Tempête dans un verre d’eau au palais de justice de Saint-Pierre. Maître Georges-André Hoarau doit comparaître le 25 septembre prochain devant le tribunal correctionnel pour diffamation publique envers Rachida Dati, accusée par l’avocat d’avoir produit un faux document justifiant un diplôme pour obtenir des prestations.
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Pour une banale plaidoirie de mai, le bâtonnier de Saint-Pierre devrait comparaître devant le tribunal fin septembre. Manifestement, ce n'est pas ce qui était recherché par Rachida Dati
photo JIR
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Rachida Dati, la Garde des Sceaux, n’a pas porté plainte pour diffamation conformément à l’usage en cours chez les ministres, elle en avait été pourtant extrêmement furieuse lorsqu’elle avait appris, document à l’appui, la teneur des propos tenus dans l’enceinte du tribunal de Saint Pierre lors d’une audience où, a priori, son nom n’avait pas à figurer. Les faits remontent au 15 mai. Ce jour-là, devant le tribunal, Maître Georges-André Hoarau, représente les intérêts d’un individu, qui au grand dam de la CAF, a produit de faux documents pour obtenir des allocations. Le bâtonnier, dont la liberté de parole est reconnue et apprécié unanimement par ses confrères qui l’ont porté par deux fois au bâtonnat, et qui s’inscrit même au registre des lanceurs de pavés du barreau, ose alors une comparaison pour la défense de son client.
Il cite en référence une affaire qui a déjà fait du bruit dans le Landerneau politico-médiatique fin 2007, lorsque Rachida Dati a été montrée du doigt par l’hebdomadaire L’Express pour s’être inventé un diplôme en 1966, « MBA (Master of Business Administration) européen du groupe HEC », afin de pouvoir entrer à l’École nationale de la magistrature… Une information du reste relayée ensuite par Le Canard Enchaîné qui s’était procuré le dossier administratif de Rachida Dati, dans lequel figurait son CV, stipulant, en 1993, « MBA du groupe HEC » avec la mention « ancienne élève de l’Institut supérieur des affaires ».
Madame la Ministre n’avait pas poursuivi, elle avait même admis alors qu’elle ne possédait pas le diplôme « MBA du groupe HEC » cité, ajoutant qu’elle n’avait jamais du reste prétendu le posséder… L’armistice était donc signé. Il a fallu que le Jo Hoarau rompe les hostilités, même avec réserve, en remémorant l’affaire lors de sa plaidoirie : « Si la CAF se met à poursuivre des gens qui produisent des faux pour des allocations, je ne sais pas si un autre procès aura lieu, je ne le souhaite pas, mais je me demande quelle peine serait requise contre Rachida Dati, notre ministre de la Justice, qui a produit un faux document justifiant un diplôme pour obtenir des prestations ».
Fin de l’envoi et début de crise sur le banc du ministère public où siège Patrice Cambérou, procureur de la République. Le magistrat, piqué au vif, et peut-être ravi de pouvoir en découdre avec le bâtonnier (Ndrl : ce ne sera donc plus un privilège de journaliste que de s’en prendre à un bâtonnier en exercice), sort de ses gonds… « Je ne peux laisser dire ça en pleine audience contre la ministre de la Justice ! La présomption d’innocence vaut pour tout le monde ».
