La route est droite, mais la pente est forte
C’est finalement le 29 avril vers 16h30, et non pas le 28 contrairement à ce qui était indiqué ici, que la loi sur l’Internet sera de nouveau examinée par les parlementaires. Ainsi en a décidé la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale, réunie cet après-midi, laissant donc à l’ordre du jour du 28 avril cette proposition de loi visant à inscrire l’inceste dans le Code pénal. La loi Hadopi reviendra à l’Assemblée sans la « double peine » réintroduite par la Commission mixte paritaire (CMP, 7 députés et 7 sénateurs), comme le prévoient le Règlement de l'Assemblée nationale (Article 114 alinéa 3) et la Constitution (article 45, dernier alinéa). Double recul pour les tenants de la « ligne Sarkozy ». Mais ça ne passe tout de même pas. Un goût amer, après le rejet parlementaire du jeudi 9 avril… N'était-ce pas un souhait présidentiel que de vouloir laisser plus de latitude aux travaux parlementaires ?
Après
le rejet du texte le 9 avril, sans même la présence du président du groupe UMP
Jean-François Copé, qui aurait pu faire appliquer l’Article 61 du Règlement de
l’Assemblée et faire retarder le vote faute de quorum, il faut tout reprendre
au stade de la « petite loi », c’est-à-dire à partir de la
version du texte de loi 249, adopté le 2 avril par l'Assemblée nationale. Les
élus ne devront donc pas tenir compte des travaux de la CMP, qui avait, le 7
avril, sous des pressions présidentielle et ministérielle, réintroduit la
« double peine », une sanction qui risque d’être rejetée par
Bruxelles et par… le Conseil constitutionnel. Le tout sera décidé
officiellement le 28 avril en séance publique lors de la ratification de
l’ordre du jour de l’Assemblée. Les débats commenceront le 29 vers 16h30, après
la séance de questions au gouvernement, qui a traditionnellement lieu de 15 à
16 heures.
Outre le « détail » qui fait qu’il est possible de pirater la ligne (notamment en wi-fi) d’un particulier, ou que l’on peut aller dans un point quelconque se servir et par là se dédouaner de toute sanction, des élus UMP qui vont peut-être voter « comme il faut » pour se donner bonne conscience pensent avoir trouvé une porte de sortie auprès du Conseil constitutionnel. Sous la présidence de Jean-Louis Debré, on pourrait ainsi voir Jacques Chirac, depuis deux mois favori des sondages à la place de Rama Yade, retoquer un projet dont le premier rejet a mis en colère son successeur.
Des amateurs, les amis politiques du président. « Fier d’être amateur », avait rétorqué Franck Marlin, maire
d’Etampes (Essonne) et député UMP, trouvant le projet « bancal »,
s’exprimant contre, et cosignataire de quelques coups de griffe.
Le
président de l'Assemblée, Bernard Accoyer, s’est contenté de préciser lors de sa réunion de ce mercredi
avec la presse qu'il aurait souhaité que les députés disposent de davantage de
temps en commission pour préparer le texte pour la séance publique. Il a aussi dénoncé une campagne d’antiparlementarisme après les critiques lancées sur l’absentéisme des députés.
Vice-présidente
du groupe PS à l’Assemblée, la députée de la 21e circonscription de Paris (majorité du 20e
arrondissement), George Pau-Langevin, a pour sa part regretté « qu'on n'ait pas pris
l'opportunité de ce vote du 9 avril pour remettre tout à plat et réexaminer la
question » ; elle a qualifié le texte d’« espèce de ligne
Maginot ».
Pour Martine Billard, la députée (Les Verts) de la 1e circonscription de Paris,
particulièrement active sur ce dossier (lire à ce sujet son blogue), l'agenda de l'Assemblée se fait « selon les désirs de
l'Elysée ». « Le groupe UMP a décidé de faire passer coûte que coûte
cette loi ; ce qui apparaît pour tous les Internautes qui ont suivi l'ensemble
des débats comme un déni de démocratie ». « Il n'y avait pas
d'urgence, sauf à éviter que le président de la République et sa majorité UMP
ne perde la face », ajoute-t-elle.
Ancien sénateur, porte
parole du groupe des Communistes et républicains à l’Assemblée nationale, Roland Muzeau, le député (PCF) de la 1e circonscription des Hauts-de-Seine, parle sur
son site Internet de « fait du prince ». Dénonçant une décision « tout simplement
scandaleuse », il écrit : « C'est la légitimité du Parlement qui
est bafouée. Ces évènements illustrent, si besoin était, la nature de la
réforme de la Constitution dont Nicolas Sarkozy voulait faire croire qu'elle
renforcerait les pouvoirs du Parlement et qui, en fait, ne visait qu'à donner
les pleins pouvoirs à l'exécutif. Quand le Parlement déplaît, le prince
impose ».
En tant que président de l’Assemblée, l’UMP Bernard Accoyer a réussi à marquer un point (un seul) : c'est la Conférence des présidents qui décide de l'ordre du jour. Pas la ministre de la Culture, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, ni un président, fut-il celui du groupe UMP, même agacé(s) par un coup de calcaire présidentiel. Pour les élus UMP anti-Hadopi, il est temps désormais de mieux se faire entendre, car il est vrai que, si leurs arguments (techniques, économiques, politiques et parfois culturels) sont intéressants, ils manquent de clarté dans les grands médias, qui n’ont que trop tendance à diffuser des messages UMP pro-Hadopi, négligeant grandement que le parti (majoritaire à l’Assemblée mais pas au Sénat) ne parle pas d’une seule voix.
Il est temps aussi, pour chaque camp, comme le prévoit l’Article 45 de la Constitution en son dernier alinéa, de déposer des amendements, les mêmes qu’auparavant, ou de nouveaux, en fonction des récents débats européens et des textes actuellement sur le bureau de Catherine Trautmann, qui a ce dossier en charge, et qui doit composer avec le fait que les droits fondamentaux s’appliquent à l’Internet. Un pierre européenne dans le jardin français, à deux mois des élections.
Ces amendements seront votés… ou rejetés.
A l'issue de
l'examen par l'Assemblée, le texte repassera devant le Sénat. Si les sénateurs
votent le texte dans les mêmes termes (or l’UMP a besoin des centristes… ou de
l’absentéisme pour avoir la majorité au Sénat), la loi sera adoptée. Sinon, le
texte devra repartir devant les députés : ils pourront encore l'amender…
Auparavant, une manifestation est prévue, le 25 avril à Paris, sur inscription
(lire ci-dessous) : ses organisateurs préviennent qu’elle n’aura lieu que si au moins deux mille personnes
s’inscrivent. Les utilisateurs, eux, font montre de davantage de discipline que
les députés.
Fabien Abitbol
è Pour s’inscrire à la manifestation du 25 avril, organisée par le Collectif contre Hadopi (à Paris), cliquer ici.
è Quelques réflexions de Jean-Pierre Nicolas, député de la 2e circonscription de l’Eure (UMP) sur la loi « Création
& Internet »
è OSS117 : Hadopi ne répond plus
è Le dossier Hadopi sur Numerama (pour suivre les débats parlementaires derrière
son ordinateur)
excellent post ;)
Rédigé par : francoisleg | 18/04/2009 à 23h52