous. »
Particulièrement remonté, le
maire de Paris avait fait état un peu plus tôt d’un communiqué « d’une page et trois
lignes » (à lire ici) qui n’avait « pas fait l’objet d’une dépêche de l’AFP »,
et énuméré les sujets le concernant qui, au long de la journée, avaient fait
l’objet de dépêches de la part de la troisième agence mondiale, agence
française de référence. Notons au passage que l’Associated press (AP,
américaine) a publié jeudi en début d’après-midi cette dépêche relayée au moins par le site du Nouvel obs, qui faisait une large
part au communiqué de la Ville ignoré par l’AFP.
L'intervention de Bertrand Delanoë a été saluée par l'assistance, ainsi que les trois parlementaires locaux, Mmes Danièle Hoffmann-Rispal et George Pau-Langevin, députées, et M. David Assouline, sénateur.
Fabien Abitbol
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