L’affaire aurait pu s’arrêter là, chacun, avocat et procureur étant parfaitement dans leur rôle. Mais elle va aller plus loin… Patrice Cambérou ne se satisfaisant pas de son intervention, rédige un rapport auquel s’ajoutait, pour faire bonne mesure, aussi un « compte rendu » du greffier de l’audience. Le tout était envoyé à Paris au ministère de la Justice. Et c’est là que le piège se referme sur Madame la Garde des Sceaux. Furieuse, elle l’était. Mais pour autant, avait-elle envie de faire remonter cette vieille affaire à la surface ? Et puis, comment désavouer des gens qui ont pris la défense de son honneur ? Elle décide finalement de faire « a minima ». Elle ne dépose pas plainte mais, en juin, donne un coup de fil au parquet de Saint-Pierre en guise de remerciements, et pour montrer son intérêt, demande une enquête, que le parquet va confier à un policier qui va entendre le bâtonnier en juillet. C’en est fait, l’affaire va suivre son cours, et curieusement dans un esprit diamétralement opposé à celui qui l’a déclenchée. Car si le procureur Cambérou est monté au créneau, c’est qu’il avait été choqué par l’évocation de cette histoire somme toute ancienne (à moins qu’il n’ait pas lu des journaux nationaux et qu’il ait pensé que ce récit n’était pas une reprise, mais une révélation). Or, désormais, compte tenu des suites qui lui sont données, le dossier « diplôme » de la ministre va remonter à la surface, puisqu’il va être renvoyé devant tribunal correctionnel le 25 septembre prochain, et être alors évoqué dans les journaux régionaux et nationaux. Une patate chaude qui ne va pas aisément trouver des mains accueillantes. Un ramdam dont Rachida Dati se serait sans doute passée.
Christian Chardon, pour Le Journal de l’Ile de la Réunion
« Je n’ai reçu aucune citation »
« J’ai été étonné d’apprendre par la presse que je suis convoqué à l’audience du tribunal correctionnel de Saint-Pierre du 25 septembre prochain, explique le bâtonnier Georges-André Hoarau. Comment se fait-il qu’un journal puisse faire état de ce dont l’intéressé lui-même n’a pas connaissance ? (…) Dans quelles conditions cette information a-t-elle été transmise, par qui et pourquoi ? C’est contraire aux us et coutumes et surtout à la procédure. Je ne conteste pas avoir été auditionné sur des propos qu’on prétend être les miens… avec quelques nuances d’importance sur lesquelles je reviendrai lorsque je recevrai la citation qu’on prête au parquet. D’emblée, je constate que la puissance de mon verbe arrive jusqu’à la place Vendôme. Je ne savais pas non plus que Madame la Garde des Sceaux portait une attention particulière à mes plaidoiries. Je n’ai fait que citer, dans le cadre de la défense pénale d’un de mes clients, ce qui avait été largement débattu, au dernier trimestre 2007, dans la presse nationale, sans qu’à ma connaissance, une plainte ait été déposée contre quiconque ». « Cette affaire concerne en réalité la défense et ses droits, un paravent de la démocratie qu’il faut défendre bec et ongles, ici et à Paris », conclut l’avocat.
Tribunaux comiques
Ce mois de juillet aura au moins été porteur d’une bonne nouvelle : le retour du bon vieux temps des tribunaux comiques dû à l’initiative du parquet dans le rôle du producteur. La première est programmée pour le 25 septembre, au tribunal de Saint-Pierre. Il ne faudra pas louper la séance et amener les enfants. Pour les gosses, c’est mieux que Guignol au Jardin des Plantes. L’intrigue promet déjà : c’est l’histoire d’un chevalier sans peur et sans reproches qui ramasse dans le sable le mouchoir d’une belle princesse dont l’honneur a été offensé par le Baron noir. Pour punir ce crime de lèse-majesté, le galant accroche la précieuse étoffe à son épée avant de défier le traître, devant les pairs de la couronne, les hobereaux du cru et les conteurs de balivernes, lors d’un tournoi à grand spectacle et effets de manches, avec trompettes, étendards et oriflammes. Une joute sans merci à l’issue incertaine. On ne sait encore si le preux pourra brandir le heaume du félon au bout de sa lance sans se prendre les pieds dans son armure, mais ce qu’on perçoit déjà, c’est que son acte de bravoure, aura assuré son avenir à la cour, et qui sait, dans le cœur de la jouvencelle. À moins qu’elle trouve son zèle trop envahissant. Qu’on se le dise !
C. C.
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